Cinéma ,  Diamond Island  une ode pop et scintillante à la jeunesse cambodgienne

Cinéma ,  Diamond Island  une ode pop et scintillante à la jeunesse cambodgienne

Pour son premier long-métrage de fiction, Davy Chou compose un récit de formation élégiaque, dans un pays en pleine reconstruction capitaliste.

Le Monde
| 27.12.2016 à 11h54
Mis à jour le
28.12.2016 à 11h34
|

Par Jacques Mandelbaum

L’avis du « Monde » – A voir

Davy Chou, 33 ans, Fontenaisien (aux Roses) d’origine cambodgienne, est l’auteur à ce jour d’un premier long-métrage documentaire remarquable et remarqué Le Sommeil d’or (2012) ‘ portant sur les traces du cinéma cambodgien populaire avant le désastre génocidaire khmer rouge qui a dévasté le pays dans ses uvres comme dans sa chair. Il passe aujourd’hui à la fiction, autre étape significative dans son parcours d’auteur, qui confirme le désir d’enracinement de ce jeune cinéaste dans un terreau cambodgien dont son aîné, Rithy Panh, était jusqu’à présent, du moins vu de chez nous, le seul mais exemplaire représentant.

L’hommage rendu dans Le Sommeil d’or à un état passé de la culture populaire cambodgienne, aussi indéterminé et fragmentaire fut-il, semble devoir autoriser Davy Chou à prospecter dans Diamond Island le présent de ce pays, quitte à en tirer une musique, une lumière, une ambiance à peine moins vacillante ni parcellaire, dispensatrice en tout état de cause d’une poésie semblablement élégiaque. Qu’il cueille, cette fois-ci, dans les chantiers du futur de Phnom Penh, sur cette « île du diamant » qui donne son titre au film et sur laquelle s’édifie, selon la volonté des politiques et des promoteurs immobiliers, une nouvelle idée du Cambodge, élitaire, luxueuse, conforme en un mot au rêve mondialisé de la réussite pour un petit nombre contre le plus grand.

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Couleurs phosphorescentes

Le film accompagne la montée du personnage principal Bora, 18 ans, garçon pauvre venu de la campagne dans la capitale, où il est embauché sur les chantiers de Diamond Island. Il s’y ménage une amitié avec un petit groupe de jeunes de son âge, passant les nuits entières à baguenauder, draguer les filles, rêver d’un avenir qui prend les couleurs phosphorescentes, illuminées, d’un éternel quartier de plaisir. Pour Bora, ce rêve s’incarne plus particulièrement dans la réapparition d’un frère aîné disparu depuis cinq ans, Solei, lequel se manifeste sous les auspices enchantés de chevauchées nocturnes à moto, de filles de rêves, de boîtes de nuit. Il y a aussi, hors champ, ce mystérieux protecteur américain dont Solei prétend qu’il pourrait assurer leur avenir à tous deux aux Etats-Unis.

Ce qu’il adviendra de cet espoir donne la mesure de ce récit de formation placé sous l’invocation d’une reprise cambodgienne de Quando quando quando (Tony Renis, 1962), mémorable hit du miracle économique italien qui pourrait être le modèle d’un Cambodge placé, après le désastre, sur l’orbite de la reconstruction capitalistique du pays. Un plan socio-économique que chaque plan du film prend plastiquement en charge en faisant luire mille lumières et mille objets dans la nuit, en poussant les couleurs pop et la langueur des sensations au maximum de leur intensité, mais pour mieux revenir, chaque matin, à la froide réalité du chantier qui met durement à l’épreuve tant l’amour que l’amitié.

La mise en scène, au service d’un récit qui évoque immédiatement celui de Rusty James, de Francis Ford Coppola, puise aussi ses influences, de manière non moins flagrante, dans le répertoire des grandes figures du cinéma asiatique, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien au Chinois Jia Zhang-ke en passant par le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Autant de références plus que respectables pour un jeune cinéaste qui cherche sa voix, mais qui rendent Diamond Island sans doute moins original, moins puissant que Le Sommeil d’or. Cette entrée en matière fictionnelle, brillante à tous égards, n’en laisse par moins présager une suite avantageuse.

Film français et cambodgien de Davy Chou. Avec Sobon Nuon, Cheanick Nov, Madeza Chhem, Mean Korn, Samnan Nut (1 h 43).

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