Zahia Rahmouni 71 ans #EnMémoireNice

Zahia Rahmouni 71 ans #EnMémoireNice

Zahia Rahmouni était à Nice depuis deux jours. Née à Constantine, en Algérie, il y a 71 ans, mère de cinq enfants (deux en France, trois en Algérie), elle était venue rendre visite à sa plus jeune fille, Lydia, elle-même maman d’une fillette de 2 ans. Ce 14 juillet, le camion du terroriste l’a tuée sur le coup, sous les yeux de Lydia et de sa fillette, mettant fin à la vie d’ « une grande dame », comme aiment à l’appeler ses enfants. Une vie passée entre l’Algérie et la France.

Atteinte toute jeune de tuberculose, elle avait été envoyée se faire soigner en France, à Pau, où elle avait fait une partie de ses études. Elle y a appris à lire, à écrire et à parler parfaitement le français. Elle y a aussi pris goût à la couture, sa passion, avant de rentrer en Algérie, vers l’âge de 18 ans.

A Constantine, la grande ville de l’Est algérien, elle a fondé sa famille, élevé ses cinq enfants, d’abord avec son époux, puis seule, après la mort de celui-ci à 45 ans. Une épreuve de plus dans une vie que l’Histoire n’avait pas épargnée : Zahia Rahmouni avait vécu l’horreur de la guerre d’Algérie, puis la période de la décennie noire des années 1990. « Elle était forte. C’est une grande dame, à la fois calme et gentille », raconte l’une de ses filles, Hind Gauthier, qui a hérité de son talent pour le dessin et la mode.

Il y a deux ans, les médecins avaient diagnostiqué chez elle la maladie d’Alzheimer. Zahia Rahmouni n’en sentait pas encore trop les effets, mais ses enfants et petits-enfants l’entouraient beaucoup. « Je lui avais pris rendez-vous chez le neurologue pour le 13 juillet », raconte Lydia, qui voudrait tant pouvoir changer cette terrible soirée, « la nuit la plus longue de [sa] vie ».

Frôlée par le camion meurtrier, Lydia Bensaci a pu sauver sa propre fille, mais pas sa mère. Quelques pas, quelques secondes derrière. « D’abord j’ai hurlé, elle était par terre, sans vie et j’étais impuissante, puis je suis restée contre elle, j’ai pu la tenir, l’embrasser. » La jeune femme est restée près de sa mère toute la nuit les corps ne seront enlevés que le matin. Un moment terrible mais qui aujourd’hui l’apaise un peu : « J’ai pu lui dire adieu. »

Ce soir-là, Lydia a aussi vu mourir sa meilleure amie et son fils de 3 ans et demi, venus avec elles regarder le feu d’artifice. « On a vécu l’insécurité en Algérie, on est venus en France pour trouver la tranquillité. Je m’étais habituée à cette liberté », explique-t-elle, encore très marquée. « On a un gros sentiment d’injustice, pas de haine », souligne sa s’ur Hind, qui évoque une mère élégante, « magnifique », musulmane croyante et pratiquante « dans son c’ur », d’une « grande ouverture d’esprit ».

En ce mois de juillet, Zahia Rahmouni voulait rentrer sans tarder en Algérie, voir son neuvième petit-enfant, né quelques jours auparavant. Lydia et Hind se souviennent de son bonheur : ses cinq enfants ‘ Amel, Mehdi, Hind, Walid et Lydia ‘ étaient mariés, installés dans la vie, avec un métier, et étaient devenus eux-mêmes parents. « J’ai accompli ma mission », aimait-elle dire.

Charlotte Bozonnet

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