Un an avant la présidentielle , pénibilité du travail petits salaires éducation et racisme pour ce 3e jour de rencontres

Un an avant la présidentielle , pénibilité du travail petits salaires éducation et racisme pour ce 3e jour de rencontres

Étape 3/5 : Cassel – Morbecque

On quitte Cassel presque à la verticale, avec des vélos qui décollent du bitume ; les nuages passent en rafale et un bruit de moteur enfle. C’est celui d’Alain qui broie des branches fraîchement tombées à l’entrée d’Oxelaëre. Le regard timide sous des cheveux gris, il a créé son entreprise d’entretien d’espaces verts il y a 8 ans et ça marche bien : il refuse de la clientèle.

Certes, il aime la nature et son travail mais c’est lorsqu’il parle de son autre métier qu’Alain s’illumine : « Je suis éleveur de lapins, on n’est plus qu’une centaine dans la région. Je me suis reconverti dans les jardins mais je garde encore 400 lapines. » Pour un revenu qui n’atteint pas 500 euros : « On ne gagne pas ce que l’on investit mais l’élevage, j’ai ça dans le sang. » Il adore les animaux : « Je vis mal les attaques contre les éleveurs, on nous parle toujours du bien-être des bêtes mais si on les maltraite, on n’a pas de résultats. C’est comme les abattoirs. Il y a eu deux-trois cas et on généralise. S’ils travaillent mal, on n’a pas la même qualité de viande. »

Oui, il attend quelque chose de la présidentielle : qu’il y ait une meilleure répartition de la marge entre éleveurs et grandes surfaces : « Le consommateur pourrait payer le même prix, je vais parfois expliquer ça dans les supermarchés. »

Juste derrière lui, la cime du peuplier ploie soudain sous une silhouette tout en puissance retenue. Elle passe de branche en branche avec agilité, malgré le poids de la tronçonneuse. « Je suis arboriste-grimpeur
», explique Cédric, un beau jeune homme de 23 ans, d’allure sportive.

« C’est super physique comme métier, je ne pourrai pas faire ça jusqu’à ma retraite ! » En attendant, il en profite : « Je bosse pour une boîte d’élagage et d’abattage. » Il grimpe aux arbres depuis tout petit « J’étais casse-cou ! » et ça lui fait mal au c’ur d’en abattre certains : « Surtout les essences nobles comme le chêne, on essaie toujours de convaincre le client. Souvent, on nous appelle parce que le sapin de Noël planté il y a vingt ans à 5 mètres de la maison a poussé. Les gens ne font pas attention où ils plantent. »

Lui, ce qu’il aimerait pour la prochaine élection, c’est que la pénibilité de son travail soit reconnue : « Quand tout tombe au même endroit ça va mais il faut parfois retenir la branche, ça peut être très lourd. » Il se dit que, au pire s’il n’y arrive plus, il travaillera au sol, comme Alain qui a loué ses services pour la journée.

On rejoint Sainte-Marie-Cappel. Derrière la grille de l’unique école publique du village, on voit Enolan, 4 ans, allongé par terre : « On joue au docteur. Il a mal au bras, je l’ausculte et après il se repose.

», explique Zélie, « de bientôt 7 ans ». La directrice, Pascale, nous rejoint avec le sourire dans cette maternelle-primaire de quatre classes pour 97 enfants : « C’est une super école ! »

À 44 ans, Pascale regrette cependant la lourdeur administrative de son poste : « Si j’étais présidente, je demanderais plus de moyens sur le terrain avec deux enseignants pour les classes de 30.
»

Elle tape des mains : « Les CM, on reeentre !
» Et, sans savoir trop comment, on se retrouve à rentrer nous aussi dans sa classe de CM1-CM2 pour parler journalisme. Les mains se lèvent pour demander si c’est dur, si on prend des photos de classe, s’ils se verront dans le journal. Des petits dégourdis, qui s’expriment bien : « Le niveau social est bon dans le coin. Et à la campagne, il y a toujours des double niveaux, il faut des élèves autonomes. »

De belles demeures confortables, comme refermées sur elles-mêmes au fond de parcs immenses se devinent le long de la route. La ville d’Hazebrouck s’approche, on croise des hommes en costume, des collègues qui mangent ensemble. Puis des traits fins sous des capuches annoncés par le rap de MGK et le frottement des skates sur le trottoir. Alexandre et Gauthier, 17 et 16 ans, meilleurs potes « Y a pas mieux que l’amitié » en 1re et 2nde au lycée pro du coin. Ils balancent leur planche sous leurs pieds pendant qu’on discute.

Ils ont des piercings, des tatouages et une façon tranquille d’être à l’aise : « On adore rouler en skate parce qu’on se sent libres, à part. » Comme il n’y a plus de skatepark, ils vont faire des figures sur un grand parking pas loin : « Il y a plein d’autres jeunes là-bas. » Plus tard, Alexandre veut travailler de ses mains, il se voit mécanicien auto, Gauthier rêve d’être musicien : « J’écris des textes où j’invente un personnage, qui mène une vie un peu comme Marilyn Monroe, seul et désespéré. » Passionnés de musique, ils écoutent du rap, du metal et du reggae : «
On adore Bob Marley. »

Pour la présidentielle, ils aimeraient qu’il y ait plus de complicité entre les gens « Personne ne se regarde dans la rue » et moins de racisme : «
Ça rampe partout, on ne comprend pas d’où ça vient ». En fait, reprend Gauthier, il faudrait faire voyager les Français en Afrique : « Ça enlèverait les préjugés. Ils verraient aussi qu’on n’a pas besoin de grand-chose au final. » Ils repartent en cours : « On est contents d’avoir parlé ! »

À Morbecque, les fleurs de la serre horticole de Philippe arrêtent le regard. Sa femme Anne-Marie ne veut pas nous parler : « Les journalistes, ça déforme tout. » Mais lui, si : «
C’est grâce au théâtre, j’en fais depuis douze ans, avant j’aurais pas osé. »

À 60 ans, il raconte ses fleurs préférées, les primevères obconiques qui ne se vendent plus « Trop allergènes » , la clientèle vieillissante : « Les jeunes ne veulent pas s’embêter à jardiner » et l’explosion des charges dans les années 1980 : « Il faudrait que notre prochain président divise les charges par deux. On reverserait l’autre moitié aux salariés, ils se mettraient à plus consommer et tout serait réglé !
»

Un an avant la présidentielle – Premier jour de rencontres : la manif du 1er Mai, la mémoire d’Hugo et des majorettes

Un an avant la présidentielle : crèche, RSA, langues régionales au menu du 2e jour de rencontres

Leave A Reply