Panama papers  , les affaires offshore d’Iskandar Safa le propriétaire de  Valeurs actuelles 

 Panama papers  , les affaires offshore d'Iskandar Safa le propriétaire de  Valeurs actuelles 

L’homme d’affaires français d’origine libanaise Iskandar Safa, propriétaire milliardaire du magazine Valeurs actuelles, aime être dans l’ombre des hommes de pouvoir. Au milieu des années 1980, alors qu’il tente de redresser une chaine hôtelière pour le compte de la famille royale saoudienne, il rencontre Jean-Charles Marchiani. Quand, en 1986, ce dernier devient conseiller du ministre de l’intérieur Charles Pasqua, M. Safa sert d’intermédiaire pour obtenir la libération des quatre otages français au Liban.

Puis, quelques années plus tard, entre 1988 et 1993, il est soupçonné d’avoir rendu un autre service à ses amis politiques, en hébergeant à titre gracieux l’association politique de Charles Pasqua, dans les bureaux d’une de ses holdings, Triacorp, dans le 8e arrondissement de Paris.

Les « Panama papers » en trois points
Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.

C’est à cette même époque, en 1992, qu’il sauve du naufrage les Chantiers mécaniques de Normandie (CMN), un chantier naval de Cherbourg spécialisé dans la construction de vedettes rapides à usage militaire. Il récolte de nombreux contrats grâce à ses réseaux au Moyen-Orient. En 2003, alors que les CMN sont à bout de souffle, Iskandar Safa signe un contrat de plusieurs centaines de millions de dollars avec les Emirats arabes unis, soutenu par les plus hautes sphères de l’Etat : Jacques Chirac, tout juste réélu, écrit en personne pour appuyer le projet…

Des yachts pour la famille royale d’Abou Dhabi

C’est probablement à ce moment-là que M. Safa tisse de robustes liens avec la famille royale d’Abou Dhabi. En 2007, il crée avec elle une holding spécialisée dans la construction de bateaux militaires et de yachts de luxe, Abu Dhabi MAR.

Il n’est dès lors pas incohérent de retrouver dans les « Panama papers » le nom d’Iskandar Safa associé à la gestion de deux sociétés offshore appartenant au cheikh Abdallah Ben Zayed Al Nahyane, frère du président des Emirats arabes unis et ministre des affaires étrangères.

La base de données de la firme panaméenne de domiciliation offshore Mossack Fonseca prouve que M. Safa a agi au nom du cheikh dans Marshdale SA et Mainsail Holdings Corp, toutes deux créées en janvier 2009. Dans la première, il a été investi du mandat d’ouvrir et de gérer les comptes bancaires de la société. Dans la seconde, il a reçu un pouvoir pour signer l’achat d’un yacht, l’Ecstasea une opération à 100 millions d’euros, selon une cour de justice britannique. En 2014, selon les documents consultés par Le Monde, le bateau a été revendu pour 53 millions d’euros à une autre société offshore, Antigoon Limited.

S’il n’y a là rien d’illégal, le cabinet Mossack Fonseca s’inquiète néanmoins du profil d’Iskandar Safa : en juin 2009, la procédure d’audit interne (« due diligence ») menée au siège panaméen de la firme fait remonter le fait que M. Safa est au c’ur d’une procédure judiciaire en France. Iskandar Safa est accusé d’avoir utilisé ses comptes bancaires pour verser des rétrocommissions prélevées sur la rançon qui aurait servi à libérer les otages français au Liban, en 1986. Le juge d’instruction chargé de l’affaire n’a pas encore, à ce moment-là, prononcé d’ordonnance de non-lieu général.

« Les cabinets tels que celui-ci ne font pas affaire avec des suspects ou des criminels »

La branche britannique de Mossack Fonseca, qui doit justifier la décision de conserver ce client, répond que « ces allégations sont infondées […] de quelque façon substantielle que ce soit ». Elle explique par ailleurs que ce client « vient d’un de nos intermédiaires, une grand firme d’avocats Howard Kennedy et que les associés ont transmis une lettre de recommandation pour cet individu ». Or, selon Mossack Fonseca UK, « les cabinets d’avocats tels que celui-ci au Royaume-Uni ne font pas affaire avec des suspects ou des criminels ». Et d’enfoncer le clou en invoquant la présomption d’innocence. Elle obtient gain de cause au plus haut niveau de la société : Jürgen Mossack, l’un des deux fondateurs, avalise en personne le maintien de M. Safa parmi les clients de la société.

De l’exploration du gaz en Pologne

Mais les « Panama papers » en apprennent davantage sur Iskandar Safa. Il est aussi présent en tant qu’actionnaire et bénéficiaire d’au moins deux sociétés offshore aux îles Vierges britanniques, en son nom propre ou via sa holding libanaise Privinvest.

En 2013, le cabinet Howard Kennedy demande qu’une de ses coquilles vides domiciliées aux îles Vierges britanniques change de nom : Sunflight Holdings Limited doit désormais s’appeller Palomar Holdings Limited. L’année suivante, la société 41 Eaton Mews North Ltd est rebaptisée Palomar Energy Holdings Limited. Le tout pour le compte de leur bon client M. Safa, qui traite avec eux « depuis plus de vingt ans ». Ces deux sociétés vont servir au montage financier visant à acheter les droits d’exploitation sur des champs gaziers en Pologne.

En juillet 2014, Palomar Capital Advisors, une société suisse qui appartient au portefeuille d’investissements de Privinvest, achète en liquide et pour 20 millions de dollars le droit d’exploiter sept champs gaziers dans l’ouest de la Pologne. Ce droit se matérialise par des actions dans deux sociétés basées aux Antilles néerlandaises, détenues en majorité par Palomar Capital Advisors. Cette dernière transfère les parts à Palomar Holdings, qui à son tour les déplace vers Palomar Energy Holdings. Le bonneteau continue, Palomar Energy cédant ses parts à une société créée aux îles Vierges en janvier 2016, Palomar Natural Ressources Limited. Enfin, les actions finissent leur long voyage dans une autre société dénommée Palomar Natural Ressources SARL, au Luxembourg.

Contactées, aucune des multiples sociétés dénommées Palomar n’a souhaité faire de commentaires sur ce montage tortueux. L’avocat d’Iskandar Safa a, lui, répondu que son client « revendique sa liberté de choix » et qu’il « gère ses affaires en respectant la loi ».

La vente du Pelorus entre le fondateur de Dreamworks et la famille royale d’Abou Dhabi

Les « Panama papers » dévoilent parfois des rencontres inattendues. C’est ainsi que le même cheikh Abdullah Ben Zayed Al Nahyan lié en affaire à Iskandar Safa est aussi relié à… un célèbre producteur américain.

Après avoir vendu l’Ecstasea, le prince emirati cherche en effet un autre navire. Il rachète en 2011, via une enième structure offshore, le Pelorus. C’est un superyacht de 115 mètres de long, payé 214 millions de dollars à une structure offshore des îles Caïmans nommée Pelorus Maritime Ltd, propriété d’une société du Delaware, Barham Maritime LLC. Le bénéficiaire économique de cette dernière n’est autre que David Geffen, producteur multimilliardaire et l’un des trois fondateurs du studio Dreamworks SKG.

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