Binoche Sempé Phoenix’ 22 célébrités dans l’objectif de Brigitte Lacombe

Binoche Sempé Phoenix' 22 célébrités dans l'objectif de Brigitte Lacombe

Le génie français appartient-il au passé C’est par cette interrogation qu’a débuté la collaboration de M Le magazine du Monde avec Brigitte Lacombe. Pour cette célèbre portraitiste française installée aux Etats-Unis depuis près de quarante ans et habituée à photographier les stars, le rayonnement hexagonal est intact et c’est très français que de le nier. La preuve en images avec des cinéastes, des créateurs de mode, des musiciens, des chefs’

Juliette Binoche,

actrice

Elle a débuté avec Jean-Luc Godard, André Téchiné, et Leos Carax bien sûr. Mais dès les années 1990, Juliette Binoche s’est attelée à devenir la plus internationale des actrices françaises. Krzysztof Kieslowski, Michael Haneke, John Boorman, Abel Ferrara, Hou Hsiao-hsien, Amos Gitaï, Abbas Kiarostami, David Cronenberg’ Elle a tourné avec les plus grands metteurs en scène européens, asiatiques ou américains, remportant, entre autres, un César, un Oscar, un Bafta ou un Ours d’argent.

Un palmarès inégalé.

Un destin indissociable de l’histoire du cinéma contemporain.

Styliste Charlotte Colley

Alexandre Desplat, compositeur

Il est le musicien le plus prisé du cinéma, en France mais surtout à Hollywood.

Wes Anderson, Stephen Frears, Wim Wenders, Terrence Malick, mais aussi Jacques Audiard, Anne Fontaine, Xavier Giannoli, Raymond Depardon’

Tous font appel à lui pour ses compositions symphoniques, romantiques ou exotiques.

En 2015, il a remporté l’Oscar de la meilleure musique de film pour The Grand Budapest Hotel. Pas de quoi se croire arrivé, ou avoir envie de ralentir. Dans les prochains mois, on verra son nom au générique de Valérian et la cité des mille planètes, de Luc Besson, Suburbicon, de George Clooney, D’après une histoire vraie, de Roman Polanski, ou encore Isle of Dogs, de Wes Anderson.

Des dizaines d’albums du Petit Nicolas, des rétrospectives, des films, plus de cent couvertures du mythique New Yorker, des publications dans plus de quarante pays’ Sempé,

84 ans, est le maître incontesté du dessin français. Son trait, reconnaissable entre mille, est à la fois virtuose et poétique. Son regard sur le monde, doux-amer et tendre, a tant pénétré notre inconscient qu’il se surimprime sur les vues de Paris et de New York, sur les grands moments intimes et les petits événements collectifs. L’humanité dessinée dans une uvre immense, drôle et mélancolique, philosophique.

Mia Hansen-Løve, réalisatrice

Depuis son premier film, Tout est pardonné, en 2007, cette Parisienne à la silhouette adolescente trace une route qui contredit son apparente fragilité. Mia Hansen-Løve a la détermination d’acier des grands timides, et son cinéma est à son image : sous la sagesse gronde et frémit un courant puissant.

Celle qui a remporté l’Ours d’argent à la Berlinale 2016 (pour son film L’Avenir, avec Isabelle Huppert) tournera son septième film en Inde au mois de septembre, et un huitième en Suède début 2018 (avec Greta Gerwig et John Turturro).

Lisa-Kaindé et Naomi Díaz,

22 ans, sont jumelles. Leur père était cubain, leur mère est franco-vénézuélienne. Les deux s’urs, elles, ont grandi à Paris. Leur premier album, Ibeyi, sorti en 2015, chanté en anglais et en yoruba, a fait d’elles un duo incontournable. Signées sur le label anglais XL (Radiohead, Adele, The xx’), sollicitées par Beyoncé pour participer à son dernier film-album Lemonade, saluées en personne par Prince lors de leur concert à Milwaukee en 2016′, Lisa et Naomi s’émerveillent encore de leur histoire. Leur deuxième album, Ash, sortira

le 29 septembre et continuera de célébrer leur héritage métis.

