Négociations au forceps pour une trêve en Syrie

Négociations au forceps pour une trêve en Syrie

Une trêve à Alep, où les combats font rage alors que les quartiers rebelles de la grande ville du nord de la Syrie sont à nouveau assiégés, est plus nécessaire que jamais. Un bombardement à l’arme chimique par des hélicoptères du régime, qui ont largué, selon l’opposition, des barils de chlore sur le quartier Sokari, le 6 septembre, intoxiquant quelque 70 personnes, vient encore en rappeler l’urgence. L’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dépendant des Nations unies, affirme prendre « très au sérieux ces accusations » alors même que, dans un rapport rendu public quinze jours plus tôt, les enquêteurs de l’ONU avaient affirmé avoir la quasi-certitude que le régime avait utilisé de telles armes au moins par deux fois dans la province d’Idlib, en claire violation de la résolution 2118 de 2013 sur le démantèlement de l’arsenal chimique du régime

La Turquie et l’Arabie saoudite évoquent un possible cessez-le-feu à Alep, pour les fêtes de l’Aïd qui débutent lundi. Ce pourrait être un premier pas. Mais un accord global reste la condition sine qua non à une reprise des discussions de paix de Genève, pour l’heure dans l’impasse. Russes et Américains le négocient depuis la mi-juillet, en même temps qu’une coordination de leurs opérations contre les groupes djihadistes (l’organisation Etat islamique et le Front Fatah Al-Cham, ex-Al-Nosra). Leurs positions se sont rapprochées mais de sérieuses divergences demeurent.

Moscou a annoncé une rencontre jeudi 8 et vendredi 9 septembre à Genève entre son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, et son homologue américain John Kerry. Les deux ministres se sont à nouveau longuement entretenus par téléphone dans la nuit. « Moscou et Washington ont un intérêt commun à annoncer un plan de paix avant l’assemblée générale des Nations unies qui commence la semaine prochaine », souligne un diplomate occidental.

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Pour conjurer le risque d’un compromis au rabais, le groupe dit des « affinitaires » réunissant des pays occidentaux dont les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, ainsi que la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, engagés aux côtés de l’opposition syrienne s’est réuni le 7 septembre à Londres « pour faire valoir une position commune » et afficher son soutien à l’opposition. Et rappeler les priorités pour une relance du processus politique : l’arrêt des combats, l’extension de l’aide humanitaire mais aussi l’arrêt des déplacements forcés de population. « Il est urgent de bloquer le nettoyage ethnique et confessionnel mené par le régime qui veut chasser le plus rapidement possible, des territoires qu’il contrôle, les populations qu’il ne peut totalement soumettre », affirme Bassma Kodmani, une des grandes voix de l’opposition.

« L’accord robuste », espéré notamment par Paris, est censé mettre fin aux bombardements des zones contrôlées par la rébellion avec une interdiction de vol pour l’aviation syrienne afin de concentrer les frappes sur les formations djihadistes. Les discussions butent à la fois sur la définition des groupes et sur la carte de leurs implantations. Un autre point crucial est la création d’un mécanisme de contrôle fiable afin d’éviter que cette cessation des hostilités se délite au bout de quelques semaines, comme celle négociée en février. « Cela veut dire : mettre la pression sur les Russes, mais la diplomatie américaine ne brille pas par sa fermeté et hésite même à utiliser comme levier l’emploi de l’arme chimique par le régime », soupire un diplomate occidental.

« Syrie unitaire »

Lors de la réunion de Londres, le Haut-Comité des négociations (HCN), la coordination de l’opposition qui a mené les négociations de Genève, a présenté son plan pour l’avenir de la Syrie, approuvé par un large spectre de groupes allant des islamistes à l’opposition libérale, et fixant les diverses étapes du processus de transition pour « une Syrie unitaire, civile et non confessionnelle ». Il propose notamment, après l’arrêt des combats, six mois de négociations en vue de la formation d’un organe constitué de représentants de l’opposition, de membres du gouvernement et de personnalités de la société civile, qui serait chargé d’administrer le pays jusqu’aux élections dix-huit mois plus tard.

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Dans les lignes majeures, il reprend les principaux éléments de la feuille de route déjà établie à l’automne 2015 par les grandes puissances. Mais il exige le départ immédiat de Bachar Al-Assad. « Il n’est pas question de garder Assad pendant six mois, ni même un mois ou un jour pendant cette période de transition », a martelé Riad Hijab, le principal coordinateur du HCN, clamant que « si les Russes et les Américains s’accordent sur quelque chose de très différent de ce à quoi les Syriens aspirent, nous ne l’accepterons pas ».

L’opposition est néanmoins de plus en plus affaiblie et nombre de ses soutiens occidentaux et arabes se résignent à composer, au moins provisoirement, avec un maintien d’Assad à Damas. Même s’ils affirment, comme Paris, « qu’il ne peut incarner l’avenir de son pays ».

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