Cameron joue l’union sacrée contre le  Brexit 

Cameron joue l'union sacrée contre le  Brexit 

Le Monde
| 07.06.2016 à 11h33
Mis à jour le
07.06.2016 à 14h47
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Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)

Multiplier courbettes et politesses envers ses adversaires politiques n’est pas un signe de bonne santé politique, surtout pour un chef de gouvernement brillamment réélu voici tout juste un an. C’est pourtant l’exercice auquel s’est contraint David Cameron, lundi 6 juin, dans un stade de cricket du sud de Londres, à dix-sept jours d’un référendum qui pourrait non seulement lui faire perdre le pouvoir, mais aussi précipiter le Royaume-Uni hors de l’Union européenne. Alors que le camp du « Leave » (quitter l’UE) a le vent en poupe selon les sondages (à 51 % contre 49 % selon la moyenne des six dernières enquêtes), le premier ministre conservateur, flanqué de responsables de trois autres partis politiques du pays, Labour, LibDems et Verts, a joué une partition dont il n’est pas familier et qui a de quoi dérouter les électeurs : l’union sacrée pour le maintien dans l’Europe.

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Pour dénoncer la « campagne mensongère » des partisans du « Brexit » (sortie de l’UE), les responsables politiques ont défilé devant un trio de voitures Mini, bleue, jaune et rouge, agrémenté d’un vélo pliant Brompton vert, censé symboliser à la fois l »cuménisme de rigueur et les succès britanniques à l’exportation en Europe. Sortir de l’UE reviendrait à jeter « une bombe » sur l’économie britannique après avoir « allumé nous-mêmes la mèche », a mis en garde David Cameron, annonçant, en cas de « Brexit », « une décennie d’incertitude » liée aux négociations de sortie avec l’UE.

Opinion très partagée

Il a appelé le camp adverse, mené par son rival conservateur Boris Johnson, ancien maire de Londres, à « dire la vérité sur son projet économique », accusant les pro-« Brexit » d’avoir énoncé pas moins de 23 hypothèses contradictoires sur le type d’accord qu’ils souhaitent avec l’UE après un éventuel divorce. Alors que le camp du « Leave » accuse quotidiennement les pro-UE de « semer la peur » pour détourner les électeurs de la tentation du « Brexit », Harriet Harman, ancienne leader du Labour, a affirmé qu’effectivement elle avait « peur pour les emplois, pour la réglementation du travail et les droits des femmes » en cas de sortie de l’UE.

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Les partisans d’une sortie « jouent avec l’emploi des gens » et cherchent à « escroquer les Britanniques », a renchéri le libéral démocrate Tim Farron, d’autant plus ravi de participer à cette « plateforme inter-partis très inhabituelle » que son propre parti a presque disparu du paysage depuis que les électeurs l’ont rejeté pour avoir partagé le pouvoir avec M. Cameron. Quant à Natalie Bennett, la responsable des Verts, elle a insisté sur le risque d’abandon des règles environnementales en cas de « Brexit ».

Unanimisme de façade

Cet unanimisme de façade peut-il susciter l’élan proeuropéen que des semaines de mises en garde appuyées par les principales autorités financières du pays et les leaders internationaux du gouverneur de la Banque d’Angleterre à Barack Obama n’ont pas provoqué ‘ Probablement pas. John Curtice, professeur de sciences politiques à l’université de Strathclyde et l’un des experts britanniques les plus avisés en matière d’enquête d’opinion, minimise les inflexions qu’enregistrent les sondages, estimant que « peu de chose sinon rien » n’a changé ces dernières semaines dans l’état de l’opinion, qui demeure très partagée.

C’est précisément ce qui inquiète le premier ministre et l’a probablement amené à se prêter à cette mise en scène faussement unanimiste. Le leader du Labour, Jeremy Corbyn, issu de l’aile gauche du parti et pratiquement absent de la campagne pro-UE qu’il est censé soutenir, refuse obstinément d’apparaître aux côtés de M. Cameron, pour ne pas déboussoler ses électeurs. Derrière l’enjeu européen, le référendum du 23 juin apparaît de plus en plus comme un choix entre M. Cameron et M. Johnson, avec l’arrivée au pouvoir, en cas de « Brexit », de la frange la plus libérale et la plus nationaliste du parti conservateur incarnée par l’ancien maire de Londres.

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