Procès de Fabienne Kabou , la cour d’assises délibère la question de la maladie de l’accusée demeure

Procès de Fabienne Kabou , la cour d'assises délibère la question de la maladie de l'accusée demeure

C’était peut-être la première fois qu’elle pleurait autant, depuis le début de son procès. Mais que sont vraiment ces larmes Certains, ici, ne veulent rien y voir d’autre qu’une femme qui pleure sur elle-même, d’autres écoutent la médecine pour tenter de comprendre autre chose’

Quand Luc Frémiot, au beau milieu de son réquisitoire, s’adresse à Fabienne Kabou, « derrière sa paroi de verre », il ne supporte pas qu’elle garde la tête baissée. « Regardez-moi, je vous parle », lui lance-t-il. Ce n’est qu’un début. Il lui reproche son mépris. Sa froideur, son indifférence. « Vous nous lancez des mots comme on lance une poignée de gravier à la figure », dit-il. Mais dans le genre, il sait y faire.

Dénonçant ses « postures de reine affectée », il va chercher l’accusée jusqu’au fond de son box. « Ce n’est pas parce que vous avez un QI de 135 et que vous êtes belle que nous ne vous poserons pas les questions qui font mal’ » Du haut de son promontoire de bois, il fustige son « masque d’indifférence », son « détachement », son « cynisme » et dans un rictus tordu, il lui envoie : « C’est une souffrance de vous écouter. »

Un précédent à Lille en 2013

Historique, le cas de Fabienne Kabou Pas du tout. Luc Frémiot n’a pas eu à chercher bien loin dans sa mémoire pour trouver trace de l’histoire d’une mère qui a noyé son enfant. C’était à Lille, dans la Deûle, au mois d’août 2013, soit trois mois avant le drame de la plage de Berck. L’enfant ne s’appelait pas Adélaïde, mais Mandolina et Luc Frémiot n’hésite pas à rappeler, dans un silence abyssal, ses derniers mots à sa mère : « Pas l’eau, maman. Pas l’eau’ » C’est dur. On entendrait presque Adélaïde, à cet instant.

« Comment avez-vous pu lui lâcher la main », demande-t-il. C’est bien la question. Mais le propre de Luc Frémiot est de ne pas s’encombrer de l’avis des sachants : « Je m’en moque, moi des psychiatres ! » On n’a aucun mal à le croire, quand on a vu ses regards impatients, quand on a entendu ses réflexions méprisantes aux exposés des deux médecins qui sont venus, ici, donne leur expertise parce qu’on leur a demandé. Parce qu’elle est reconnue. Respectée. « Mais ce n’est pas à nous d’arbitrer la guéguerre entre différents courants de pensée psychiatriques », suggère-t-il aux jurés, comme pour les rassurer. De guéguerre, il n’y eut pourtant pas tant que cela : tous les psychiatres consultés ici ont unanimement conclu à l’altération du discernement de Fabienne Kabou, au moment de son acte.

Luc Frémiot ne veut pas entendre parler d’altération. Il veut une condamnation, lourde, débarrassée de toute considération médicale, dans un dossier où quelques-uns des plus éminents spécialistes de ce pays certifient que cette femme souffre d’une pathologie mentale. Un délire paranoïaque chronique. «Il m’arrive d’avoir des doutes, mais ici, je n’en ai aucun », a dit le docteur Zagury. Luc Frémiot n’y a vu que « la vanité d’un homme qui veut entrer dans l’histoire ». C’est vrai : c’est plus simple ainsi.

Itinéraire tordu

« On vous demande de falsifier le dossier en en faisant une tueuse froide, s’est alors indignée Fabienne Roy-Nansion. C’est inacceptable. » L’avocate de Fabienne Kabou a fait le portrait douloureux de sa cliente. Elle a repris son itinéraire tordu. « L’histoire d’une descente aux enfers », qu’elle fait commencer à son arrivée en France, en 1995. « Avant, au Sénégal, elle était cadrée. La France, c’est une fête foraine permanente. »

Les échecs à l’université, la brouille avec son père adoré, la rencontre de Michel Lafon, qui a trente et un ans de plus qu’elle. « Oh, ce n’est pas le coup de foudre, c’est vrai. Mais cet homme, elle l’a aimé petit à petit. » Sa grossesse « Un acte manqué. » Sa vie Une souffrance. Alors, petit à petit, « elle se néantise ». Se coupe de toute vie sociale. Entend gronder les murs, la musique se mettre en route toute seule. « Le pire de mes cauchemars n’a jamais été à la hauteur des cauchemars quotidiens de Fabienne », assure son avocate.

Et elle vient alors à la question cruciale, à son tour. « Pourquoi Adélaïde est-elle morte Parce que sa mère est folle. Parce qu’elle n’a pas eu de chance, cette enfant. C’est l’injustice devant la naissance. »

L’avocate l’assure : « Pendant nos entretiens, depuis deux ans et demi que je l’accompagne, Fabienne n’a cessé de répéter que la question qu’elle se pose est : « Pourquoi, moi, je suis revenue vivante de Berck » Vivante, oui, mais dans quelles proportions .. »

Me Roy-Nansion est en colère : «Qui sommes-nous pour penser que nous savons mieux que les savants » Elle n’admet pas qu’on se moque des médecins, qui proposent d’aider à comprendre. Qui proposent de soigner. « Vous avez requis dix-huit ans de réclusion, M. l’avocat général Mais cette femme a d’abord besoin d’être soignée. Et en maison d’arrêt, elle ne l’est pas. La condamner à dix-huit ans de réclusion criminelle, c’est la condamner à la folie. Et pensez-vous que cela nous ramènera Adélaïde .. »

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