Quand le député Jean Lassalle vient soutenir Nuit debout devant l’Assemblée nationale

Quand le député Jean Lassalle vient soutenir Nuit debout devant l'Assemblée nationale

Comme une vague, ils déferlent sur le bitume mouillé de la place de la Concorde. « C’est pas au patronat de faire sa loi, la vraie démocratie, elle est ici » s’époumonent ces jeunes habitués de Nuit debout, le mouvement d’occupation de la place de la République. Il est 18 heures pétantes. Ce mardi 10 mai pluvieux, ils ont décidé de délocaliser exceptionnellement le rassemblement devant l’Assemblée nationale, afin de dénoncer le recours de l’exécutif à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la loi travail. « Hier soir, déjà il y avait quelques personnes. Aujourd’hui, on a commencé à parler d’un appel à se rassembler vers 11 heures, quand on a su que l’article 49.3 allait être utilisé », raconte Théo, 23 ans, un habitué de République qui souhaite « faire la révolution ».

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Ils sont plusieurs centaines 500 selon la police’ à avoir répondu à l’appel de Nuit debout sur les réseaux sociaux. Parmi eux, des militants de la CGT, de SUD, du Parti communiste, du Parti de gauche, du NPA, mais aussi de simples citoyens opposés à la loi El Khomri. « Je ne suis jamais allé à République. Mais j’ai été sensible à la démarche : le peuple doit s’adresser directement aux députés pour empêcher cette très mauvaise loi pour les salariés », explique Julien, 37 ans, fonctionnaire, en observant le rassemblement un peu en retrait. Les manifestants savent que l’initiative n’a aucune chance de faire plier le gouvernement mais entendent maintenir l’exécutif sous pression, à l’instar de Julien, 30 ans, membre de la commission écologie de Nuit debout : « En étant là ce soir devant l’Assemblée, on montre que le peuple, c’est nous, qu’on est actifs et pas d’accord. Jeudi, il y aura un mouvement de grande ampleur pour faire tomber la loi travail. »

Absence de « casseurs »

Devant le Palais bourbon, les participants entonnent des chants hostiles au gouvernement et au 49.3. « Assemblée nationale, assemblée du capital » vire en tête du hit-parade de la soirée, devançant de peu « Tout le monde emmerde le 49.3 ». Dans le même temps, une vingtaine de personnes bloque la circulation à l’entrée du pont de la Concorde, en s’accroupissant en file indienne. « Sans haine et sans violence », clament ces militants devant les CRS. Beaucoup constatent parfois incrédules’ l’absence totale de « casseurs », parmi les participants au rassemblement. « Ils n’ont sûrement pas eu le temps de s’organiser. Mais jeudi, ils seront là, ils ont déjà leur billet de train », imagine Sylvain, un photographe, habitué des mouvements sociaux.

Même si l’ambiance est relativement sereine, les policiers n’hésitent pas à gazer les manifestants qui s’approchent trop de l’Assemblée. Ce qui exaspère Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche : « Utiliser les gaz lacrymo quand il y a une bonne ambiance, c’est lamentable. »

La conseillère de Paris est une des rares responsables politiques à voir faire le déplacement, en compagnie du conseiller régional Eric Coquerel ou de Martine Billard, une ancienne députée du Parti de gauche. Olivier Besancenot est lui aussi présent, encapuchonné, en anorak bleu. Mais pas un parlementaire en exercice à l’horizon. « Ils sont juste à côté, il faut qu’ils descendent ! », râle un militant communiste en constatant l’absence de députés de son parti parmi les manifestants. Selon plusieurs participants, seul André Chassaigne, le président des députés Front de gauche, serait passé pour saluer les militants. Danielle Simonnet en remet une couche : « Moi, je considère que ma place en tant qu’élue est ici, aux côtés du peuple. Après, chacun fait son examen de conscience. Demandez aux communistes pourquoi ils ne sont pas là. »

« Ces jeunes ont raison »

Vers 20 heures, une rumeur parcourt la foule : un parlementaire est là, parmi les manifestants. Il s’agit de Jean Lassalle, récent démissionnaire du Modem de François Bayrou et candidat à l’élection présidentielle de 2017.

Sous le regard interloqué des CRS, le député en costume cravate discute avec quelques jeunes en colère. Il en prend même certains dans ses bras. Le député des Pyrénées-Atlantiques a beau avoir voté pour Nicolas Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle en 2012, il se sent aujourd’hui en phase avec les manifestants : « Je soutiens Nuit debout de tout mon c’ur. Je vais d’ailleurs à République presque tous les soirs. Ces jeunes ont raison, la finance a pris trop de place dans notre société. La loi travail est une loi au service du monde de l’argent. »

Comme la plupart de ces jeunes manifestants, le député souhaite-t-il faire la révolution ‘ « Je suis pour une transition pacifique, mais le régime doit changer. C’est pour cela que je voterai la motion de censure. Et je suis favorable à une dissolution, il est aujourd’hui trop tard pour le président Hollande. »

Quelques accolades plus tard, Jean Lassalle doit repartir, on l’attend à l’Assemblée. Une jeune femme s’agrippe à lui : « Ne partez pas ! Quand vous êtes là, la police n’ose pas nous gazer », lance-t-elle. Le député promet de revenir. Un autre manifestant s’approche et lui demande de rapporter de l’alcool. Le candidat à l’élection présidentielle fouille dans sa poche et en ressort quelques pièces : « Voilà quatre euros pour toi. » Puis il repart pour l’Assemblée, cette fois pour de bon. Certains « Nuit debout » sont conquis. « Il est peut-être centriste mais au moins il a le courage de venir nous voir. », affirme un jeune homme en tête de cortège. Quand un de ses amis lui fait remarquer que Jean Lassalle est candidat à l’élection présidentielle, son visage se ferme. « Ah oui d’accord, il est venu pour nous récupérer. Mais ça reste courageux de sa part. »

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