Violences policières aux Etats-Unis , un joueur de football américain refuse de se lever pour l’hymne national

Violences policières aux Etats-Unis , un joueur de football américain refuse de se lever pour l'hymne national

Le Monde
| 30.08.2016 à 20h07
Mis à jour le
30.08.2016 à 20h54
|

Par Violaine Morin

Le joueur de football américain Colin Kaepernick a refusé de se lever, vendredi 26 août, pour l’hymne américain joué avant le match de préparation entre les équipes de San Francisco et Green Bay. Le quarterback qui avait conduit San Francisco au Super Bowl de 2013 (défaite contre Baltimore 34-31) avait déjà adopté la même attitude lors d’un précédent match de préparation.

Mais cette fois son geste a déclenché une polémique. Le joueur s’en est expliqué le lendemain dans une interview à la National Football League (NFL) : « Je ne peux pas être fier devant le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs et les gens de couleur. Ce problème dépasse le football américain, il serait égoïste de ma part de détourner les yeux, il y a des gens qui meurent dans les rues et d’autres qui tuent et qui échappent à des punitions. »

Colin Kaepernick faisait référence aux violences policières contre les Afro-Américains, qui ont fait de nouveau plusieurs morts au cours de l’été, notamment en Louisiane et dans le Minnesota, déclenchant des protestations dans plusieurs villes. Selon le décompte tenu par le Guardian, 709 personnes ont été tuées par la police aux Etats-Unis depuis le début de l’année.

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Sur les réseaux sociaux, des internautes américains ont réclamé à l’équipe de San Francisco et à la NFL la suspension, voire le licenciement de Colin Kaepernick, qui n’est plus le quaterback titulaire de l’équipe depuis 2015. Les San Francisco 49ers ont cependant pris la défense du joueur, dimanche 28 août, dans un communiqué. L’équipe cinq fois victorieuse du Super Bowl, la finale de la ligue nationale de football américain, a notamment expliqué :

« En respectant des principes comme la liberté de religion et la liberté d’expression, nous reconnaissons le droit à tout individu de choisir de participer, ou non, à la célébration de notre hymne national. »

« Star-Spangled banner », objet de toutes les subversions

L’hymne national, connu sous le nom de Star-Spangled Banner (la bannière étoilée) fait l’objet de crispations particulièrement intenses aux Etats-Unis. Gabby Douglas, une gymnaste médaillée des Jeux de Rio, qui avait omis de mettre la main sur le c’ur pendant que l’on jouait l’hymne, a été obligée de s’en excuser, assurant que son geste n’avait rien de politique.

Grâce à sa valeur symbolique très forte, l’hymne national américain fait souvent l’objet de subversions, comme le rappelle William Robin dans le New Yorker. Avant même de devenir l’hymne national, la chanson était utilisée pour célébrer la résistance des Américains contre les Anglais, au début du XIXe siècle. Plusieurs textes ont été écrits pour cette mélodie, y compris pendant la guerre de Sécession, par des abolitionnistes comme des confédérés du Sud.

Devenue hymne national officiel en 1931, Star-Spangled Banner est ensuite subvertie par d’autres moyens : en 1967, Jimi Hendrix en fait une interprétation psychédélique à la guitare électrique ; un an plus tard, aux Jeux olympiques de 1968, Tommie Smith et John Carlos lèvent le poing sur le podium, en soutien au mouvement des Black Panthers.

Mobilisation dans le monde du sport

Mais même depuis l’apparition du nouveau mouvement antiraciste Black Lives Matter (les vies des Noirs comptent), Colin Kaepernick n’est pas le premier sportif à élever la voix. Un premier « geste » avait été très remarqué fin 2014, celui d’Andrew Hawkins, joueur de football américain dans l’équipe de Cleveland, une ville où un garçon de 12 ans, Tamir Rice, a été tué par la police alors qu’il jouait avec un pistolet en plastique. Le footballeur était arrivé sur le terrain avant un match en portant un tee-shirt avec l’inscription « Justice pour Tamir Rice ».

Les joueurs de la NBA Carmelo Anthony, Chris Paul, Dwyane Wade, et LeBron James ont prononcé un discours exhortant au « changement », en juillet, lors de la cérémonie d’ouverture des ESPY Awards. LeBron James, l’une des plus grandes stars du sport américain, a réclamé que les athlètes fassent « honneur » aux engagements de leurs prédécesseurs pour les droits civiques, citant Mohamed Ali, mort quelques semaines auparavant.

Au sein de la ligue féminine de basket-ball (WNBA), l’engagement de certaines a également déclenché un scandale au mois de juillet. Plusieurs joueuses des Minnesota Lynx sont arrivées sur le terrain avant un match, le 9 juillet, habillées de tee-shirts avec le message « Le changement commence avec nous », ainsi que les noms d’Alton Sterling et Philando Castile, les deux hommes tués par la police en Louisiane et dans le Minnesota au début du mois.

Dans les jours qui ont suivi, des joueuses de l’équipe New York Liberty, Indiana Fever et Phoenix Mercury, ont porté de simples tee-shirts noirs lors de matchs d’entraînement, pour perpétuer le message politique en évitant d’enfreindre le règlement de leur fédération, rapporte Slate. La WNBA a infligé des amendes de plusieurs milliers de dollars aux clubs. De nombreuses joueuses ont protesté, en refusant par exemple de répondre aux journalistes, sauf sur le mouvement Black Lives Matter ou autres problèmes sociaux, ou bien en portant des tee-shirts soutenant le mouvement, dans les vestiaires.

La joueuse des New York Liberty Tina Charles s’est étonné sur Instagram que la WNBA soutienne des causes comme le cancer du sein ou la lutte contre l’homophobie, tout en essayant de museler les joueuses d’une ligue qui compte 70 % de joueuses noires sur la question du racisme. Suite à cette mobilisation, la WNBA a suspendu les amendes.

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