Syrie , posez vos questions sur la situation à Alep

Syrie , posez vos questions sur la situation à Alep

Il est possible qu’à la faveur de la chute d’Alep ce rapprochement s’intensifie et qu’il devienne davantage public. Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui est issu des rangs militaires, a récemment fait l’éloge des armées nationales arabes, en mentionnant spécifiquement l’armée syrienne. La presse libanaise, notamment les quotidiens As-Safir et Al-Akhbar, affirme que des militaires égyptiens ont été déployés en Syrie, notamment des pilotes de chasse. Les autorités égyptiennes ont démenti. Mais, compte tenu de la position de Sissi, il est très probable que Le Caire fournisse à Damas une forme d’assistance militaire.

Benjamin Barthe : Dans le chaos actuel, personne ne peut décemment prétendre connaître le nombre exact des victimes. L’Observatoire syrien des droits de l’homme parle d’environ 350 morts. Le responsable des conseils révolutionnaires d’Alep, Brita Hajj Hassan, donne le chiffre d’environ 800 tués. Où est la vérité Je ne sais pas. Et je crains malheureusement que le bilan exact de l’offensive du régime ne soit pas connu avant longtemps. Le régime n’aura guère d’intérêt à laisser les organisation de défense des droits de l’homme sillonner les quartiers est pour dresser un recensement précis du nombre de victimes.

Benjamin Barthe : Non, ce n’est pas la même situation, pour la simple et bonne raison que l’organisation Etat islamique (EI) est absente d’Alep-Est. Pour mémoire, ce sont les rebelles syriens qui ont délogé l’EI d’Alep au mois de janvier 2014. Le Front Fatah Al-Cham, une émanation d’Al-Qaida, compte des combattants à l’intérieur d’Alep, mais ils sont très minoritaires. Alep a été le théâtre de mouvements de protestations populaires, en 2011-2012, qui, sous l’effet de la répression du régime, se sont militarisés et ont débouché sur la conquête par les rebelles d’Alep-Est. Mossoul n’a pas connu une telle mobilisation, quand l’EI s’en est emparé en 2014.

Notre correspondante à Beyrouth, Laure Stephan, raconte comment, depuis son entrée en guerre aux côtés de Bachar Al-Assad en Syrie en 2013, le Hezbollah libanais a pris de l’envergure.

Benjamin Barthe : Cela posé, est-ce que la guerre est terminée Non. Mais il est possible que son intensité diminue graduellement. L’une des inconnues de cette équation, c’est la réaction des monarchies du Golfe, les principaux fournisseurs d’armes de la rébellion. Vont-elles prendre acte de l’échec de leurs protégés et cesser ou du moins réduire leurs livraisons Ou bien, au contraire, voudront-elles répondre au camouflet que Damas leur a indirectement infligé On le verra dans les prochains mois.

Benjamin Barthe : Avec la chute d’Alep, l’opposition armée perd son deuxième et dernier centre urbain, après Homs, qui a été reprise par les forces progouvernementales en 2014. C’est un événement majeur. D’une insurrection d’envergure nationale, même si ses perspectives de victoire ont toujours été très limitées, le mouvement anti-Assad se voit rétrogradé au niveau d’une guérilla, cantonnée dans des zones rurales et des villes moyennes. Ce déclassement officialise ce qui était déjà évident depuis longtemps compte tenu de l’immense supériorité militaire du camp pro-régime, à savoir le fait que l’opposition ne peut plus poser de défi militaire existentiel à Damas et ne peut donc plus prétendre constituer une alternative politique au régime. La chute d’Alep enfonce ainsi le dernier clou dans le cercueil des négociations de paix, basées sur le principe d’une transition politique, laborieusement pilotées par l’envoyé spécial des Nations unies, Staffan de Mistura.

Benjamin Barthe : Des négociations sont en cours, entre Américains et Russes. Au moins une partie des groupes armés ont fait savoir, discrètement, aux Américains, qu’ils étaient prêts à évacuer. Mais est-ce que le régime syrien est disposé à laisser sortir ces hommes d’Alep vivants, ou du moins libres La question se pose. La pause dans les bombardements annoncée par Moscou jeudi soir n’a pas été respectée par l’armée syrienne. Elle pourrait être tentée d’investir le dernier carré rebelle et d’y neutraliser tous les combattants, soit en les tuant dans les combats, soit en les obligeant à se rendre. 

Benjamin Barthe : Je viens de m’entretenir avec un haut responsable d’une organisation humanitaire internationale. Le principe d’une évacuation de civils vers des zones hors du contrôle gouvernemental a été acté avec les Russes, m’a-t-il dit. Ce qui veut dire un transfert soit vers la province d’Idlib, au sud-ouest d’Alep, une zone dominée par les djihadistes du Front Fatah Al-Sham, soit un transfert vers le nord d’Alep, une zone contrôlée plutôt par l’Armée syrienne libre, la branche modérée de l’insurrection. D’après cette source, qui veut rester anonyme, la déconfliction est en cours, c’est-à-dire la sécurisation de la sortie des civils. Toujours d’après cette source, 70 ambulances en provenance de Turquie, seraient en route vers Alep, pour assurer le transport de ces civils. Voilà pour les dernières nouvelles. Pour ce qui est de l’évacuation des rebelles, c’est plus compliqué.

Benjamin Barthe : Cela dépend si vous parlez des quartiers récemment repris par les forces progouvernementales ou des quartiers encore dans les mains des rebelles, qui représentent désormais moins de 20 % d’Alep-Est. Dans les premiers, les humanitaires (je parle des organisations humanitaires internationales) commencent à se déployer, après avoir été longtemps absents, du fait de l’obstruction de Damas, dont la stratégie était d’affamer ces zones. Je sais par exemple que les Nations unies ont récemment eu accès à Masaken Hanano, l’un des premiers quartiers repris par les forces pro-Assad, au nord-est d’Alep.

Bonjour à tous, 

Benjamin Barthe, le correspondant du « Monde » basé à Beyrouth, au Liban, répondra à partir de 14 heures à vos questions sur la situation à Alep et les tractations diplomatiques en cours. 

La bataille d’Alep approche de son dénouement. Alors que les troupes progouvernementales se sont emparées de plus de 80 % des quartiers rebelles, des tractations sont en cours, entre diplomates russes, américains et turcs, pour permettre l’évacuation des civils et des combattants, retranchés dans un dernier carré, dans le sud de la métropole.

Bien que leurs représentants affichent en public leur détermination à résister, les rebelles, à bout de force après trois semaines de bombardements qui ont fait des centaines de morts et conscients qu’ils n’ont plus aucun moyen de renverser la situation, sont prêts à quitter la partie orientale de la ville, qu’ils avaient conquise à l’été 2012.

Vendredi matin, l’armée syrienne poursuivait sa progression dans Alep-Est, au sol et avec l’appui de bombardements aérien.

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