WikiLeaks et Snowden saluent la réduction de peine de Manning par Obama

WikiLeaks et Snowden saluent la réduction de peine de Manning par Obama

La lanceuse d’alerte, qui avait fourni des documents confidentiels de l’armée américaine à WikiLeaks, purge une peine de trente-cinq ans de prison.

C’est peut-être la plus symbolique des décisions prises par Barack Obama à trois jours de la fin de son mandat : le président des Etats-Unis a annoncé, mardi 17 janvier, qu’il commuait la peine de Chelsea Manning, condamnée à trente-cinq ans de prison pour avoir fourni des centaines de milliers de documents confidentiels de l’armée américaine au site WikiLeaks. La lanceuse d’alerte sera libre en mai.

Chelsea Manning, née de sexe masculin sous le nom de Bradley Manning, avait notamment été condamnée pour avoir copié, puis transmis à WikiLeaks des rapports de l’armée américaine en Afghanistan et en Irak. Ces documents, qui montraient notamment l’ampleur des dommages subis par les civils irakiens durant l’occupation américaine, avaient été largement couverts par la presse internationale, dont Le Monde. Elle avait également fourni à WikiLeaks la vidéo dite « Meurtre collatéral », montrant le pilote d’un hélicoptère de combat américain ouvrant le feu sur des civils désarmés dans une banlieue de Bagdad.

Dénoncée par un hackeur auprès duquel elle avait évoqué avoir transmis les documents, Chelsea Manning avait été arrêtée en juin 2010, détenue au secret, puis jugée par une cour martiale, qui l’a condamnée en 2013 à trente-cinq ans de prison. Chelsea Manning, qui a plaidé coupable, était visée par plusieurs chefs d’accusation, notamment d’espionnage et de collusion avec l’ennemi. Si le second n’a finalement pas été retenu, elle a bien été condamnée en vertu de l’Espionage Act, une loi de 1917, qui lui a valu la plus longue peine de prison jamais infligée à un lanceur d’alerte.

Conditions de détention sévères

Détenue à l’isolement dans la prison militaire de Fort Leavenworth (Kansas), dans des conditions que ses défenseurs jugent insupportables en raison de sa fragilité psychologique, Chelsea Manning a engagé une procédure de changement de sexe, longtemps refusée par l’armée. Elle a tenté à deux reprises de se suicider depuis son incarcération, une première fois en juillet 2016, puis une seconde fois en octobre, lorsqu’elle était à l’isolement pour la punir de sa première tentative de suicide. Saisi de son dossier, le rapporteur des Nations unies sur la torture a considéré que ses conditions de détention étaient « cruelles, inhumaines et dégradantes, à la limite de la torture ».

Plusieurs associations, ainsi que le lanceur d’alerte Edward Snowden, demandaient à Barack Obama sa libération. M. Snowden a félicité mardi soir Chelsea Manning pour sa prochaine libération, la remerciant pour « tout ce qu’elle a fait ».

Intervention de Barack Obama

Depuis plusieurs jours, l’entourage de la Maison Blanche laissait entendre que la peine de Chelsea Manning pourrait être commuée une grâce complète restant hors de question pour la présidence des Etats-Unis.

En novembre, Chelsea Manning avait envoyé une lettre à Barack Obama. « Je ne demande pas un pardon pour ma condamnation, écrivait-elle. Je comprends que mes actes ont eu des conséquences, et que ma condamnation par la cour martiale restera à jamais dans mon dossier. La seule clémence que je demande est d’être autorisée à sortir de la prison militaire où j’ai passé six années à l’isolement, alors que je n’ai jamais voulu nuire aux intérêts des Etats-Unis ou à d’autres soldats. »

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Peu après l’annonce de la Maison Blanche, WikiLeaks s’est félicité de la libération prochaine de Chelsea Manning, évoquant une « victoire ». Mais cette victoire pourrait avoir des conséquences complexes pour l’organisation : son fondateur Julian Assange, qui vit depuis plusieurs années dans l’ambassade d’Equateur à Londres pour échapper à une extradition vers la Suède dans une affaire de viol présumé, avait promis le 12 janvier que « si Obama accorde sa clémence à Manning, [il] acceptera d’être extradé vers les Etats-Unis, malgré le caractère clairement anticonstitutionnel du dossier monté par le département de la justice ». Une enquête est toujours ouverte contre lui aux Etats-Unis pour publication de documents secret-défense.

Nombre de ténors républicains ont exprimé, eux, leur mécontentement. Le sénateur John McCain a dénoncé « une grave erreur » qui risque « d’encourager d’autres actes d’espionnage et d’affaiblir la discipline militaire ».

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