Il aura suffi de quatre chevelus d’une vingtaine d’années, au début de la décennie 2000, pour placer Versailles, leur ville, comme un épicentre de la pop mondiale, quelques années après la vague de la French Touch. En 2009, leur quatrième album, Wolfgang Amadeus Phoenix, les porte au sommet des charts mondiaux et leur vaut un Grammy Award.

Le cinquième, Bankrupt !, enfonce le clou en 2013.

Leur dernier-né, Ti Amo, sorti ces jours-ci, a des airs de dolce vita et promet de les maintenir au sommet. La preuve du succès Ils sont sans doute au moins aussi connus à l’étranger qu’en France.

Azzedine Alaïa, créateur de mode

M. Alaïa est haut comme trois pommes, mais a la stature d’un géant. Débarqué à Paris de sa Tunisie natale à la fin des années 1950, il habille depuis cinquante ans les plus belles et les plus élégantes femmes du monde, qui se bousculent dans l’intimité de son atelier parisien. Naomi Campbell, Scarlett Johansson, Michelle Obama, Tina Turner’ Toutes ont contribué à la renommée de ce grand discret qui protège son indépendance comme un trésor en se tenant à l’écart du système du luxe. Imperméable aux tendances, son style n’a pas changé. Sans prendre une ride. Il s’intéresse à tout (sauf à la mode !), dort quatre heures par nuit et continue d’être vénéré par toutes les générations.

Voici onze ans qu’il a pris les commandes du Chateaubriand, faisant de ce vieil établissement parisien un bistrot palpitant. Carnivore, inventif, touche-à-tout, le chef basque a également pris la tête de la brigade du Dauphin, son second restaurant, où il sert une cuisine fraîche et acidulée, réveillée par les herbes aromatiques. Chef de file de la spectaculaire réinvention de la gastronomie française, décontractée et exigeante, enracinée et libre,

il attire à sa table touristes du monde entier, vedettes affamées, et Parisiens peu sensibles au faste parfois chichiteux des grandes institutions hors de prix.

Gilles Peress, photographe

Il est né à Neuilly-sur-Seine, est passé par Sciences Po Paris, vit à New York mais n’a pas vraiment d’adresse. Depuis 1971, Gilles Peress arpente le monde pour témoigner, objectif en main, des pires moments de brutalité contemporaine. Publiées dans le New York Times, Life ou Stern, exposées au MoMA de New York, au Getty de Los Angeles, au Musée d’art moderne à Paris, ses images de guerre en provenance de Bosnie, du Rwanda, d’Irlande du Nord ou d’Iran sont restées dans les mémoires.

Des documents en noir et blanc souvent bouleversants.

Simon Porte Jacquemus, créateur de mode

« Je m’appelle Simon, j’aime le bleu et le blanc, les rayures, le soleil, les fruits, les ronds, Marseille et les années 1980 », annonce le jeune prodige de 27 ans sur son site Internet. En quelques années, sa mode joyeuse et colorée a conquis le monde. Un exploit pour un créateur indépendant, qui a monté sa marque à 20 ans, et s’est fait remarquer lors de défilés happening en marge des Fashion Weeks parisiennes. Sa liberté, elle, s’exporte bien : la marque Jacquemus affiche une santé insolente (5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, et une trentaine de salariés), et est disponible dans 90 points de vente à travers le monde. Une success story à la française.

Paul Otchakovsky-Laurens, éditeur

A la tête de P.O.L, la maison qui porte ses initiales et qu’il a créée il y a trente-quatre ans, ce limier littéraire a su déceler le génie dans les plumes d’Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq, Camille Laurens ou Guillaume Dustan. Comme armes de choix, Paul Otchakovsky-Laurens, 72 ans, a l’esprit d’aventure et de découverte, favorisant, chez ses auteurs, l’expérimentation, la liberté et le courage. Le courage, c’est aussi celui de publier des textes qui bousculent, dérangent, résistent ou interpellent. Parce que les arts dialoguent, POL préside également le Festival international de cinéma de Marseille, dont la prochaine édition, en juillet, mettra à l’honneur le cinéaste américain Roger Corman.

Riad Sattouf, dessinateur et réalisateur

Traduit en vingt langues, portraituré dans le New Yorker en 2015, ce Français d’origine syrienne dessine comme il pense : vite et de manière incisive. Dans ses récits de bagarres de cour de récré et d’errements adolescents, il convoque l’enfant qu’il fut, y injectant une conscience du monde dont il semble refuser de croire qu’elle est politique, mais qui encapsule le c’ur battant de notre époque.

