Pourquoi le tennis en fauteuil français est-il le plus compétitif au monde ‘

Pourquoi le tennis en fauteuil français est-il le plus compétitif au monde '

Le tennis fauteuil Français masculin se porte bien. Si l’on se réfère au classement mondial, il est même le plus compétitif au monde. La France dispose en effet de deux représentants dans le top 5 et de sept joueurs dans le top 50, soit le meilleur contingent national. En double, la réussite française est encore plus significative : ils sont quatre dans le top 10 et huit dans le top 50. La preuve ‘ Parmi les quatre Français engagés à Rio, Stéphane Houdet, 45 ans et actuel n° 1 mondial en simple et en double et Nicolas Peifer (n° 4 en simple et n° 3 en double) visent une médaille d’or en double.

Même le Japonais Shingo Kunieda, le Roger Federer du tennis fauteuil (20 titres du Grand Chelem en simple et 19 en double), immense star en son pays, ne peut pas en dire autant (six Japonais dans le top 50 en simple et sept en double). Depuis cinq ans, les Bleus ont remporté quatre fois la coupe du monde par équipe, l’équivalent de la Coupe Davis. La France est championne du monde de tennis en fauteuil.

L’encadrement financier

Comment expliquer cette réussite française ‘ La popularité du tennis, deuxième sport le plus pratiqué en France et la qualité de la formation française participent à la densité de champions handisport. « Le tennis français valide est en pleine forme, il ne faut pas l’oublier. Il y a beaucoup de Français dans le top 100 », note Christian Dupuy, l’entraîneur du porte-drapeau français Michaël Jeremiasz (n° 4 mondial en double, n° 16 en simple) au TC 12 Bercy.

Entre l’entretien et l’achat du matériel, les frais de déplacement, les dépenses pendant les tournois, il estime que le coût d’une saison varie entre 80 000 ‘ et 100 000 ‘. Une somme qui n’est pas à la portée de tous les joueurs.

Pourtant, l’Espagne qui place onze joueurs dans le top 100 du tennis valide, soit autant de représentants que la France, n’a pas le même succès en tennis en fauteuil (3 joueurs dans le top 50 en simple, 2 en double).

« D’autres pays ont peut-être de très bons joueurs, mais c’est un budget pour les faire émerger », affirme Hervé Bouchard, agent de Nicolas Peifer qui l’accompagne sur tous les tournois. Entre l’entretien et l’achat du matériel, les frais de déplacement, les dépenses pendant les tournois, il estime que le coût d’une saison varie entre 80 000 ‘ et 100 000 ‘. Une somme qui n’est pas à la portée de tous les joueurs.

Comme ses aînés Stéphane Houdet et Michaël Jeremiasz, Nicolas Peifer a la chance d’être salarié du ministère de la défense. En plus, les meilleurs champions français peuvent compter sur l’aide de leur fédération gestionnaire, la Fédération française handisport (FFH) et sur celle de la Fédération française de tennis (FFT).

Les deux organismes ont signé une convention de collaboration en 2011 afin de « faire briller le tennis français aux Jeux paralympiques de Londres 2012 ». Trois joueurs, Stéphane Houdet, Mickaël Jeremiasz et Nicolas Peifer bénéficient d’une aide financière de la FFT pour se préparer dans les meilleures conditions.

« On est vraiment une fédération très forte, affirme Christian Dupuy. Michaël [Jeremiasz] bénéficie de la richesse de la FFT, du tennis français. »

« Occuper l’espace »

Avant de partir pour les Jeux paralympiques, Michaël Jeremiasz s’entraînait encore il y a quelques semaines au Centre national d’entraînement (CNE) de la FFT, où sont formés les meilleurs espoirs du tennis valide. Il a bénéficié de tout l’encadrement des professionnels de haut niveau français. « Ils sont très bien pris en charge d’un point de vue physique », ajoute Christian Dupuy. Xavier Moreau, le préparateur physique de l’équipe de France de Coupe Davis et de Jo-Wilfried Tsonga s’est notamment occupé de son protégé.

