Michel Lejoyeux ,  Il y a urgence permanente au changement 

Michel Lejoyeux ,  Il y a urgence permanente au changement 

Tout changement qui intervient dans nos existences n’est pas aussi fortuit qu’il y paraît, estime le psychiatre, qui explique à #AlloMarlène tout l’intérêt de l’anticiper.

Changement subi, consenti ou provoqué, quelle que soit sa nature, est-il nécessaire à nos quotidiens ‘ « Aucune vie ne se réalise sans mouvement », considère le professeur Michel Lejoyeux, psychiatre et professeur de psychiatrie à l’Université Paris Diderot et auteur notamment de Tout déprimé est un bien portant qui s’ignore (Ed. JC Lattès, 2016). Entretien pour #AlloMarlène.

Le changement est-il essentiel à nos existences ‘

Les changements sont vitaux aux plans psychologique et cérébral. Nous avons absolument besoin de nous adonner à des activités nouvelles, de croiser de nouvelles têtes, de renouvellements nécessaires dans un cadre ou dans un autre. Car, lorsqu’on répète un comportement, lorsqu’on revoit tout le temps les mêmes personnes, on ne va plus que travailler sur une petite population de neurones. Tout se passe comme si, au fond, on se ratatinait sur un petit bout de son cerveau !

Et quand on voit quelque chose qui nous surprend, qui change de nos activités habituelles, on réveille d’autres zones cérébrales, on les remet en action et du coup, on augmente nos capacités. Tout changement est tout à fait souhaitable car le changement est facteur de développements.

Et lorsqu’il est subi, est-il aussi bienfaiteur ‘

Aucune vie ne se réalise sans mouvement. S’il est impossible de se dérober aux événements qui viennent émailler nos existences (accidents, ruptures, pertes d’emploi, deuils’), il convient de s’y préparer, d’entretenir son aptitude au changement avant même d’être confrontés à ce qui peut advenir. On a en nous beaucoup plus de capacités que notre pessimisme ne nous le laisse croire.

Une fois que le changement imposé ou subi est là, d’une certaine manière, il faut avoir « musclé » ses capacités de résilience en amont pour justement mieux le tolérer. Il y a un style de vie, de penser, une relation à soi qui peuvent nous rendre plus offensif et résistant à ces épreuves obligatoires. La résilience s’entretient, comme on entretient sa résistance physique. On peut entretenir son corps au même titre que son esprit et son aptitude au changement.

Y a-t-il parfois urgence à changer ‘ Peut-on lui résister ‘

Il y a, à mon sens, urgence permanente au changement. C’est ceux qui ont l’impression qu’ils ne changent pas, ou n’ont pas à le faire, qui se trompent gravement et qui vont s’effondrer un jour ou l’autre. C’est ce que j’appelle le raisonnement en anisette : une infime goutte vient troubler l’eau de ma vie, et elle s’en retrouve complètement troublée !

Quelqu’un qui refuse le changement s’inscrit dans l’illusion de continuité. Ce sont par de petits changements, positifs et agréables, qu’on apprend le plaisir de changer. Toute personne réfractaire au changement ne s’y est forcément pas essayé. Il n’a rien d’un poison mortel.

Accepter le changement, c’est accepter d’aller mieux ‘

On est maître de notre changement. Il n’y a pas plus labile que le cerveau ou que notre patrimoine neurobiologique. On est dans un domaine où énormément de choses sont possibles.

Les grands changements ne sont d’ailleurs qu’une suite de petits changements. Ceux qui ont cette aptitude à remettre en question certaines certitudes, vont aller mieux et vont mieux résister aux traumatismes. Il faut faire confiance à son intuition, tolérer des expériences de vide et rechercher à doses homéopathiques des petits moments d’imprévus. Car, pour celui qui n’est que dans le raisonnement, l’anticipation et la planification, le moindre changement est perçu comme un effondrement des colonnes du temple !

Tout renversement ou transformation n’est donc pas fortuit ‘

Ce qui est très encourageant à savoir sur le changement, c’est que nous sommes beaucoup plus maître que nous ne le croyons de notre avenir. Inconsciemment, nous nous construisons notre destinée, avançait le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud. La psychologie moderne appuie la notion de prophétie autoréalisatrice (qu’on appelle aussi nexting). Ce qui est anticipé, notre cerveau commence à le vivre et nous y prépare inéluctablement.

A mon sens, le changement est moins souvent subi qu’anticipé. Selon le philosophe Alain, « le pessimiste est de nature, l’optimisme est de combat ». Par nature, nous détestons le changement, nous sommes organisés ainsi’ mais nous pouvons aussi mener un combat à la fois d’optimisme et de tolérance du changement.

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