A suivre : une nouvelle étape pour Les Cahiers d’Esther

(« 12 ans ») et, bien sûr, le quatrième volume de sa saga L’Arabe du futur, à l’automne. Et peut-être, qui sait, un nouveau film, après Les Beaux Gosses et Jacky au royaume des filles.

Katia et Marielle Labèque, pianistes

« Petites, nous avons commencé à jouer à quatre mains parce que nous n’avions pas la place d’avoir deux pianos à la maison », racontent-elles. Elles sont menues, également brunes, pétillantes, et avancent professionnellement en paire depuis près de quarante ans. Katia a les yeux gris-vert et prend plus facilement la parole que Marielle, aux yeux bruns. Les s’urs Labèque restent les reines inégalées du répertoire à deux pianos, classique, jazz, baroque ou rock expérimental. Elles ont joué dans les plus grandes salles et les plus prestigieux festivals, collaboré avec Philip Glass, John Cage ou Steve Reich, fondé un label et une fondation à Rome, où elles vivent avec leurs époux.

Styliste Charlotte Colley

Pierre Hermé, pâtissier

Son nom évoque des sucreries lustrées, belles comme des bonbons de dessins animés. Fils, petit-fils, arrière-petits-fils d’artisans pâtissiers, Pierre Hermé a porté le savoir-faire familial au niveau de l’excellence, concevant des délices que ses chefs répliquent au milligramme près dans ses dizaines de boutiques, de Paris à Strasbourg, et de Tokyo à Macao. L’Ispahan, la série phare des Infiniment’ Les noms de ses créations pourraient presque être des titres de romans.

Christian Boltanski, artiste

Fringant, du haut de ses

72 ans, Christian Boltanski se dit « arrivé à l’âge des rétrospectives ». L »il qui frise, le sourire enfantin, cet

« artiste peintre », comme il se définit lui-même, essaime depuis plus de cinquante ans ses uvres physiques et métaphysiques aux quatre coins de la planète.

Les Archives du c’ur sur l’île de Naoshima, la gigantesque installation parisienne Personnes, au Grand Palais,

à Paris, en 2010, Les Dernières années de CB en Australie’ Il faut bouger vite pour le suivre. Dans les mois qui viennent, il s’envolera pour la Patagonie, où sa prochaine uvre dialoguera avec les baleines de l’océan Pacifique. Jusqu’au 30 juin, la péniche La Pop, amarrée au quai de Loire à Paris, accueille son installation sonore Le C’ur.

Olivier Assayas, réalisateur

Bien qu’ancré en France, son cinéma est voyageur. Avec Juliette Binoche qu’il retrouvera à l’automne sur le tournage de son prochain film eBook , avec la jeune star Kristen Stewart dont il a fait sa muse dans Sils Maria et Personal Shopper, ou pour des aventures transcontinentales (Clean en 2004, Carlos en 2010), Olivier Assayas est liberté de geste, de parole, de fabrication.

Annette Messager, artiste

Elle a reçu le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2005,

a exposé à New York, Los Angeles, Tokyo ou Buenos Aires. Formée à l’Ecole des arts décoratifs dans les années 1960, Annette Messager a pris la tangente dans le sillage de Mai-68 et est devenue, dans les années 1970, l’un des seuls éléments féminins d’une nouvelle famille d’artistes contemporains français, libres sinon libertaires. Dans une pulsion d’autofiction artistique, Messager se met en scène,

se diffracte, use et abuse du

« je », se fait couturière, vidéaste, photographe, dessinatrice, sculptrice, questionnant les techniques qu’elle utilise ou la féminité pour mieux les renverser.

Un coup de pied dans la garçonnière.

