Assauts de migrants sur la rocade de Calais , le député Yann Capet n’imaginait pas ce niveau d’intensité

Assauts de migrants sur la rocade de Calais , le député Yann Capet  n'imaginait pas ce niveau d'intensité

Cette démarche, originale de la part d’un élu, intervient alors que
François Hollande a annoncé sa venue à Calais avant le 14 juillet
. Yann Capet, qui se présente comme un intermédiaire auprès du gouvernement et, plus précisément, auprès du ministre de l’Intérieur, entend d’ailleurs rendre compte de ses observations à Bernard Cazeneuve dès ce jeudi. Il nous a raconté les détails de sa nuit sur la rocade. Interview.

– Comment est née cette idée de passer une nuit sur la rocade portuaire

« C’est le syndicaliste Gilles Debove qui m’a contacté pour me suggérer de venir me rendre compte de la situation. Ce n’était pas une démarche politique ou de campagne électorale : à la différence de certains qui multiplient les opérations de communication, je cherche à être dans la réalité et la profondeur des choses. Je souhaitais me rendre sur la rocade en milieu de semaine, car le trafic est plus important. J’y suis donc allé hier soir (mercredi, ndlr), à mon retour de l’Assemblée nationale. J’y suis resté jusqu’à 6 h 30 du matin. »

Comment s’est déroulée la nuit

« Vers 21 h, j’ai pu échanger au commissariat de Calais avec les équipes de nuit. Ensuite ça a très vite commencé. J’ai été impressionné par le travail absolument remarquable des forces de l’ordre, qui ont travaillé en continu, sans une minute de pause et même au-delà de la fin de leur service. »

Qu’avez-vous vu sur la rocade

« J’étais dans une voiture banalisée avec M. Debove, qui m’a guidé. J’ai pu constater la pose de barrages, parfois enflammés, et le sang-froid des policiers pour intervenir rapidement et éviter les drames.
J’ai vu des migrants qui prenaient de plus en plus de risques, et face à eux des forces de l’ordre qui en prenaient de plus en plus également pour sécuriser les lieux
. Les méthodes des réfugiés évoluent : en fin de nuit, ils se rapprochaient du port et plaçaient de gros cailloux sur la chaussée. Ils ne le faisaient pas avant. »

Avez-vous eu peur au cours de la nuit

« (après un silence.) J’étais avec les forces de l’ordre’ Mais c’est vrai que quand vous êtes en voiture, ou que vous êtes camionneur, et que d’un seul coup vous êtes stoppé par des objets enflammés sur la route, ce ne sont pas des conditions normales. »

Vous attendiez-vous à ça

« On sait ce qui se passe à Calais. Je n’imaginais peut-être pas que c’était à ce niveau d’intensité, notamment à partir du milieu de la nuit. Il faut être clair : certains réfugiés sans doute une minorité comparativement au nombre de réfugiés présents à Calais sont irresponsables et sont des délinquants. Je compte sur le changement de procureur qui intervient ces jours-ci (*) pour que le parquet monte en puissance en termes de poursuites pénales. »

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué

« À la fois la rapidité des modes d’action des réfugiés, et la rapidité de réaction des forces de l’ordre. Au cours de la nuit, un camion est tombé en panne sur l’A16, dans le virage qui mène à la rocade portuaire. Cela a créé une retenue de poids lourds, et au moins une cinquantaine de réfugiés se sont précipités sur les camions. Les policiers sont intervenus très rapidement pour les évincer. »

Emprunteriez-vous, en tant qu’automobiliste, la rocade la nuit

« (Silence) Je ne roulerais pas vite en tout cas. La vitesse est actuellement de 90 km/h. Il faudrait envisager de baisser la vitesse, du moins se poser la question. »

Cette nuit d’observation servira-t-elle à quelque chose, et si oui à quoi

« Je vais appeler dans la journée Bernard Cazeneuve pour lui faire un premier retour, et je le verrai ensuite pour lui donner davantage de détails. Des mesures sont en cours pour éclairer la rocade et l’A16, pour améliorer le dispositif de vidéosurveillance, pour mettre en sécurité ces zones entre Calais et Marck. Le ministre de l’Intérieur et le port de Calais travaillent à un plan de sécurisation : il faut le mettre en uvre le plus rapidement possible. Il faut aussi qu’on remette les choses sur la table avec les Britanniques, à l’occasion du vote sur le Brexit : mettre la main au portefeuille pour sécuriser Calais, c’est normal, mais insuffisant. Je suis favorable à la création d’une filière d’immigration légale vers la Grande-Bretagne : selon moi la clé est là pour Calais. Enfin, je plaiderai pour que les effectifs policiers soient maintenus et que Calais soit classé en secteur difficile. »

Les syndicats de police réclament depuis plusieurs années ce classement de Calais en secteur difficile : pourquoi ce dossier n’aboutit-il pas

« Je ne sais pas. Mais ça fait partie des choses que je remonterai : les forces de l’ordre font ce qu’elles peuvent pour que le port fonctionne normalement, mais je me rends compte que c’est au prix d’heures supplémentaires et d’un investissement usant. Elles n’ont jamais été autant exposées qu’aujourd’hui. »

(*) Arrivé fin 2013, le procureur Jean-Pierre Valensi a fait ses adieux vendredi au tribunal de Boulogne-sur-Mer. Son successeur, qui vient tout juste d’arriver, se nomme Pascal Marconville. Il était jusqu’ici procureur adjoint à Lille et dirigeait plus spécialement le parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), en charge des affaires de grande délinquance et de crime organisé.

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