A Genève les négociations syriennes au point de rupture
Le Monde
| 19.04.2016 à 11h41
Mis à jour le
19.04.2016 à 11h51
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Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant) et
Marc Semo
L’intensification des combats autour d’Alep et le refus de Damas de toute remise en cause du pouvoir du président Bachar Al-Assad risquent de donner le coup de grâce aux négociations de Genève sur la Syrie. L’opposition a suspendu lundi 18 avril sa participation « formelle » au processus de paix, qui avait repris le 13 avril sous l’égide des Nations unies, dans l’attente d’une réponse du régime sur les questions-clés de la transition politique et de l’acheminement de l’aide humanitaire dans les villes assiégées.
La délégation anti-Assad devrait continuer à prendre part à des discussions avec le médiateur de l’ONU, Staffan de Mistura, mais dans l’hôtel où elle réside et non au palais des Nations, le siège de l’ONU à Genève. Une position bancale, qui illustre les divisions au sein de l’opposition, entre ceux désireux de quitter les rives du lac Léman principalement les groupes armés et ceux qui ne veulent pas rompre ce fragile processus.
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Les négociations étaient censées se concentrer sur la question cruciale de la transition politique, sur laquelle ont buté tous les précédents efforts de règlement du conflit. Avec le soutien de Paris et celui plus théorique de Washington, le Haut Comité des négociations (HCN), le bras diplomatique de l’opposition, exige que l’autorité de transition soit dotée des pleins pouvoirs, y compris ceux du président, ce qui suppose que Bachar Al-Assad quitte son poste sitôt cet organe formé. Le régime, pour sa part, se dit prêt à envisager un gouvernement élargi, qui intégrerait quelques opposants triés sur le volet, mais estime que le statut de Bachar Al-Assad est non négociable.
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« Système mafieux »
Preuve des tiraillements au sein du camp anti-Assad, quelques-uns des groupes armés les plus actifs sur le terrain ont envoyé une lettre aux négociateurs pour les inciter à « prendre une position plus ferme et décisive à l’égard des demi-solutions qui sont colportées par les alliés du régime syrien et par de Mistura ». Deux jours plus tôt, lors d’une rencontre avec les délégués du HCN, le médiateur de l’ONU avait en effet émis l’idée de maintenir Bachar Al-Assad à la tête de l’Etat pendant la transition, mais en l’entourant de trois vice-présidents de l’opposition.
Cette dernière a rejeté avec véhémence ce qui pouvait ressembler, à première vue, à un compromis, permettant à terme la marginalisation du dictateur. « Le droit n’existe pas dans le régime syrien, c’est un système mafieux, et si le parrain reste en place, il garde de fait la réalité du pouvoir », reconnaît un observateur.
Cette suggestion a d’autant plus braqué les opposants que, parallèlement aux discussions officielles, des tractations discrètes sont en cours, entre Américains et Russes, non loin du palais des Nations, pour élaborer un plan de sortie de crise. Selon le quotidien panarabe Al-Hayat, les deux parties envisagent un mécanisme de « quotas politiques », de façon à répartir le pouvoir entre Assad et ses adversaires, sur le modèle du système libanais. Un plan qui porte en germe la marginalisation du HCN, dont le chef, l’ancien premier ministre syrien Riyad Hijab, est arrivé lundi à Genève.
« Il est inacceptable » de poursuivre les discussions alors que le régime continue « de bombarder et d’affamer les civils », a-t-il affirmé, dans le souci de resserrer les rangs au sein de l’opposition. Malgré l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu, le 27 février, l’aviation syrienne n’a jamais cessé de pilonner les zones rebelles, au motif que le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, est exclu de cet accord de trêve.
Après une accalmie d’un mois, les opérations terrestres ont repris début avril, notamment au sud d’Alep, la grande ville du nord, divisée en deux depuis 2012. Dimanche 17 avril, 22 civils y sont morts dans des bombardements mutuels, soit l’un des plus lourds bilans depuis l’entrée en vigueur de la trêve.
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Lundi, selon la télévision d’Etat, huit personnes ont été tuées par des roquettes lancées par des rebelles sur des quartiers d’Alep tenus par les forces gouvernementales. « Les parrains saoudien, turc et qatari de l’opposition ne veulent pas arrêter le bain de sang en Syrie et ne veulent pas d’une solution politique en Syrie », a estimé Bachar Al-Jaafari, le chef de la délégation du régime, dans une interview à la télévision Al-Mayadeen, basée à Beyrouth.
L’opposition, rejointe sur ce point par les Nations unies, accuse aussi le régime de n’avoir pas laissé entrer des convois de nourriture dans plusieurs villes assiégées, en violation de l’accord de cessez-le-feu. « L’opposition considère non sans raison que le régime, en multipliant les provocations sur le terrain, fait tout pour éviter la poursuite des discussions », confie un diplomate occidental. Cette source relève cependant que si « l’opposition tombe dans ce piège, elle portera la responsabilité de la rupture, et elle se privera pour longtemps de la possibilité de pousser à la table des négociations la question de la transition ».
Signe d’une dégradation supplémentaire de la situation sur le terrain, une dizaine de groupes armés ont lancé lundi une vaste offensive au nord de la province de Lattaquié. Leur objectif est de reprendre plusieurs localités dont ils avaient été délogés au début de l’année, au plus fort de la vague de bombardements russes.