Passeport biologique , un premier Français menacé de suspension

Passeport biologique , un premier Français menacé de suspension

D’après les informations du « Monde », Riad Guerfi, spécialiste du demi-fond, a reçu un courrier lui indiquant que les données sanguines de son passeport biologique étaient anormales.

Voilà un « baptême » ­tricolore qui s’annonce peu glorieux. Le passeport biologique de l’athlète (PBA) est en passe de faire sa première victime française : Riad Guerfi, spécialiste du demi-fond et double champion de France du 10 000 mètres, dont les données hématologiques sont ­jugées anormales. Les trois experts indépendants travaillant avec la Fédération ­internationale d’athlétisme (IAAF), le Français Michel Audran, l’Italien Giuseppe D’Onofrio et l’Allemand Olaf Schumacher, n’ont pas trouvé d’autre explication que le ­dopage à l’heure de se prononcer sur ses variations sanguines.

Cet été,l’IAAF a informé le coureur par courrier de ces anomalies, a appris Le Monde de sources concordantes, le priant de fournir d’éventuelles clés de compréhension. L’athlète a la possibilité d’invoquer une pathologie, une maladie lors du prélèvement ou des ­variations d’altitude lors de ­stages. Mais vu l’aspect ­« caricatural », selon une source proche du dossier, de ses ­données sanguines, sa mission s’annonce mal embarquée. Riad Guerfi avait jusqu’au jeudi 13 octobre pour faire parvenir des explications. D’après nos informations, il ne l’a pas fait.

En l’absence d’éléments nouveaux apportés par le sportif, la procédure va entrer dans une nouvelle phase, celle des sanctions. La commission ­disciplinaire de la Fédération française d’athlétisme sera amenée à se saisir du dossier. Avec le risque d’une suspension pouvant atteindre jusqu’à quatre ans. En cas de contestation, le Conseil d’Etat pourrait être amené à statuer, la France ne reconnaissant pas le Tribunal arbitral du sport.

Outil de détection indirecte du dopage, puisqu’il n’y a pas besoin d’un contrôle positif pour confondre les tricheurs mais seulement de variations hématologiques anormales, le PBA a été mis en place en 2009 dans l’athlétisme, un an après le cyclisme. Depuis le premier cas révélé, celui du marathonien portugais Helder Ornelas, en 2012, environ 70 athlètes ont été pris dans les mailles du filet et sanctionnés. Parmi lesquels aucun Français, à ce jour.

Opérationnelle depuis le ­début de l’année 2014, la version hexagonale du PBA, rebaptisée « profil biologique », a été confiée à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). En janvier 2016, Le Monde ­a révélé qu’une quinzaine de profils de sportifs de haut ­niveau avaient été identifiés comme anormaux, sur la soixantaine établis par l’AFLD. Ces cas avaient été transmis par le conseiller de l’agence, ­Xavier Bigard, aux trois experts indépendants, qui avaient, à l’époque, demandé des informations complémentaires avant de statuer. Concernant le cas de Riad Guerfi, la suspicion n’a pas été levée. Elle s’est au contraire renforcée. Son dossier a ensuite été transmis par l’agence à l’IAAF.

Le droit français, souvent ­en retard dans la transposition du code mondial antidopage, empêche en effet l’AFLD ­d’instruire le cas de sportifs ne relevant pas de l’article L. 232-15 du code du sport. Son champ ­d’action est ainsi restreint aux sportifs professionnels ou ­inscrits sur les listes du haut ­niveau, ainsi qu’aux Espoirs et sportifs récemment suspendus pour ­dopage. Riad Guerfi n’a été inscrit sur ces listes que de ­novembre 2013 à octobre 2014, malgré ses performances.

« Seconds couteaux »

En 2017, l’AFLD devrait pouvoir sanctionner n’importe quel sportif licencié présentant un passeport biologique anormal : alerté par l’Agence mondiale ­antidopage, le ministère des sports tente de modifier la législation en ce sens. Ce sera le cas en février 2017 au plus tard, ­explique le ministère, via une proposition de loi qui vient d’être déposée au Sénat. Ou dès novembre, si l’amendement ­introduit dans un texte sur la simplification administrative n’est pas supprimé par les sénateurs. En attendant cette mise en conformité avec le code mondial, c’est donc l’IAAF qui a instruit le dossier visant Riad Guerfi.

Double champion de France du 10 000 mètres, en 2013 et 2015, le Français ne s’est pas qualifié pour les Jeux olympiques de Rio. Agé de 28 ans, il compte cinq sélections en équipe de France senior, après avoir aligné des performances prometteuses dans les catégories de jeunes, notamment en juniors. Régulièrement, il partait se préparer à Ifrane, une station d’altitude marocaine très prisée. Contacté au début du mois de septembre,alors que la procédure le visant était enclenchée, le demi-fondeur assurait ne pas être au courant d’un quelconque courrier de l’IAAF : « Franchement, je vous promets, je n’ai rien reçu. » ­Depuis, il n’a pas pu être joint.

Selon les informations du Monde, il n’est pas le seul ­Français concerné par un profil ­biologique anormal ; un autre cas, légèrement moins avancé en termes de procédure, « est dans les tuyaux » de l’IAAF après un ­signalement par l’AFLD. Il ­concerne un athlète de second rang ayant déjà eu maille à partir avec la lutte antidopage.

Si ces « premières » françaises ont le mérite de montrer que le passeport biologique peut ­toujours être efficace, elles soulignent aussi en creux que ce sont surtout les « seconds couteaux » qui se font prendre. « Chez les sportifs de très haut niveau, ­désormais, je ne suis pas sûr que les résultats soient très probants », estime Michel Rieu, ancien conseiller scientifiquede l’AFLD. Parmi la quinzaine de profils anormaux observés par l’agence, fin 2015, figurait un athlète de premier plan, mais ses variations hématologiques n’étaient pas suffisamment caricaturales pour être sanctionnées.

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