Macron a choisi son moment pour quitter Bercy

Macron a choisi son moment pour quitter Bercy

C’est en navette fluviale qu’Emmanuel Macron a franchi le Rubicon. En début d’après-midi, le ministre de l’Économie quitte Bercy par la Seine pour aller présenter sa démission à François Hollande. La surprise n’est que dans la date. Le départ était attendu depuis les nombreuses bravades du trentenaire ces derniers mois. Il lançait son mouvement, En Marche, le 6 avril à Amiens. Puis il tenait un meeting le 12 juillet à Paris pendant lequel il critiquait presque explicitement le gouvernement actuel.

Éventée dans la matinée, l’histoire de la démission de Macron tient en haleine une petite partie des Français pendant toute la journée. Le ministre rencontre le président en début d’après-midi. Le chef de l’État publie ensuite un communiqué, annonçant le départ de son ancien protégé, «
pour se consacrer entièrement à son mouvement politique
».

Peu après 18 h, enfin, Macron prend la parole depuis le ministère. Il remercie Hollande «
de (lui) avoir fait confiance
» et reste «
convaincu que les Français (rendraient) justice à François Hollande d’avoir fait face à des difficultés exceptionnelles ». Mais rendre justice n’est pas voter. Car le bulletin Hollande ne semble pas celui que l’Amiénois veut glisser dans l’urne en avril prochain, plus porté par son propre destin. Depuis le lancement de son mouvement, il a cultivé l’art de dire sans le dire. Après avoir fait la promotion de son parti En Marche depuis le pupitre de Bercy, son allocution s’achève sur ces mots : «
Je suis déterminé à tout faire pour que nos valeurs, nos idées, notre action puissent transformer la France dès l’année prochaine.
» Au JT de TF1, il ajoutera : «
J’ai de l’ambition.
»

La position du démissionnaire n’est pas aisée à tenir pour qui a inspiré le programme économique du candidat Hollande puis sa politique, comme secrétaire général adjoint à l’Élysée puis comme ministre de l’Économie. Il dresse alors un bilan. Avec ses succès : «
En libérant de nombreux secteurs
», «
en redonnant à l’État la place qui doit être la sienne
» et cite son action pour Arc International. Avec ses échecs aussi : «
Certaines entreprises ont connu la faillite
» et il n’aurait pas su convaincre sur l’ampleur des transformations à engager. Mais surtout, «
j’ai touché du doigt les limites de notre système politique (‘) qui pousse à des compromis de dernière minute
», assure-t-il, déterminé à mettre les deux pieds dans le plat politique.

Les principales déclarations transgressives d’Emmanuel Macron qui lui ont valu maints rappels à l’ordre ou réactions hostiles :

« PAS SOCIALISTE ». En visite le 19 août à l’invitation de Philippe de Villiers au parc d’attractions du Puy du Fou, où jamais un ministre socialiste n’est venu, M. Macron répond aux journalistes : «
L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste. (‘) Mais quelle importance Quand vous êtes ministre, vous êtes ministre de la République et, donc, vous servez l’intérêt général.
»

« PROMESSES NON TENUES ». Le 12 juillet, lors du meeting de son mouvement En Marche ! à la Mutualité à Paris, Emmanuel Macron décrit un pays «
usé par les promesses non tenues
». «
J’ai constaté à quel point le système ne voulait pas changer
», déplore-t-il.

Le 14 juillet, François Hollande menace implicitement M. Macron de l’évincer s’il ne respecte pas «
deux règles
» : la «
solidarité
» gouvernementale et la nécessité de «
servir jusqu’au bout
» sans «
démarche personnelle et encore moins présidentielle
».

«
COSTARD
». Le 27 mai, pris à parti par deux militants de la CGT à Lunel (Hérault), le ministre s’emporte : «
Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler.
» Dix jours plus tard, il essuie des jets d »ufs alors qu’il vient célébrer les 80 ans du Front populaire à Montreuil.

«
ANCIEN TEMPS
». Le 28 septembre 2015, il assure à quelques journalistes qu’il ne veut «
pas être député en 2017
», estimant qu’accéder aux plus hautes fonctions par l’élection est «
un cursus d’un ancien temps
». «
Macron’ Comment vous dire Ras-le-bol ! ras-le-bol, voilà !
», s’était écrié quelques jours plus tôt Martine Aubry.

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