Pragmatique et conservateur l’Italien Antonio Tajani élu président du Parlement européen

Pragmatique et conservateur l'Italien Antonio Tajani élu président du Parlement européen

Elu grâce à une fragile alliance avec les libéraux, conservateurs et réformistes européens, l’Italien remplace le social-démocrate Martin Schulz.

A l’issue d’une interminable journée de votes et de tractations, mardi 17 janvier, c’est finalement l’Italien Antonio Tajani, 63 ans, qui a été élu président du Parlement européen, avec 351 voix sur 713 suffrages exprimés (contre 282 à son adversaire et 80 blancs ou nuls). Elu pour deux ans et demi, il remplace immédiatement le charismatique Martin Schulz, qui a renoncé à un troisième mandat pour tenter sa chance sur la scène politique allemande.

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Membre du conservateur Parti populaire européen (PPE), le premier parti de l’hémicycle, M. Tajani devient un des nouveaux « visages » de l’Union, à la tête d’une institution censée incarner la démocratie européenne. Sera-t-il à la hauteur alors qu’elle vit des moments inédits, brutalement prise à parti par Donald Trump et menacée par les populistes ‘

Ancien journaliste et officier de l’armée de l’air, ce politique affable et polyglotte maîtrise incontestablement la « machine » communautaire : il a été élu pour la première fois à Strasbourg en 1994, et fut désigné commissaire européen au transport puis à l’industrie sous les mandats Barroso 1 et 2 (de 2008 à 2014).

Mais il est surtout connu pour avoir été porte-parole de Forza Italia et de Silvio Berlusconi, dans les années 1990.

« A la tête du Parlement européen, je mettrais les vingt ans de mon expérience de la vie politique européenne à votre service. »

Une bataille inédite

Son élection laissait pourtant un goût amer, même dans son camp, mardi soir. De fait, en raison de son profil peu consensuel (une bonne partie des socialistes, des Verts et de la gauche radicale ont refusé de soutenir un proche de l’ex-président du conseil italien), M. Tajani n’a été élu que grâce à une fragile alliance de circonstance : avec les voix des libéraux, menés par le belge Guy Verhofstadt, qui était pourtant prêt une semaine plus tôt à s’allier avec les europhobes du mouvement cinq étoiles ; et celles des conservateurs et réformistes européens, regroupant des Tories britanniques sur le départ pour cause de Brexit et les conservateurs réactionnaires polonais de Droit et Justice (PiS).

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Scrutin serré pour présider le Parlement européen

En l’absence d’accord avec les sociaux-démocrates, deuxième force du Parlement, l’hémicycle risque la paralysie politique. Les conservateurs avaient pourtant multiplié les tentatives ces dernières semaines pour convaincre Gianni Pittella, le chef de file des socialistes à Strasbourg, de retirer sa candidature. Mais cet autre Italien, principal adversaire de Tajani pour la présidence, ne voulait plus de la « grande coalition » avec les conservateurs telle que l’avait orchestrée son collègue, le socialiste allemand Schulz.

M. Pittella a maintenu jusqu’au bout sa candidature avant d’être définitivement battu, au quatrième et dernier tour de scrutin, avec 70 voix d’écart par rapport à M. Tajani. Cette bataille entre gauche et droite est totalement inédite au Parlement européen, où jusqu’à présent les élections du président étaient toutes prénégociées.

Les socialistes voulaient faire passer un signal : plus question de s’aligner définitivement sur les positions des conservateurs, de dire oui sans débat ou presque au CETA, l’accord de libre-échange avec le Canada, de cautionner la poursuite des politiques d’austérité budgétaire, etc. « Il faut absolument repolitiser les débats, il n’y a rien de pire que les grandes coalitions pour tuer la social-démocratie », souligne le socialiste français Emmanuel Maurel.

M. Pittella a perdu son pari, il n’est pas parvenu à agréger toutes les « petits » groupes, Verts et extrême gauche de la GUE autour de son nom. Ni à convaincre les libéraux, qu’il a lui aussi beaucoup sollicités.

Un avenir incertain

M. Tajani saura-t-il recoller les morceaux ‘ Le politique n’a pas la réputation d’être un homme de clivages, on lui connaît peu de vrais ennemis. « Il leur faudra du temps, mais ils reviendront à la raison », estimait une source conservatrice, mardi, à propos des socialistes. « Il n’y aura pas de reconstitution de la grande coalition’, on va devoir négocier chaque texte législatif », prédit en revanche une source dans l’entourage de M. Pittella.

Plus important : la voix du nouveau président portera t-elle suffisamment en Europe et au-delà ‘ M. Schulz a su faire exister le Parlement, lui donner davantage de pouvoir institutionnel. Mais l’Italien ‘ On le dit pragmatique mais pas visionnaire. Avec un Jean-Claude Juncker affaibli à la tête de la commission, le polonais Donald Tusk, président du Conseil (la réunion des pays membres), fragilisé par l’hostilité de Varsovie à son égard, les « figures » de l’Union font pâle figure face à Donald Trump.

Antonio Tajani en faveur du maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg

Questionné sur le maintien du siège de l’institution à Strasbourg, Antonio Tajani a balayé tous les doutes possibles sur ses intentions de déménagement. « En ce qui concerne le siège de Strasbourg, il y a un traité, il y a la Cour de justice qui a dit ce qu’il faut faire, donc il faut respecter les règles. Moi, je respecterai toujours les règles des traités », a-t-il dit, partageant l’opinion de son prédécesseur Martin Schulz.

La bataille du siège du Parlement européen est un serpent de mer. Selon les traités européens, le Parlement a son siège à Strasbourg, où doivent se tenir douze sessions plénières par an.

Les partisans d’un siège unique à Bruxelles, qui dénoncent inlassablement le coût financier et écologique de cette transhumance permanente et le fait que l’immense bâtiment strasbourgeois n’est utilisé que quatre jours par mois, se heurtent depuis des années à la nécessité de modifier les traités, ce qui suppose l’unanimité des 28 Etats membres. Au nom du respect de ces traités, la Cour de justice de Luxembourg a d’ailleurs rejeté à la fin de 2012 une initiative des anti-Strasbourg qui visait à réduire le nombre de sessions annuelles dans la capitale alsacienne.

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