Teddy Riner , Une médaille gagnée avec l’intelligence

Teddy Riner ,  Une médaille gagnée avec l'intelligence

Le Monde
| 22.09.2016 à 17h27
Mis à jour le
24.09.2016 à 08h52
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Propos recueillis par Anthony Hernandez

Mais l’essentiel est ailleurs. Le judoka, sportif le plus apprécié des Français, a remporté dans la cité carioca son deuxième sacre olympique, après ses huit titres mondiaux glanés de 2007 à 2015. Et à 27 ans, le champion n’est pas ­encore rassasié. Son objectif ‘ Egaler le Japonais Tadahiro Nomura, triple champion olympique, en ramenant l’or du pays du judo, à Tokyo, en 2020.

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Le spectacle n’a pas été au rendez-vous à Rio. Qu’en avez-vous pensé ‘

Ce que les gens ont du mal à comprendre, c’est qu’aux JO, seule la médaille compte. Mettre un ippon est un exploit. Ce n’est pas comme un championnat d’Europe ou du monde. Tout le monde est prêt. On y retrouve que les meilleurs. C’est la compétition ultime.

D’ailleurs, on vous a reproché des victoires moins nettes que d’habitude’

Je ne fais pas attention aux critiques. Je ne lis jamais ce qu’on écrit sur moi. Je lis tout, sauf les articles qui me concernent.

Les adversaires que j’ai l’habitude de rencontrer tout au long de la saison ne sont plus les mêmes. J’avais annoncé que seule la victoire comptait. Je n’ai pas toujours trouvé la solution, c’est un fait, mais en même temps, personne ne veut perdre aux JO. Et surtout pas moi ! Je suis allé chercher cette médaille d’or avec l’intelligence. Je suis très content et très fier d’avoir remporté un second titre. Du moment que c’est le cas, que ta famille l’est aussi, c’est l’essentiel. Je ne fais pas attention aux critiques. Je ne lis jamais ce qu’on écrit sur moi. Je lis tout, sauf les articles qui me concernent.

Votre compagne, plutôt discrète en général, a accordé un entretien à « Paris Match » car elle en avait ­assez que certains prétendent que vous gagnez seulement grâce à votre gabarit. Est-ce quelque chose qui vous agace ‘

Beaucoup de personnes pensent que c’est facile avec mon gabarit. Non, ce n’est que du travail ! C’est un tout. Il faut être fort dans la tête, il faut travailler la technique, mais également la condition physique. Je ne parle pas que des muscles mais aussi du cardio, qui est très important.

A Rio, on vous a vu prendre très à c’ur votre rôle de porte-drapeau. Vous étiez très présent lors des ­prestations de vos compatriotes’

Vous avez vu ce que je fais toujours car les caméras étaient braquées sur moi. J’ai toujours été voir mes potes. Dès qu’une compétition est à Paris, j’y vais. Chez moi, hier, je regardais les paralympiques. Je suis un amoureux du sport. Après, mettre l’ambiance et encourager, ce sont des choses naturelles chez moi. Je ne me suis pas créé un personnage.

Vous avez pris des responsabilités aussi en présentant des excuses au nom de la délégation française pour certains comportements. Etait-ce important ‘

Oui, car pour quelques individus isolés, on accole une mauvaise image à toute la délégation, ce qui n’est pas juste. On a fait une moisson de médailles record. On a une équipe soudée, jeune et prometteuse. Certains ont échoué au pied du podium, d’autres plus nettement à cause d’une mauvaise gestion. La prochaine fois, ils réussiront. Le futur me donnera raison.

Il y a eu notamment un échange avec Renaud Lavillenie après qu’il a fortement critiqué le public brésilien’

J’en ai parlé avec lui. Il a été surpris par l’ambiance particulière, car il n’en a pas l’habitude en athlétisme. Je me suis fait siffler. Les Brésiliens essaient de nous déstabiliser. Ils ont mis des tonnes d’argent, alors que le pays est en crise économique, sanitaire et politique. Du coup ils veulent voir leurs champions gagner. Renaud est un champion, comme moi, il n’aime pas perdre. Je peux comprendre cela surtout lorsque tu es déjà champion olympique et que tu veux le deuxième titre. A chaud, n’importe quel athlète peut dire beaucoup de choses. On peut l’excuser.

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La boxe a été le sport français le plus rentable en nombre de médailles. Cela vous a-t-il surpris ‘

Plein de choses se sont passées, notamment avec le décès tragique en 2015 d’un des leurs, Alexis Vastine [lors d’un accident d’hélicoptère sur le tournage de l’émission « Dropped »]. Il y a eu un élan pour aller chercher ces médailles. Les boxeurs se sont remobilisés. C’est magnifique ce qu’ils ont fait.