« Mais enfin, c’est sidérant de se plaindre tout le temps. Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez ! » Il y a dans la voix un peu d’agacement. Pas grand-chose, juste une pointe, mais très perceptible. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas le genre de la photographe française Brigitte Lacombe de s’emporter. Son registre est plutôt celui de la délicatesse. Quelque chose de doux mais de ferme auquel il serait illusoire de vouloir résister. On n’arrive sans doute pas là où elle est par hasard’

Là où elle est, c’est New York. Elle s’y est installée, il y a près de quarante ans. Là où elle est, c’est dans le très haut du panier des photographes américains. Brigitte Lacombe est aujourd’hui l’une des plus grandes portraitistes de la vie intellectuelle et cinématographique outre-Atlantique. Mais elle n’a oublié ni l’Europe ni, surtout, la France où elle revient souvent pour travailler ou voir ses proches. Sur son pays natal, elle porte le regard de ceux qui sont allés voir ailleurs. Et c’est précisément cela que nous attendions lorsque nous lui avons proposé de faire des portraits de Français célèbres pour ce numéro 300 de M.

Son allure devient sa signature

 

L’idée était de montrer le « génie » français, tel qu’il s’est affirmé au siècle des Lumières. Pour établir la liste des sujets photographiés il n’a jamais été question de critères scientifiques ou objectifs. Juste de rencontres entre Brigitte Lacombe et ces Français. Elle était très curieuse de la jeune génération dont souvent elle ignore tout. Ce qui lui semblait représenter absolument la France, le meilleur de la France, c’était France Culture, qu’elle écoute dès qu’elle le peut, quand elle est à Paris ou depuis les Etats-Unis sur son ordinateur. « Il n’existe nulle part ailleurs une radio qui propose des programmes de ce niveau. Nulle part ! », affirme-t-elle. Non, vraiment, nous ne nous rendons pas compte, donc, de notre chance, de cette singularité de la France, de cette forme de « génie » qui prend plus d’éclat quand on s’en éloigne. Cela ne fait pas de mal à entendre.

 

Quelques semaines après cette première rencontre avec Brigitte Lacombe, la revoilà, au travail, dans un studio de l’Est parisien. Délicate et ferme, Lacombe s’attelle à ses rencontres. Cheveux mi-longs, blanc argenté, sans maquillage, une paire de lunettes de vue cerclées de noir à portée de main, tunique et pantalon noirs souples, sandales ouvertes, Brigitte Lacombe a son uniforme. Comme ces architectes, ces artistes, ces couturiers qui se débarrassent des détails et des fioritures pour se concentrer sur l’essentiel et font de leur allure une signature.

En noir et blanc, toujours à la lumière du nord

 

Au cours des trois jours de prises de vues qui ont vu se succéder le dessinateur Sempé rendu fragile par l’âge, la délicate réalisatrice Mia Hansen-LØve, la coquine artiste contemporaine Annette Messager ou les incroyables s’urs Ibeyi, pas un instant Brigitte Lacombe n’a relâché son attention. « Je suis si désapointée’ », se lamente-t-elle dans son élégant franglais lorsque la collaboratrice du couturier Azzedine Alaïa appelle pour prévenir que le maître ne pourra participer. Il vient de se blesser au doigt. Opération, bandage’ Le lendemain, pourtant, Alaïa est là. « Pour Brigitte », avec qui il a démarré dans les folles années 1970. « Pour Brigitte », Juliette Binoche a traversé Paris à la fin d’une déjà très longue journée. « Pour Brigitte », les s’urs Labèque, pianistes dont la renommée est aujourd’hui plus grande à l’étranger qu’en France, ont annulé interviews et rendez-vous, pris l’avion de Düsseldorf où elles jouaient la veille au soir avant de repartir l’après-midi même pour Rome, où elles résident et travaillent.

 

Certains de ces artistes sont aussi ses amis. Elle les photographie depuis des années, la plupart du temps en noir et blanc, toujours à la lumière du nord (« c’est ainsi que je travaille », explique-t-elle simplement). Ici, ailleurs, sur les tournages, mais de préférence dans son petit studio du Lower East Side, à New York, où elle peut leur offrir l’intimité dont elle a besoin.

