A la Mostra de Venise Ryan Gosling et Emma Stone sur un air de comédie musicale

A la Mostra de Venise Ryan Gosling et Emma Stone sur un air de comédie musicale

Le Monde
| 02.09.2016 à 06h44
Mis à jour le
02.09.2016 à 11h23
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Par Isabelle Regnier (Venise, envoyée spéciale)

Coup d’envoi réussi pour la Mostra de Venise. ­Accueilli par des salves d’applaudissements à répétition pendant la projection, mercredi 31 août, La La Land, le film d’ouverture du festival, est un hommage pétaradant à la comédie musicale à travers les âges de Vincente Minnelli à Jacques Demy en passant par West Side Story. Une fantaisie pop en CinémaScope qui se consomme comme un bonbon trop sucré, un tube de l’été un peu vulgaire, un baiser torride sur une piste de danse’ dont on serait mal inspiré de bouder la jouissance immédiate qu’elle procure.

Réalisé par Damien Chazelle, jeune cinéaste américain estampillé prodige depuis le succès de son film Whiplash (variation sadomasochiste sur l’apprentissage du jazz sortie en 2014), cette love story entre une jeune actrice (Emma Stone) et un jeune pianiste de jazz (Ryan Gosling) qui viennent tenter leur chance à Hollywood, débute sur une bretelle d’autoroute congestionnée par les embouteillages. Profitant de l’arrêt des véhicules, les automobilistes ouvrent leurs portes, se glissent entre les voitures, grimpent sur les toits, et se lancent dans une virevoltante chorégraphie que la caméra saisit dans un plan séquence, clamant d’entrée de jeu toute sa virtuosité.

Ryan Gosling n’est pas Fred Astaire, même s’il a visiblement bien travaillé ses claquettes et son piano

Emma Stone n’est pas Ginger Rogers et Ryan Gosling n’est pas Fred Astaire (même s’il a visiblement bien travaillé ses claquettes et son piano). Mais ils n’ont pas besoin de l’être. A l’heure du numérique, la performance technique est du côté de la caméra et du montage, avec lesquels Chazelle a décidé de s’amuser comme un fou. Pour peu que ses acteurs soient charmants  et ils le sont absolument , il se charge de les projeter au pays tape-à-l »il des rêves hollywoodiens où, au fil de tableaux qui couvrent toutes les teintes du spectre, et d’une bande originale formidablement entraînante, leur amour s’épanouit et leurs rêves font l’épreuve amère du réel. Avant que la vapeur ne s’inverse.

L’envers du décor

Le ciel n’est jamais tout bleu, surtout à Hollywood où l’envers du décor, quand il ne détruit pas ceux qui viennent s’y cogner, laisse des blessures profondes, et un sentiment de perte irrémédiable. Cette note mélancolique qui court tout du long, avec une amplitude variable selon les moments, participe au charme de ce film qui s’ouvre dans un climat de tension électrique (hiver, rencontre amoureuse à couteaux tirés, galère des aspirants artistes) pour endosser une nouvelle humeur à chaque nouvelle saison. Comme un control freak qui aurait le free-jazz en ligne d’horizon, Damien Chazelle use des sons, des couleurs, des dialogues comme des touches d’un orgue électronique capable de réinterpréter tous les bruits de la nature dans un grand feu d’artifice.

Mais la tonalité festive de son film ne semble pas refléter celle du reste de la Mostra, qui s’annonce plus grave. Alors que les organisateurs du festival ont décidé, en hommage aux victimes du tremblement de terre du 24 août dans le Latium, d’annuler le gala d’ouverture, les films sélectionnés apparaissent à la lecture du catalogue, et à la lumière de ceux qu’on a pu voir en amont et au cours des deux premiers jours du festival dominés par les questions de deuil, de douleur, de mortification, de violence, de désespoir’

Mièvre tire-larmes

Le contingent de films hollywoodiens, dont Alberto Barbera, le ­directeur de la Mostra, se félicite cette année de l’importance, n’échappe pas au syndrome. Les étincelles de La La Land ont vite été douchées, de fait, par la sinistrose d’Une vie entre deux océans (The Light Between Oceans), de Derek Cianfrance (réalisateur de Blue Valentine, The Place Beyond the Pines), tire-larmes d’une mièvrerie d’un autre âge sur fond de chromos maritimes tout juste bons à trôner au-dessus du buffet de mémé. Le film se passe en Australie, à la fin de la première guerre mondiale. Un ancien soldat britannique (Michael Fassbender) brisé par les horreurs qu’il a vécues au front, vient s’installer comme gardien de phare sur un petit îlot désert, battu par le vent, à quelques kilomètres de la côte.

Là vit la famille d’Isabel, une jeune fille intrépide interprétée par Alicia Vikander la nouvelle créature hollywoodienne dont le visage sature l’espace médiatique mondial depuis quelques semaines. Ils tombent amoureux, elle le suit sur son rocher. Deux fausses couches mettent du plomb dans l’aile à leur bonheur béat, jusqu’à ce qu’un beau matin, la découverte d’un bébé au fond d’une barque à la dérive déclenche une suite de rebondissements dont le pathos, hystérisé jusqu’au nonsense, sera l’unique moteur. Inutile de s’étendre plus avant sur ce film que la presse professionnelle vend déjà comme un candidat aux ­Oscars, sinon pour dire que le jeu appuyé des acteurs la jeune-fille-pleine-de-vie d’un côté, l’homme-sérieux-prématurément-abîmé-par-la-vie de l’autre achève de rendre le spectacle éprouvant.

Balourdise à l’eau de rose

Dans le genre radicalement autre du film d’extraterrestres, Premier contact (Arrival), du Québecois Denis Villeneuve (Incendies, Enemy, Sicario’) propose un mélange finalement pas très différent d’esprit de sérieux et de balourdise à l’eau de rose. Le film commence avec l’arrivée sur Terre de six grands monolithes renfermant des créatures venues de l’espace, sortes de reptiles en forme de mains géantes à sept doigts. Ils n’ont pas attaqué, mais que veulent-ils ‘ Sont-ils bienveillants ‘ Menaçants ‘ Les états-majors de la planète sont sur les dents, et font appel à des ­linguistes chevronnés pour décrypter leur langue fissa.

Au-delà de la trouvaille visuelle qui consiste à voir s’exprimer les aliens par de jolis dessins au jet d’encre, le spectacle proposé par ce bréviaire de tolérance pour les nuls consiste essentiellement à observer les stars américaines Amy Adams et Jeremy Renner se débattre dans une mélasse philosophico-ésotérique d’une fadeur confondante. Triste.

Lire le portrait :
 

Rebecca Zlotowski, au bord des marches

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