Turquie , la purge continue Erdogan maintient la possibilité d’un retour à la peine de mort

Turquie , la purge continue Erdogan maintient la possibilité d'un retour à la peine de mort

Trois jours après le coup d’Etat manqué, Ankara continue de faire le ménage lundi 18 juillet et d’arrêter des militaires qu’elle soupçonne d’avoir participé à la tentative de putsch. Ce putsch militaire manqué a fait 290 morts et plus de 1 400 blessés en Turquie, selon le dernier bilan des autorités.

La situation en Turquie sucite de nombreuses réactions, et les Etats-Unis et l’Union européenne ont fait part de leur crainte de la dérive autoritaire du pouvoir.

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Nouveaux coups de filet dans l’armée

Des unités de la police antiterroriste ont effectué lundi matin tôt une descente à la prestigieuse académie de l’armée de l’air d’Istanbul à la recherche de factieux, a annoncé l’agence de presse gouvernementale Anatolie. Le premier ministre a indiqué que 7 543 suspects avaient été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur le putsch : figurent notamment 6 038 militaires, 755 magistrats et 100 policiers, selon le chef du gouvernement, qui a également fait état de 208 « martyrs » , donc d’un bilan total d’au moins 308 morts dans la nuit de la tentative de coup de force.

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De plus, près de 4 500 policiers et 614 gendarmes figurent parmi les fonctionnaires écartés, selon Anatolie qui cite le ministère de l’intérieur. Près de 3 000 mandats d’arrêt ont aussi été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs.

Par ailleurs, environ 1 800 membres des forces spéciales de la police ont commencé à être déployés dans la nuit de dimanche à lundi à Istanbul afin de sécuriser les points sensibles de cette mégalopole, a rapporté Anatolie.

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L’un des meneurs présumés du putsch dément

L’un des plus hauts gradés mis en détention pour son implication présumée dans le putsch a nié être lié à cette tentative de soulèvement, lors de sa présentation lundi devant un tribunal. Apparaissant épuisé et hagard, un bandage sur une oreille, dans les photos publiées par les médias, le général Akin Oztürk, l’ancien chef de l’armée de l’air, a été présenté devant le tribunal pénal d’Ankara, a annoncé l’agence Anatolie.

Le tribunal a décidé dans la soirée de placer en détention provisoire le général et 25 autres généraux et amiraux qui comparaissaient avec lui. Ils ont été accusés d’avoir tenté de renverser l’ordre constitutionnel et de tentative d’assasinat contre le président. Face aux procureurs, le général Akin a nié être l’un des meneurs du putsch, dont les identités n’ont toujours pas été communiquées. « Je ne fais pas partie de ceux qui ont planifié et mené le coup d’Etat militaire. J’ignore qui l’a planifié et dirigé », a-t-il dit. « En me basant sur mon expérience, je pense que c’est la structure parallèle [le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis] qui a mis en uvre cette tentative de coup d’Etat militaire », a-t-il toutefois ajouté, cité par l’agence officielle turque.

Erdogan maintient la possibilité d’un retour à la peine de mort

Recep Tayyip Erdogan a réitéré qu’il n’écartait pas le rétablissement de la peine de mort dans son pays après le coup d’Etat manqué, dans un entretien diffusé lundi sur la chaîne américaine CNN.

Interrogé sur l’éventualité d’un rétablissement de la peine de mort pour les auteurs présumés du coup de force, M. Erdogan dont les propos étaient traduits par un interprète a déclaré : « Il y a un délit évident de traîtrise. » Et d’ajouter :

« Mais évidemment, il faudra une décision parlementaire pour que cela prenne effet sous forme d’une mesure constitutionnelle. »

La Turquie, qui ambitionne de rejoindre l’UE, a aboli la peine capitale en 2004 dans le cadre de sa candidature à l’UE mais dimanche, en réponse à ses partisans, le président Erdogan a déclaré que l’Etat turc devait envisager de la rétablir.

Le dirigeant a également assuré que son gouvernement présenterait aux Etats-Unis une demande formelle d’extradition du prédicateur musulman en exil Fethullah Gülen, qu’il accuse d’avoir fomenté la tentative de putsch.

« Nous avons un accord réciproque d’extradition des criminels, a-t-il dit à la chaîne américaine. Il devrait y avoir réciprocité pour ce type de choses. »

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Inquiétude de la communauté internationale

Les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN ont mis en garde lundi Ankara contre la tentation d’une répression généralisée et du rétablissement de la peine de mort. La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a souligné que le respect « de l’Etat de droit et de la démocratie étaient (…) le meilleur moyen d’affronter les difficultés que vit la Turquie ». Elle a déclaré qu’un pays appliquant la peine de mort ne pouvait pas accéder à l’UE. En Allemagne le pays européen qui compte la plus grande communauté turque hors de Turquie le porte-parole du gouvernement, a lui aussi insisté : « Le rétablissement de la peine capitale en Turquie aurait pour conséquence l’arrêt des négociations sur l’adhésion. »

Le président américain, Barack Obama, a rappelé « le besoin vital » que toutes les parties concernées « agissent dans le cadre de l’Etat de droit ». Le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, a souligné que le coup d’Etat avorté n’était pas un « chèque en blanc » au président Erdogan pour procéder à des « purges ».

Les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne étaient réunis lundi à Bruxelles pour adopter une position commune sur la situation en Turquie en présence du secrétaire d’Etat américain, John Kerry. « Arrestations et renvois en masse de juges ne sont pas un moyen acceptable pour restaurer la démocratie », se sont de leur côté émus des experts du Conseil de l’Europe, lundi.

« L’ordre constitutionnel doit être totalement préservé en vertu des principes de démocratie et des droits fondamentaux, y compris le respect total de la liberté d’expression et de réunion et de procès en bonne et due forme », a aussi affirmé, lundi, Farhan Haq, porte-parole des Nations unies. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait quant à lui appelé vendredi à un retour rapide et pacifique du pouvoir civil en Turquie.

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Rassemblements à Istanbul et Ankara en soutien à Erdogan

Plusieurs milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées dans la nuit de dimanche à lundi sur la place Taksim, à Istanbul, ainsi que sur la place Kizilay, à Ankara, pour apporter leur soutien au président Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier a renouvelé son appel à descendre dans la rue malgré la déroute des putschistes.

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