Un rhinocéros abattu au zoo de Thoiry une corne volée

Un rhinocéros abattu au zoo de Thoiry une corne volée

C’est du jamais vu en France, et même en Europe. Un rhinocéros blanc a été abattu de trois balles dans le parc zoologique de Thoiry (Yvelines) dans la nuit de lundi 6 à mardi 7 mars. Sa plus grande corne a été sciée, probablement à l’aide d’une tronçonneuse, et volée. « Notre soigneuse a découvert la dépouille de l’animal ce matin vers 9 heures lorsqu’elle a voulu le faire sortir dans le parc, explique Thierry Duguet, directeur général du groupe Thoiry. Tout le personnel est extrêmement choqué. C’est sidérant. » 

L’animal tué, prénommé Vince, était un jeune mâle âgé de 4 ans, né aux Pays-Bas et arrivé à Thoiry en mars 2015. « Seule la corne principale, longue de 20 cm, a été volée », détaille Melisandre Durier, la commandante de la compagnie de gendarmerie de Mantes-la-Jolie, chargée de l’enquête et interrogée par l’AFP, en estimant sa valeur marchande à « 30 000 à 40 000 euros ». La seconde corne n’a été que partiellement tranchée « ce qui laisse imaginer que les criminels ont été dérangés ou que leur matériel s’est révélé défectueux », selon le zoo.

Les braconniers ont forcé l’une des grilles extérieures du zoo, avant de faire sauter le verrou du bâtiment des rhinocéros blancs, puis celui de leur box, où ils passaient la nuit. Et ce, malgré la présence de cinq personnels qui dorment sur place et de caméras de vidéosurveillance ‘ qui ne filment toutefois pas la loge des animaux. Les deux autres rhinocéros blancs de Thoiry, Gracie, âgée de 37 ans, et Bruno, 5 ans, ont été épargnés. La gendarmerie de Mantes-la-Jolie a diligenté une enquête et le vaste parc animalier va porter plainte. La ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a quant à elle saisi le procureur de la République de Versailles.

Vince appartenait à la sous-espèce rhinocéros blanc du Sud, dont il ne reste que 20 000 spécimens, à 80 % en Afrique du Sud. Ces animaux sont victimes d’un intense braconnage en raison des vertus thérapeutiques et aphrodisiaques  infondées  dont sont parées leurs cornes, essentiellement en Chine et au Vietnam. De même que l’ivoire ou les os de tigres, elles sont réduites en poudre ou sculptées comme objets d’art. Résultat : sur le marché noir, le kilo de corne oscille aujourd’hui entre 40 000 et 60 000 euros, un prix bien plus élevé que celui de l’or (38 000 euros) ou du platine (43 000 euros).

Musées et zoos ciblés

La demande explose tant que les braconniers multiplient les terrains de chasse : aux côtés des parcs nationaux africains, comme le célèbre et immense Kruger en Afrique du Sud, ils frappent également en Europe et aux Etats-Unis, dans les zoos, les musées, les salles de vente aux enchères ou chez les collectionneurs privés. En 2011, le Muséum de Rouen s’était fait dérober une corne de rhinocéros noir, tandis qu’en juillet de la même année, celui de Blois perdait une tête du mammifère. Depuis 2013, ce trafic s’est tari, notamment après l’arrestation par Interpol de membres du réseau criminel irlandais des Rathkeale Rovers, qui écumait toute l’Europe.

« Quatre ou cinq musées français ont fait les frais de voleurs ces cinq dernières années, mais c’est la première fois qu’un animal vivant est braconné sur le sol européen en vue de prélever ses organes, assure Céline Sissler-Bienvenu, la directrice du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) France et Afrique francophone. Personne ne pouvait être préparé car l’Europe était jusqu’à présent une zone de transit pour le trafic de cornes ou d’ivoire et non pas de braconnage. »

« Le prix des cornes de rhinocéros est très attrayant et les zoos plutôt mal gardés, ce qui en fait des profits à peu de frais. Ce qui est étonnant, c’est que ce type de braconnage ne soit pas déjà arrivé », juge un spécialiste de la criminalité environnementale.

Trois rhinocéros tués par jour

En 2016, 1 054 rhinocéros blancs ont été tués en Afrique du Sud, selon le ministère de l’environnement, soit près de trois par jour ! Un chiffre toutefois en baisse depuis 2014 (1 215 individus avaient alors été abattus), après une forte hausse au cours de ces dix dernières années (13 animaux avaient été tués en 2007, 448 en 2011). « Cette amélioration est le résultat de la lutte contre le braconnage menée sur le terrain par l’Afrique du Sud, notamment l’augmentation du nombre de rangers, le renforcement des sanctions et la mise à l’abri de certains animaux dans d’autres pays, explique Céline Sissler-Bienvenu. Mais ce n’est pas suffisant : nous demandons la fermeture de tous les marchés domestiques. »

Actuellement, le commerce des rhinocéros est interdit à l’international au titre de sa protection par la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Cites). Mais il reste autorisé au sein de nombreux pays. En France, un arrêté du 16 août 2016, en cours de révision, a considérablement restreint le commerce des attributs de rhinocéros (et d’éléphants), mais autorise toujours la vente des cornes travaillées considérées comme des antiquités (antérieures à 1947) ou datant d’après mars 1947 et d’avant le 1er juillet 1975, sous certaines conditions. Le commerce des cornes brutes est, lui, totalement interdit.

« Le commerce d’antiquités alimente le trafic dans la mesure où les malfaiteurs peuvent écouler des cornes fraîchement braconnées sur ce marché, en falsifiant les documentations ou en maquillant les cornes pour les vieillir, détaille Céline Sissler-Bienvenu. La datation carbone, qui pourrait éviter ces fraudes, est coûteuse et non obligatoire. » L’IFAW pousse également à l’application rapide de nouvelles réglementations visant à sanctionner plus sévèrement les coupables. En France, la loi pour la reconquête de la biodiversité, d’août 2016, prévoit jusqu’à 4 ans de prison et 750 000 euros d’amende pour le trafic illicite d’espèces sauvages commis en bande organisée. De nouvelles peines que pourraient expérimenter les braconniers de Thoiry.

Audrey Garric

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 Photo : deux rhinocéros au zoo de Thoiry en 2002. AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

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