Télévision , la véritable histoire de la pin-up

Télévision , la véritable histoire de la pin-up

Des « Gibson girls » aux « flappers » en passant par l’incontournable Betty Boop, « La Revanche des pin-up » raconte, au-delà des clichés, l’évolution de cette icône (sur Arte à 22 h 25).

Le Monde
| 14.10.2016 à 06h44
Mis à jour le
14.10.2016 à 17h40
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Par Josyane Savigneau

Documentaire sur Arte à 22 h 25

Quand on entend le mot « pin-up », une image stéréotypée et désuète apparaît : une jeune femme aux longues jambes et aux dessous sexy s’offre au regard des hommes sur la couverture d’un magazine d’autrefois. Le grand mérite du documentaire de Sophie Peyrard est de subvertir ce cliché, de raconter la véritable histoire de la pin-up, à l’aide de documents d’archives excellents , d’entretiens avec des historiennes et éditrices spécialistes de la question Dian Hanson, Maria Buszek et de témoignages avec celles qui se revendiquent pin-up aujourd’hui.

Comment les femmes se sont-elles approprié ce sex-symbol à destination des hommes ‘ Comment ont-elles « redonné vie à cette figure rétro » ‘ C’est un long parcours commencé à la fin du XIXe siècle et qui a connu bien des aléas. D’abord une invention inattendue qui « fait sortir les femmes de chez elles » : « le vélocipède ». Elles montrent leurs jambes, parfois jusqu’au genou, ce qui est choquant.

Modèle de liberté et de provocation

En 1886, aux Etats-Unis, dans ce qui est alors un petit illustré, Life, apparaît un beau dessin : une éternelle célibataire à la silhouette élancée « qu’on a envie d’épingler » : d’où pin-up. Comme on le voit dans un film muet, les hommes semblent aimer cette image de femme sûre de sa séduction. Les bien-pensants au contraire dénoncent l’influence sur les jeunes de ces « Gibson girls », du nom du dessinateur qui les a inventées.

Et voilà qu’elles entrent dans l’Histoire, prêtes à rendre service, à aider au recrutement pendant la Grande Guerre ce sont des icônes sur les affiches appelant à s’engager. La guerre finie, arrive une période de fête et d’insouciance et celle qui fait tourner les têtes, c’est la « Flapper », qui remplace la Gibson girl : fini les corsets, les jupes raccourcissent, les cheveux aussi, on met du rouge à lèvres, on fume. Betty Boop, dans un délicieux dessin animé en noir et blanc, incarne l’un de ces modèles de liberté, d’indépendance, de provocation, le regard en coin.

Mais survient la Grande Dépression. Dans l’Amérique religieuse, on voit là une punition de Dieu. Alors Betty Boop et les autres rallongent leurs jupes, passent l’aspirateur, en un mot rentrent à la maison, comme toujours en période de crise. Mais les pin-up ne disparaissent pas, elles investissent la presse populaire masculine. Avec le lancement d’Esquire, en 1933, George Petty et Alberto Vargas vont renouveler l’image de la pin-up. Quand arrive la seconde guerre mondiale, la pin-up porte l’uniforme de la Navy, et elle va ressortir de la maison pour encourager les troupes. On la dessine même sur les carlingues des avions.

Au retour de la guerre, on ne veut plus de ces femmes qui semblent trop libérées. Il faut vendre le rêve américain nouvelle formule, montrer la reine du foyer avec les appareils électroménagers dernier cri. Heureusement il y a le cinéma, l’opulente Jayne Mansfield et la belle Marilyn dont la jupe se soulève, dans The Seven Year Itch Sept ans de réflexion (Billy Wilder, 1955), comme celle des pin-up, par inadvertance.

Ensuite « c’est la libération sexuelle qui ringardise les pin-up », même si Playboy propose ses Playmates. Ringardes ‘ Ce n’est pas l’avis des pin-up du XXIe siècle, Lada Redstar ou Lolly Wish, fières de leur corps « qui ne correspond pas à la société d’aujourd’hui » et affiche ses rondeurs. Il y a aussi la pin-up « alternative » : elle veut « être soi-même » et « jouer avec ses limites ». Est-ce une affirmation féministe ‘ C’est possible. Et pourtant, on garde plutôt la nostalgie de la pin-up d’avant la crise de 1929, la Betty Boop un peu narquoise.

Pin-up. La revanche d’un sex-symbol, de Sophie Peyrard (Fr., 2016, 52 min).

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