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Avez-vous peur que le judo, dont le ­bilan a été contrasté, perde son statut de sport de combat numéro un ‘

Non, car le judo a un c’ur, une âme. C’est un sport vivant. Tu t’amuses, tu te fais plaisir. Certains parents restent sceptiques sur d’autres sports de combat. Je ne m’en fais pas pour le judo, ça plaît. Ça t’apprend énormément de ­choses. Mais il est vrai que le bilan n’a pas été bon. Il y aurait dû avoir plus de ­médailles d’or. Les deux judokates ­[Gévrise Emane et Audrey Tcheuméo] qui perdent en finale devaient gagner.

Votre ami boxeur Tony Yoka, sacré dans la catégorie reine des super-lourds, connaît depuis une notoriété nouvelle. Cela vous fait enfin un peu de concurrence ‘

Oh non, il n’y a pas de concurrence ! La boxe et le judo sont deux sports différents. Avec Tony, nous suivons deux chemins différents. Je ne fais pas de compétition de ce genre. Je serais honoré qu’il ait autant de médiatisation que moi, qu’il soit aussi aimé des Français. Ça ne me dérange aucunement. L’essentiel pour moi est de m’occuper de ma famille et d’être en bonne santé.

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Après Londres en 2012, vous étiez ­revenu encore plus fort. Quelle sera ­votre stratégie d’ici les prochains Jeux ‘

Je n’y suis pas encore [rires] ! De toute façon, quoi qu’il arrive, je suis quelqu’un qui travaille dur. Donc, ça ne me préoccupe pas de devoir le faire pour réussir mes projets.

Le bruit court que vos entraîneurs souhaitent que vous fassiez l’impasse sur les deux prochains Mondiaux, pour vous ménager. Qu’en est-il ‘

Il y a toujours des rumeurs, mais ce n’est pas possible qu’ils disent des choses sans m’avoir consulté. Et je peux vous dire qu’on n’en a pas parlé. Je vais prendre six mois de vacances et une chose est sûre, je serai là pour les championnats du monde 2017.

A Tokyo, en 2020, vous pourriez tirer votre révérence en égalant le record de trois titres du Japonais Nomura’

Rien n’est facile, depuis ma première victoire jusqu’à ma dernière en date. Quatre ans, c’est long, il ne faut pas se mettre martel en tête. Il faut se laisser le temps, ne pas sortir des Jeux pour se ­relancer directement dans les suivants. Il y a des étapes à franchir.

Seule l’organisation des JO à Paris en 2024 vous pousserait à continuer ‘

Ça serait énorme de remporter les Jeux à Paris

C’est long, huit ans’ Je laisse un gros point d’interrogation à cette question. J’y pense, ça, c’est certain. Ça serait énorme de remporter les Jeux à Paris.

Vous êtes le sportif le plus populaire de France. Le pays traverse une période délicate, nous entrons dans une année électorale. Qu’en pensez-vous ‘

Lorsqu’on me demande mon avis en politique, je réponds toujours pareil. Quand tu es sur le devant de la scène, tu fermes ta bouche. Point. Il faut être conscient que tu peux altérer le jugement des gens qui t’écoutent. Je ne dis jamais quoi que ce soit. Après, bien entendu, je suis un citoyen qui vote et qui fait ce qu’il faut.

Forcément, vous avez un regard. ­Peut-être une inquiétude pour votre fils, par exemple’

Oui, je suis inquiet, et pas seulement pour mon fils. Pour cette génération et les suivantes. Les temps sont durs. Tout le monde veut se mettre à l’abri, réussir sa vie pour sa progéniture.

Vous êtes sous contrat avec le club de Levallois jusqu’en 2018. Est-il vrai qu’Orléans voudrait vous récupérer ‘

Il n’y a eu aucune discussion de ce type. J’ai d’ailleurs demandé un démenti à la mairie d’Orléans. Les portes ne sont jamais fermées, mais au moins jusqu’à la fin de mon contrat, je reste à Levallois, où je suis très bien.

En 2015, votre salaire ­(environ 430 000 euros annuels en 2013) à Levallois a fait polémique. Avec du recul, le comprenez-vous ‘

J’ai pris cher ! C’est blessant quand mon père me dit : « C’est quoi cette histoire ‘ » L’opposition s’est acharnée sur moi pour nuire au maire [Les Républicains] Patrick Balkany. Je ne comprends pas pourquoi on m’a mis dans l’histoire. Je suis juste un sportif de haut niveau sous contrat avec le club. Je fais tout correctement. Je paie mes impôts, je suis droit dans mes bottes. Qu’on vienne me chercher sur ça, alors que je n’ai rien à me reprocher’ Ça m’a énervé.

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Certains ont été choqués par le ­financement public de ce salaire’

Je n’ai même pas envie de répondre à ceux qui sont choqués. J’aurais pu partir depuis longtemps. Chaque année, j’ai des propositions. Je reste en France, pas comme certains qui sont à l’étranger. Les gens mécontents, je m’en fous. Je n’ai rien volé. On me l’a proposé par rapport à mes résultats, à ce que j’apporte à la ville, au club. Regardez juste tous les titres que j’ai gagnés depuis mon arrivée.

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