Que contient la directive européenne sur les travailleurs détachés ‘

Que contient la directive européenne sur les travailleurs détachés '

Le Monde
| 04.07.2016 à 18h36
Mis à jour le
04.07.2016 à 19h01
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Par Adrien Sénécat

Pour Manuel Valls, c’est « un dispositif européen qui fait des ravages majeurs, terribles, dans le monde des salariés, le monde ouvrier ». Le premier ministre a fustigé, dimanche 3 juillet sur TF1, la directive sur les travailleurs détachés, accusée d’engendrer un « dumping social ». Et de menacer de ne plus l’appliquer si la France n’obtient pas les aménagements qu’elle réclame. En quoi consiste ce dispositif si décrié au sommet de l’Etat français ‘

Qu’est-ce qu’un travailleur détaché ‘

La directive européenne concernant le détachement de travailleurs remonte à 1996 et est censée contribuer au développement du marché intérieur de l’Union européenne (UE) en facilitant la circulation de la main-d »uvre.

L’article 2 du texte définit le travailleur détaché comme « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un Etat membre autre que l’Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement ». Attention, donc, à ne pas confondre ces salariés avec les ressortissants d’un Etat membre qui s’installent durablement dans un autre pays et y cherchent un emploi, sans être salarié d’une entreprise de leur pays d’origine au préalable.

Le texte prévoit trois cas de figure de travail « transnational » :

Un employé envoyé dans un autre pays dans le cadre d’« un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi et le destinataire de la prestation de services opérant dans cet Etat membre ».Un salarié détaché dans un autre pays « dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe ».Un travailleur intérimaire détaché à « une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité sur le territoire d’un Etat membre ».

Dans les trois cas, il est expliqué qu’une « relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement » doit subsister.

Que prévoit la directive pour ces salariés ‘

Les conditions de travail de ces salariés doivent respecter la législation du pays dans lequel ils sont détachés. C’est notamment le cas pour le salaire minimal, mais aussi pour la durée minimale des congés payés, les périodes maximales de travail, les conditions de sécurité, etc.

En revanche, une entreprise qui détache une personne continue de payer les cotisations sociales dans le pays où celui-ci est employé habituellement. Concrètement, cela veut dire qu’une entreprise polonaise qui envoie temporairement des salariés en France dans le cadre d’un contrat doit les payer au salaire français, mais s’acquitte des cotisations sociales polonaises.

Pourquoi cette directive est-elle critiquée ‘

La France est l’un des pays les plus concernés par le travail détaché au sein de l’Union européenne. Plus de 285 000 salariés y ont été déclarés à ce titre en 2015 (+ 25 % par rapport à 2014), selon le ministère du travail. Ils viennent principalement de Pologne (48 800 salariés), du Portugal (44 400), d’Espagne (35 200) et de Roumanie (30 600).

Le développement de cette pratique sur les vingt dernières années fait que la directive sur les travailleurs détachés est régulièrement accusée de dumping social, contre lequel elle est censée donner un cadre. Un rapport parlementaire de mai 2013 s’inquiétait des différents types de fraude à la loi :

la non-déclaration des salariés ;le contournement des règles en vigueur (non-respect du salaire minimal, de la durée légale du travail’) ;l’apparition de montages pour contourner l’esprit de la loi, par exemple avec des entreprises « coquilles vides » ou « boîte aux lettres », qui n’exercent aucune activité réelle dans le pays d’origine, mais « détachent » des salariés à l’étranger.

Au-delà des cas de fraude en eux-mêmes, l’accusation de « dumping social » tient aussi aux conditions mêmes fixées par la directive. L’écart entre le niveau de cotisations sociales en France (autour de 45 %) et celui de pays comme la Roumanie (13 %) et la Slovénie (21 %) est tel que Manuel Valls estime aujourd’hui que la règle doit être modifiée :

« Le gouvernement français cherche aujourd’hui à convaincre et beaucoup de pays sont d’accord avec lui qu’il faut changer, qu’il doit y avoir une égalité de traitement, par le haut, pour lutter contre le dumping social, qu’on doit payer les cotisations sociales les plus élevées. »

« Si on ne nous entend pas, il faudra dire que la France n’applique plus cette directive », menace le premier ministre. Cette position est en revanche loin de faire l’unanimité pour l’heure. En mai dernier, onze pays membres de l’UE, principalement de l’Est, ont protesté contre un projet de directive pour durcir le cadre des détachements.

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