 

Si on établissait une galerie imaginaire du travail de Brigitte Lacombe, on croiserait le sourire de Nelson Mandela, l »il de lynx de Bob Dylan, celui, pétillant, de Robert De Niro, la fragilité de l’écrivaine Joan Didion, la folle sensualité de Johnny Depp, l’air blasé d’Andy Warhol, la malice de Dustin Hoffman’ Et, très souvent, son amie Meryl Streep ou Martin Scorsese, dont elle est devenue une compagne de route, seule photographe accréditée sur les tournages. Et puis aussi Glenn Close, les Obama, Melinda Gates, Isabelle Huppert’

 

Curieusement, avec un tel tableau de chasse, et alors qu’elle a, au fil des ans, aligné les collaborations avec la fine fleur des magazines américains, de Vanity Fair à Interview en passant par The New Yorker, et des titres pointus comme Acne Paper, System ou ZEITmagazin, il y a peu de littérature sur Brigitte Lacombe. Peu importe. Plus que sa gloire, ce qui l’intéresse, c’est de déchirer le voile et de percer le mystère de ceux qui sont face à elle. Mais sans forcer, sans même avoir à demander. Cette attention est au c’ur de son travail.

 

Ce qui frappe, toujours, c’est le dépouillement de ses portraits. Dans un livre regroupant son travail Lacombe : Cinema/Theater (éd. Schirmer/Mosel), le dramaturge David Mamet, pour lequel elle a souvent travaillé, a écrit : « Je regarde ces photos et je me dis Bon Dieu, ces gens ressemblent vraiment à des personnes’ C’est tellement humain’. » Une façon de dire que, même si ses sujets sont des stars, même s’ils appartiennent au show-business, au système du divertissement, c’est leur vérité qu’elle recherche. « Son travail dépouille les personnes de leur dimension commerciale », analyse, avec justesse, Frank Rich dans un autre ouvrage, Lacombe Anima/Personna (retrospective 1975-2008, éd. Steidl/Dangin). « À chaque portrait, j’apprends quelque chose, sur moi et sur les autres. C’est pour ça que ça reste passionnant », observe la photographe.

Stagiaire à « Elle » à 16 ans

 

D’elle, elle parle peu, sans pour autant sembler cultiver de mystérieux secrets. Née à Metz, d’un père secrétaire général des coopératives ouvrières de France et d’une mère anesthésiste (l’une des premières), mais qui arrêta de travailler à la naissance de son premier enfant, Brigitte Lacombe grandit à Paris. Mauvaise élève, elle arrête l’école à 16 ans. Son père connaît le directeur du labo photo du magazine Elle. Il lui offre un appareil (lui qui a toujours rêvé de devenir photographe), et lui dégote un stage.

 

Au bout d’un an d’apprentissage, on lui donne le choix : devenir l’assistante de Patrick Demarchelier, un grand photographe de mode, ou bien suivre la fantasque Jeannette Leroy, protégée d’Hélène Lazareff (la fondatrice du magazine). « Elle vivait seule, retrouvait l’homme qu’elle aimait pour des soirées’ Elle m’a ouvert les yeux sur un monde très différent du mien. Elle ne m’a rien enseigné sur la technique mais avec elle, j’ai appris à regarder. » Au bout de deux ans, Leroy la confie au légendaire directeur artistique de Elle, Peter Knapp. Lacombe fait des portraits, des reportages, et signe ses premières couvertures.

 

« Comme tout le monde », elle aime le cinéma, et parce que sa famille a une maison au Cannet, le magazine décide de l’envoyer au Festival de Cannes. En ce mois de mai 1975, elle est l’une des seules femmes photographes et a accès aux vedettes. Dustin Hoffman, venu défendre Lenny, lui propose à la volée de prendre des photos sur le tournage de son prochain film, Les Hommes du président. Elle part peu après pour Washington, où se tournent les scènes en extérieur, avant de suivre l’équipe à Los Angeles. Là, sans réaliser sa chance, elle photographie Roman Polanski, Donald Sutherland, et rencontre Steven Spielberg, qui vient de terminer Les Dents de la mer. « J’étais alors la seule Française qu’il connaissait. Il était en train d’écrire le scénario de Rencontres du troisième type et a donné mon nom au personnage de François Truffaut, le Professeur Lacombe ! »

 

Sa carrière est lancée, elle s’installe à New York, qui devient sa base arrière. Depuis, Brigitte Lacombe vit pour son métier. « Mon travail est devenu ma vie entière, dit-elle. Presque à l’exclusion de tout le reste. » Pas de mari, pas d’enfant mais des amis fidèles, une s’ur à Paris. Pas de regrets, non plus. « Une vie réussie, c’est quand on sait que l’on n’a pas tout, mais que l’on a fait des choix et qu’on n’en regrette aucun. »

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