Syrie , le silence des Etats-Unis l’impuissance de la France à l’Assemblée générale de l’ONU

Syrie , le silence des Etats-Unis l'impuissance de la France à l'Assemblée générale de l'ONU

Pour le dernier discours de leurs mandats respectifs aux Nations unies, les chefs d’Etat français et américain ont marqué leurs différences d’approche du conflit syrien.

Le Monde
| 21.09.2016 à 06h40
Mis à jour le
21.09.2016 à 11h29
|

Par Marc Semo (New York, envoyé spécial)

L’un et l’autre sont des présidents en fin de mandat, mais le contraste entre les interventions à la 71e Assemblée générale des Nations unies, le 20 septembre, de Barack Obama et de François Hollande, n’en était que plus saisissant, alors que la crise syrienne, omniprésente dans les discours comme dans les rencontres en marge de la réunion, restera comme leur principal échec commun.

Reconnaissant d’entrée de jeu que c’était « la dernière fois » qu’il s’exprimait en tant que chef de l’Etat à cette tribune, l’Américain, dans une harangue de cinquante minutes au lieu des dix prévues pour chacun des intervenants , n’a eu que quelques mots sur la Syrie, la pire tragédie de ses deux mandats, soulignant « qu’une victoire militaire est impossible et qu’il faut poursuivre le difficile travail diplomatique ».

Lire aussi :
 

Le cessez-le-feu vacille en Syrie

Impasse totale

Le Français, qui s’adressait là à ses pairs pour la dernière fois de son quinquennat, a, lui, lancé un vibrant appel afin que « cette tragédie ne reste pas comme une honte pour la communauté internationale ». Mais ce sont des mots, et seul son homologue américain, qui s’est opposé tout au long de son mandat à une véritable intervention en Syrie, aurait les moyens d’exercer de réelles pressions sur les soutiens du régime, à commencer par les Russes, pour imposer un cessez-le-feu, l’acheminement des aides humanitaires, conditions sine qua non d’une relance des négociations.

Le « quasi-silence » de Barack Obama « n’en est que plus assourdissant », soupire un diplomate occidental, alors même que doit commencer mercredi une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la Syrie, et que l’impasse diplomatique reste totale. A quatre mois de la fin de son mandat, le Prix Nobel de la paix 2009 a fait le choix de s’abstraire de « l’événement et de l’immédiat », comme si, déjà, il n’était plus le dirigeant de la première puissance du globe. Il parlait pour l’Histoire dans un testament aux accents souvent sombres. « Il y a ce paradoxe, vingt-cinq ans après la fin de la guerre froide, d’un monde moins violent et plus prospère que jamais, alors que nos sociétés sont pleines de malaises, d’incertitudes et de discordes », a expliqué le président américain dans son long plaidoyer pour la démocratie et la société ouverte.

Il a dénoncé la montée des extrémismes et des « populismes grossiers », soulignant l’ampleur des défis à relever car « un monde où 1 % de l’humanité détient autant de richesses que les 99 % restant ne peut être stable ». Il s’est étendu sur ses succès diplomatiques, l’accord sur le nucléaire iranien, la normalisation avec Cuba, mais n’a pas eu un mot sur les occasions manquées et ses grands échecs au Moyen-Orient, la Syrie, mais aussi le dossier israélo-palestinien. Ce dernier a été expédié en une phrase, où il appelle les Palestiniens « à rejeter les appels à la haine et à reconnaître l’Etat juif », et Israël « à comprendre qu’il ne peut continuer à occuper les terres palestiniennes ».

Mais même si la diplomatie française compte évoquer cette question lors des discussions au Conseil de sécurité, elle n’est pour le moment guère suivie. Tout est bloqué, Moscou continuant d’appuyer Damas envers et contre tout

François Hollande, lui, se sent encore pleinement en fonction et semble même convaincu de l’être encore après 2017. S’il a évoqué les grands défis, comme celui du changement climatique et la nécessité de concrétiser les accords de Paris à la suite de la COP21, il a voulu rappeler avant tout l’horreur du conflit syrien, « le martyre d’Alep », « les convois humanitaires frappés par les bombes », « l’utilisation des armes chimiques » accusant clairement « le régime d’être responsable de l’échec du cessez-le-feu ».

Outre le cessez-le-feu et les livraisons d’aide humanitaire pour les populations assiégées, dont celles des quartiers rebelles d’Alep exigences communes des Occidentaux et des pays arabo-musulmans amis de la Syrie , le président français a insisté sur la nécessité, « au nom de la justice, de sanctionner ceux qui ont eu recours à l’arme chimique ». Il visait notamment le régime, qui, selon un rapport d’enquête sous l’égide de l’ONU, a au moins par deux fois bombardé avec des barils de chlore, violant les engagements pris en 2013 lors du démantèlement de son arsenal chimique.

« Ambiance dramatique »

Mais même si la diplomatie française compte évoquer cette question lors des discussions au Conseil de sécurité, elle n’est, pour le moment, guère suivie. Tout est bloqué, Moscou continuant d’appuyer Damas envers et contre tout. « Ce serait pourtant dans l’intérêt même de la Russie de faire pression sur le régime, car son soutien ne permettra pas la reconquête de la Syrie, mais va précipiter sa partition et un chaos encore plus grand », a dit le président français.

Mardi, avant le début de l’Assemblée générale de l’ONU, s’était tenue, dans un palace new-yorkais, une réunion du Groupe international de soutien à la Syrie, créé à Vienne en novembre 2015, sous le parrainage de Moscou et de Washington, afin d’engager un processus de négociation. Il regroupe vingt-trois pays et organisations internationaux, à la fois des pays qui depuis le début soutiennent la révolution syrienne (les Etats-Unis, et plusieurs pays européens, dont la France et le Royaume-Uni, de même que l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie), mais aussi la Russie et l’Iran.

« L’ambiance était dramatique et lourde », a reconnu en sortant le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault. Son homologue américain, John Kerry, veut encore croire que « la trêve n’est pas morte » malgré le bombardement d’un convoi humanitaire lundi dans la région d’Alep par l’aviation russe ou celle du régime syrien.

« Ce sont les Nations unies qui ont été frappées, mais cela n’a eu aucune conséquence, c’est une nouvelle illustration de la faiblesse totale de la communauté internationale », a déploré Riyad Hijab, le coordinateur du Haut Conseil des négociations, principal représentant de l’opposition syrienne. Et d’affirmer que « les Russes poursuivent toujours la même stratégie et instrumentalisent les résolutions du Conseil de sécurité, les accords de cessez-le-feu et le processus de Genève pour consolider les positions du régime sur le terrain ».

Leave A Reply