On a joué à’  Virginia  le jeu qui fait tout un cinéma

On a joué à'  Virginia  le jeu qui fait tout un cinéma

Nous sommes en 1992, dans l’Etat, sans grande surprise, de Virginie. On découvre Anne Tarver au moment où elle s’apprête à recevoir au cour d’une cérémonie très officielle son badge du FBI. Mais avant même de se voir confier sa première mission, les choses déraillent pour l’agent Tarver. En un flash, elle se retrouve au milieu d’une scène vide, avec pour seule compagnie un enregistreur audio d’où les parviennent les bruits d’une chambre d’hôpital. Un flash plus loin, elle se prépare à rentrer dans son appartement, où elle tombe nez à nez’ avec elle même. Tandis que derrière elle, une porte qui n’était pas là l’instant d’avant brille d’un rouge menaçant, comme entrouverte vers une autre dimension.

Un puzzle mental

L’ambiance est posée. Virginia, sorti ce 22 septembre sur PC, Xbox One et PS4, est la rencontre d’une ambiance à la Twin Peaks avec l’ambition narrative de Thirty Flights of Loving, jeu indépendant et expérimental qui, dès 2012, s’amusait avec les codes du film d’espionnage. Comme Thirty Flights of Loving, Virginia explose les règles les plus élémentaires de la narration de jeu vidéo, en proposant une aventure courte, sans temps mort ni réelle cinématique, mais en osant l’ellipse. Partout. Tout le temps. Un trajet en voiture, une volée de marches à monter Virginia nous en montre quelques secondes, avant de nous téléporter à destination, nous laissant, comme son héroïne, parfois un peu bouche-bée, interdit, tandis qu’on assemble mentalement un puzzle dont on n’aurait vu qu’une partie des pièces.

A des kilomètres de la tentation simulationniste du jeu vidéo qui aime tant tout montrer (quitte à confisquer le contrôle au joueur pendant les phases les plus complexes), Virginia assume de cacher des choses, pour mieux souligner l’importance de ce qu’il dévoile. C’est le vieux truc des vases communiquants : en privant le joueur d’une partie de son libre-arbitre, le studio Variable State se réapproprie sa capacité à faire de la mise en scène.

Brouiller la frontière

Et il faut le dire, Virginia est à ce titre brillant, riche d’un sens du détail impossible à reproduire, y compris dans des productions beaucoup plus ambitieuses. Parce qu’en montrant moins, Variable State peut se permettre de montrer mieux. La réussite est tout aussi esthétique, entre réalisme pastel et modélisation juste assez cartoon pour brouiller un peu plus la frontière entre rêve et réalité.

Cette semaine d’enquête aux côtés d’Anne Tarver et de sa collègue, la mystérieuse Maria Halperin, apparaît donc moins comme un jeu d’aventure que comme une sorte de trip, où réalité et hallucination s’emmêlent jusqu’à ce qu’on n’arrive plus à démêler le vrai du faux – c’est d’ailleurs là que réside le potentiel ludique de Virginia, jeu cérébral où les interactions sont limitées.

Etrange et déconcertant

L’audace de la mise en scène de Virginia est sa force et sa limite. Titre d’une beauté formelle inédite, on pourrait aussi bien y voir la preuve de la force du média que l’aveu que, pour aller concurrencer le cinéma sur ses terres, il faut renoncer à ce qui « fait jeu » : dépourvu de challenge, c’est vrai que Virginia est même avare en interactions. Il fait pourtant un usage particulièrement malin de la vue subjective, astuce de mise en scène typiquement vidéoludique.

Certains se demanderont quand même : est-ce encore du jeu vidéo Virginia vaut mieux que cette question. Il survole cette vieille interrogation pour mieux nous faire plonger dans l’univers impressionniste et mutique que ses créateurs espèrent, dans une lettre adressée aux joueurs au début de l’aventure, « étrange et déconcertant ». Bonne nouvelle : c’est réussi.

Lire aussi :
 

« Life is Strange », éloge de la lenteur

En bref

On a aimé :

L’ambiance inquiétante, angoissante, envoutante, surréalisteUn jeu qui nous embarque sans un motUne expérience qui changera probablement durablement la narration

On n’a pas aimé :

Les choux-fleurs à la cantineDie Hard 5La défaite de la France en finale de l’Euro

C’est plutôt pour vous si’

Vous n’avez pas peur de ne pas tout comprendreVous ne jurez que par le cinéma et les sériesVous êtes un développeur en panne d’inspiration à la recherche de la prochaine mode à copier

Ce n’est plutôt pas pour vous si’

Vous haïssez plus que tout l’originalitéIl ne vous reste plus que deux heures à vivre et que vous avez autre chose à faire, c’est bien normal, on ne saurait vous en vouloirDe toute façon, vous n’avez même pas 10 euros sur vous

La note de Pixels :

1,5 pins sur 2

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