Qu’est-ce que cette île Tromelin qui fait autant réagir ‘

Qu'est-ce que cette île Tromelin qui fait autant réagir '

Pourquoi un îlot de l’océan Indien d’un kilomètre carré de sable, battu par les vents, a-t-il provoqué des remous dans la classe politique française

Le Monde
| 18.01.2017 à 16h08
Mis à jour le
18.01.2017 à 16h46
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Par Guilhem Dubernet

L’île Tromelin, c’est ça :

Un banc de sable perdu dans l’océan Indien. Un rapport sénatorial de novembre 2012 décrit une île de « 1,5 km de longueur sur 0,7 km de largeur, [‘] dépourvue d’eau potable et balayée par des alizés qui rendent toute culture impossible et qui ne peut être abordée que dans des conditions difficiles ». Une île qui « ne présente pas d’intérêt économique », selon le même rapport, et qui n’a quasiment pas été habitée seuls quelques esclaves naufragés d’un bateau négrier y vécurent pendant quinze ans au XVIIIe siècle, avant d’être secourus. Elle abrite bien, depuis 1954, une station météorologique, dont le fonctionnement a été automatisé ces dernières années.

Et pourtant, l’île Tromelin, possession française au large de Madagascar, est âprement revendiquée par la République de Maurice.

L’enjeu de la « zone économique exclusive »

Car c’est surtout l’espace autour de l’île qui intéresse les deux Etats. L’îlot permet de revendiquer le contrôle de 280 000 km² de zone économique exclusive (ZEE), ce qui fait de la France l’Etat contrôlant le plus vaste espace maritime au monde avec, au total, 11,7 millions de kilomètres carrés de ZEE. Concrètement, la ZEE permet notamment le contrôle des droits de pêche et d’exploitation d’éventuelles autres ressources. Un enjeu de taille pour une telle surface.

La République de Maurice estime que ce contrôle lui revient de droit et accorde déjà des permis de pêche dans les eaux entourant Tromelin à des bateaux asiatiques. Il leur est cependant fortement déconseillé d’aller y pêcher, depuis qu’un navire japonais a été arraisonné par des militaires français chargés du contrôle de la zone en octobre 2004. L’incident avait provoqué de « vives tensions », selon le rapport sénatorial.

Un problème de traduction aléatoire

Maurice a pris son indépendance du Royaume-Uni en 1968. Avant cela, l’île avait été cédée par la France en 1814 à la Couronne britannique. C’est justement sur le traité de cette cession que se fonde l’Etat mauricien pour revendiquer son autorité sur Tromelin. Le texte en français prévoit que « l’île de France [nom de l’île Maurice à l’époque] et ses dépendances, nommément Rodrigue et les Séchelles [sic] » soient cédées à la Grande-Bretagne. La France considère cette liste des îles appartenant à Maurice comme exhaustive, mais les Mauriciens, qui se réfèrent à la version anglaise du traité, considère que seuls deux exemples sont cités. Aux yeux de la petite république, Tromelin aurait donc dû être aux mains des Britanniques avant d’appartenir à Maurice à l’indépendance.

En 2010, un accord a été signé entre la France et l’île Maurice pour assurer une « cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l’île Tromelin et à ses espaces maritimes environnants ». Ce dernier a par exemple permis que des recherches archéologiques se fassent de manière conjointe pour étudier l’histoire de l’îlot.

L’accord, « un dangereux précédent » pour ses opposants

Bien que signé, l’accord ne peut pas entrer en vigueur sans accord de l’Assemblée nationale, qui rechigne à le valider. Déjà refusé en 2013, le texte devait être à nouveau débattu dans l’hémicycle le 18 janvier. La séance a finalement été reportée. Plusieurs députés sont dressés contre un projet de loi qui créerait « un dangereux précédent », selon le député centriste du Tarn Philippe Folliot (UDI).

L’opposition est avant tout symbolique. Le député centriste estime que cette cogestion pourrait servir « de fondement pour justifier, légitimer et accroître les revendications de Madagascar sur les îles Eparses, du Mexique sur la Passion Clipperton voire, à terme, de l’Afrique du Sud ou de l’Australie sur les Terres australes’ »

Le numéro deux du Front national, Florian Philippot, y ajoute un argument économique. M. Philippot, qui considère « indécente » et « inimaginable » l’idée de pouvoir partager la souveraineté française sur ses territoires d’outre-mer, ajoute qu’une telle ZEE est une « promesse [‘] énergétique, économique ». Le député européen évoque de possibles ressources énergétiques dans le sous-sol, qu’il ne veut visiblement pas partager avec l’île Maurice.

Lire la vidéo (Inrap) : « Les Esclaves oubliés de l’île de Tromelin » 

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