Sur les traces des orchidées sauvages au c’ur de la vallée d’Authie

Sur les traces des orchidées sauvages au c'ur de la vallée d'Authie

Nous marchons presque sur la craie de l’un des derniers coteaux calcaires de la région. C’est un milieu ouvert, non boisé, au sol très sec et captant la chaleur, un milieu que les naturalistes protègent avec le plus grand soin pour sa capacité à héberger des fleurs, des papillons et des insectes qui en dépendent intimement et souvent exclusivement, des espèces que l’on dit « thermophiles », parce qu’elles aiment la chaleur. Que du bon sens au sud de ces Flandres si frileuses !…

La direction régionale de l’environnement (DREAL) nous renseigne que les pelouses calcicoles des coteaux calcaires du Boulonnais et de l’Artois auraient perdu entre 50 et 75 % de leur surface en un siècle et il n’en reste que trop peu dans l’Avesnois.

C’est le premier intérêt d’une visite dans ces huit hectares de la réserve naturelle régionale des Riez de N’ux-les-Auxi, une bande de deux kilomètres de long en forme de salamandre sur un escarpement en fond de vallée, une bande verte habitée par une cinquantaine de chèvres en partenariat avec un éleveur local. Voilà des millions d’années que les micro-organismes qui stockaient du calcaire dans leurs corps se sont décomposés en laissant une craie qui deviendra coteau par sédimentation et à la suite des ruissellements d’eaux creusant la vallée au long fil des siècles.

Cette merveille de patience géologique donne à présent ce sol pauvre en éléments nutritifs, une aubaine pour des espèces que l’on ne retrouvera que très rarement ailleurs à ce niveau de colonisation. C’est le cas, le plus visible, du genévrier, le seul conifère indigène du Nord – Pas-de-Calais, un arbuste protégé et des plus utiles pour l’entretien pastoral de ces milieux ouverts. Les chèvres mangent les pousses d’arbustes ligneux dans la réserve divisée en trois parcs clôturés l’an passé par l’équipe en insertion de David Populaire et Patrick Crestot, directeur d’AILES. «
Nous avons planté 1 200 nouveaux piquets pour préserver ce site naturel si sensible », explique-t-il.

Menace de disparition

Et pour permettre aux vraies starlettes du site de s’y épanouir : quand les bêtes maintiennent l’espace ouvert sur un parc, les deux autres laissent la flore en paix. Et d’abord les petites orchidées, onze espèces sur les 44 de la région. «
Plus de la moitié d’entre elles sont menacées de disparition
», estime Quentin Marescaux, notre guide du conservatoire d’espaces naturels (CEN).

Mais ici, les familles d’ophrys et d’orchis se laissent joliment admirer entre l’aubépine et le petit prunelier, entre le criquet et la petite mygale, la seule présente en région. Ainsi l’attraction du jour n’est-elle pas vouée au moyen duc à l’envol silencieux ou au si fier faisan courant, voire aux gros et gras escargots de Bourgogne. Ici règnent les orchidées sauvages et leurs étonnantes stratégies de reproduction. Au total, avec et autour d’elles, plus de 200 espèces de plantes dont 30 menacées de disparition et 12 protégées par la loi. Naturellement.

L’orchis pourpre

C’est une petite fleur qui s’épanouit au mois de mai, comme toutes les orchidées du genre orchis («
testicule
» en grec ancien, la plante disposant de deux tubercules souterrains faisant penser à l’un des attributs les plus caractériques du genre hominidé masculin…).

L’orchis pourpre est très évoluée. Dépourvue du nectar qui attire les insectes pollinisateurs, elle sait parfaitement et subtilement imiter les fleurs à nectar. L’insecte est face à un leurre, un prodige de nature. Attiré par l’orchis, il se posera sur elle, juste le temps nécessaire à l’orchidée de déposer des pollinies sur la tête et les antennes de l’insecte ou de l’abeille dupée qui s’en ira voir ailleurs d’autres fleurs – et permettre la reproduction de l’orchidée.

L’ophrys mouche

Elle est encore plus douée que l’orchis pourpre pour le leurre. Les mouches-abeilles, les syrphes ou les petites guêpes se font régulièrement berner : les mâles sortent les premiers au mois de mai et c’est bien normal cherchent des femelles. La petite orchidée sait imiter la dulcinée volante jusqu’à la texture de l’abdomen et les phéromones sexuelles.

C’est bien malin : l’ophrys mouche fleurit en même temps que sort le mâle, elle n’a donc pas à subir la concurrence des vraies femelles ! Mieux : quand le mâle dupé quitte la fleur avec son pollen, il se pose sur l’ophrys voisine qui n’aura pas exactement la même odeur. Dingue, non, cette solidarité entre orchidées On les nomme les «
fleurs de la déception
». On comprend pourquoi.

L’ophrys araignée

C’est une intriguante petite plante d’un vert pâle et dont le labelle velouté, avec une tâche plus claire au centre, fait penser à une araignée. Le labelle est le pétale déformé en forme d’insecte qui imite les petits poils de l’abdomen de l’abeille, de l’araignée ou du bourdon. La plante ne produit qu’une seule tige par an. Attention donc de ne pas la couper.

L’orchidée va sortir une capsule (son fruit) avec quatre millions de graines en trois mois ! Ces graines si fines sont sans nutriments. Pour éclore, une fois dans le vent, elles devront rencontrer un champignon (micellium) souterrain, enfoui dans le sol avec ses filaments qui nourriront ce qui deviendra orchidée. Si hasardeux que cela en devient presque magique.

Le Polygale commun

Cette fleur n’est pas une orchidée, comme l’orchidée araignée ou l’orchis bouc (bonjour l’odeur…), ou l’orchis moucheron à la fleur rose qui elle, dispose d’un nectar avec deux odeurs, une pour attirer les papillons de jour, l’autre pour séduire les papillons de nuit. Une orchidée qui change d’odeur dans la même journée ! Voici plutôt le Polygale commun, une jolie petite fleur bleue caractéristique des milieux calcaires, souvent rencontrée dans les zones de coteaux. Comme les orchidées, elle est surtout visible en mai et juin dans notre région.

À voir, le meilleur du mimétisme chez les fleurs : http://soocurious.com/fr/fleur-ressemblance-animaux-humain-insolite-nature

Comment s’y rendre

Réserve au sud de N’ux-les-Auxi, près d’Auxi-le Château, au sud-ouest de Saint-Pol-sur-Ternoise. On la trouve au bout d’un chemin visible en graviers, accessible en voiture. Contact CEN : 03 21 54 75 00 et www.cen-npdc.org avec une liste des sites, dont les coteaux calcaires.

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