Un groupe lié à l’Etat islamique revendique une première attaque dans le Sahel

Un groupe lié à l'Etat islamique revendique une première attaque dans le Sahel
Un soldat burkinabé sur la frontière avec le Mali en mars 2016.
Crédits : Sophie Garcia/hanslucas.com

Un peu plus d’un an après son allégeance à l’organisation Etat islamique (EI), le chef djihadiste Abou Oualid Al-Sahraoui a revendiqué au nom de l’EI l’attaque, dans la soirée du jeudi 1er septembre au vendredi, d’un poste de douane burkinabé dans le nord du pays, à Markoye, près des frontières malienne et nigérienne. Les assaillants y ont tué deux personnes un douanier et un civil avant de prendre la fuite.

L’agence de presse mauritanienne Al-Akhbar, un canal de revendication habituel des mouvements djihadistes actifs dans le Sahel, a annoncé avoir reçu un message d’Al-Sahraoui revendiquant sa responsabilité dans l’attaque au nom de la branche « Burkina Faso » de son réseau dans un communiqué parvenu le 3 septembre. Ce serait la première attaque commise au nom de l’EI dans le Grand Sahara par cette branche autoproclamée qui n’a pas encore été reconnue formellement par le mouvement djihadiste, depuis l’annonce de sa création. Même si l’« émir » de l’Etat islamique au Sahara avait déjà menacé les Etats de la région dans des messages audio, dont le dernier, en mai, visait la mission des Nations unies au Sahara occidental et les touristes occidentaux séjournant au Maroc.

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Ancien porte-parole du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Adnan Abou Oualid Al-Sahraoui avait prêté allégeance à l’Etat islamique en mai 2015 au nom d’Al-Mourabitoune, le groupe formé en 2013 avec l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, lui-même à l’époque dissident d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Une allégeance récusée par Belmokhtar quelques jours plus tard. L’algérien réaffirmant sa fidélité au chef d’Al-Qaida central, l’Egyptien Aymen Al-Zawahiri.

Plusieurs fois donné pour mort, Mokhtar Belmokhtar qui a notamment été visé par un bombardement américain en Libye en juin 2015 a été confirmé à la tête du courant pro-Al-Qaida d’Al-Mourabitoune à l’été avant de réintégrer officiellement AQMI, dont Al-Mourabitoune est devenue une branche, en décembre. Et si aucune preuve visuelle n’a confirmé que l’Algérien avait survécu au raid américain, Al-Mourabitoune, seul ou en lien avec d’autres katiba (brigade) d’AQMI, est à l’initiative des attentats les plus spectaculaires de la mouvance djihadiste dans la région ces deux dernières années.

Une allégeance non reconnue par l’EI

Quand à Al-Sahraoui, qui n’aurait entraîné que quelques membres du réseau même s’il a réaffirmé, lundi 5 septembre, l’allégeance du groupe à l’EI, il ne s’était pas manifesté sur le terrain depuis. On le disait même isolé, voire en butte à une franche hostilité de la part des autres réseaux djihadistes liés à Al-Qaida : des sources sécuritaires algériennes et américaines l’avaient même annoncé blessé en juin 2015 après un affrontement fratricide avec une katiba liée à AQMI dans la région de Gao, au nord du Mali. La mainmise des groupes liés à Al-Qaida sur l’environnement djihadiste au Mali et dans les pays voisins semblait ainsi rendre difficile toute implantation d’un groupe lié à l’EI dans la région. Et aucun des messages « publics » d’Al-Sahraoui : son allégeance, ces menaces contre les pays de la région ou la revendication de l’attaque du 1er septembre n’ont été relayées par les canaux de propagande officiels de l’Etat islamique. L’EI, qui a toujours adoubé des groupes qu’il estime avoir atteint une masse suffisante pour porter son projet comme en Libye ou en Afrique de l’Ouest avec l’ex-Boko Haram n’a pour l’heure pas répondu aux appels d’Al-Sahraoui.

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Militairement « modeste », l’attaque de Markoye n’en demeure pas moins une mauvaise nouvelle pour le Burkina Faso, tant les problèmes d’insécurité sont fréquents dans cette zone grise, le long de la frontière avec le Mali et le Niger. En juin, c’est un poste de police qui avait été attaqué près de la frontière malienne faisant, cette fois, trois morts. Depuis 2015, sept postes des services de sécurité ont été attaqués dans le nord du Burkina Faso alors que les groupes djihadistes, qui connaissent un regain d’activité au Mali, profitent de plus en plus du vide sécuritaire laissé après le départ de Blaise Compaoré en 2014. Les autorités de Ouagadougou peinent à contrôler la sécurité dans cette zone alors que l’existence dans le pays de cellules dormantes, composées de personnes suspectées de faciliter l’action de groupes terroristes, se confirme.

Autre source de crainte, une dissémination de membres de l’Etat islamique dans la région qui pourrait suivre la défaite des troupes du « califat » à Syrte, en Libye, soulignait l’ONU dans un rapport confidentiel présenté au Conseil de sécurité en juillet qui souligne la capacité relativement aisée qu’ont les djihadistes à voyager dans la région et des possibilités de jonction entre les combattants venus de Libye et d’autres réseaux existant alentour. « A l’avenir, l’impact des combattants de l’EI éparpillés sur des groupes armés dans le sud pourrait devenir une source d’inquiétude », souligne ainsi le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

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