Plus globalement, la bonne implantation de la FFT dans tout le pays participe naturellement au développement du tennis en fauteuil, selon Stéphane Goudou, directeur sportif du tennis handisport : « N’importe quel enseignant de tennis peut enseigner le tennis fauteuil et la FFT a construit des courts partout en France qui permettent de s’entraîner au quotidien. »

Malgré les quelques variantes techniques avec le tennis valide, notamment la plus grande importance des effets et du premier service dans l’échange, les entraîneurs des meilleurs Français sont au départ des entraîneurs fédéraux. « C’est exactement la même chose, tactiquement il faut occuper l’espace », justifie Christian Dupuy. Depuis un an et demi, Hervé Karcher encadre chaque matin Nicolas Peifer pour trois heures d’entraînement matinal au TC Sarreguemines. Il a justement été contacté par son joueur pour ses compétences tennistiques : « J’avais un il nouveau puisque je venais du valide. » Si les déplacements en fauteuil roulant nécessitent un apprentissage spécifique, les entraîneurs ne s’attardent pas sur cette question. « Un entraîneur a besoin d’expliquer les déplacements pour les débutants mais pas pour Nicolas. Il ne lui apprend rien là-dessus. C’est plus sur la régularité, l’agressivité, la stratégie et la constance », explique son agent.

« Des joueurs hors norme »

Le tennis en fauteuil français tirerait aussi sa force du nombre de compétitions organisées dans l’Hexagone. « On a une quinzaine de tournois en France. Ça permet de se confronter facilement sans partir à l’étranger », analyse Stéphane Goudou. Il ne manquait plus au tennis en fauteuil tricolore qu’une vitrine médiatique digne de ce nom. En quelques années, la discipline a obtenu l’oreille des journalistes, notamment grâce à l’organisation d’un tournoi à Roland-Garros, le dernier des quatre Grand Chelem à se convertir au tennis en fauteuil. C’est d’ailleurs à Paris que les sportifs sont les mieux traités. Le tableau se déroule en même temps que les rencontres du prestigieux tournoi et les joueurs ont le droit au même traitement que Rafael Nadal et consorts. Seuls diffèrent les gains et le nombre de spectateurs en tribune.

Une différence majeure. « Ce que touchera un joueur handi après avoir gagné un Grand Chelem reste minime, de 9 000 à 35 000 ‘. Et les Grands Chelems sont réservés au huit meilleurs mondiaux », affirme Hervé Bouchard, l’agent de Nicolas Peifer. Pour rentrer tout juste dans ses frais il faut donc déjà être dans le gotha français. Parmi les heureux élus, son joueur s’en sort bien. Nicolas Peifer a commencé le tennis fauteuil à 11 ans et a vite atteint le très haut niveau avec une place de n° 1 chez les juniors.

Aujourd’hui âgé de 25 ans, il est soutenu par sa région, sa ville, son club, en plus de ses sponsors. Mais les places à prendre sont peu nombreuses et l’incroyable palmarès du tennis français est surtout porté par deux joueurs : Stéphane Houdet et Michaël Jeremiasz.

« Ce sont des joueurs qui étaient très bons avant leur accident », explique Christian Dupuy. Stéphane Houdet a en effet été champion des pays de la Loire junior et a pratiqué le tennis valide de 7 à 24 ans avant son accident de moto. Michaël Jeremiasz avait également un excellent niveau avant sa chute à ski à l’âge de 18 ans.

« On a peut-être eu un petit peu de chance, répond Stéphane Goudou, directeur sportif du tennis handisport. Le niveau qu’ils avaient auparavant leur permet d’être à ce niveau aujourd’hui. » Hervé Karcher, l’entraîneur de Nicolas Peifer, la relève du tennis en fauteuil, approuve : « C’est quand même des individualités, des mecs hors norme avec une force de caractère. Il faut des qualités comme dans n’importe quel sport pour être au plus haut niveau. »

Michaël Jeremiasz n’oubliera pas ces Jeux paralympiques. Malgré son élimination en huitièmes de finale en simple et en double lundi 12 septembre, le Français a vécu ses derniers Jeux dans la peau d’un ambassadeur du tennis en fauteuil. Porte-drapeau de la délégation tricolore, il a écumé les plateaux de télé et les médias avant son départ pour Rio. Le sympathique Parisien à la barbe aussi fournie que son palmarès a offert au public une belle image de son sport. Il suscitera peut-être de nouvelles vocations afin de poursuivre les bonnes performances du tennis en fauteuil tricolore.

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