L’usine d’alumine de Gardanne continue de polluer le Parc marin des Calanques

L'usine d'alumine de Gardanne continue de polluer le Parc marin des Calanques

Six mois après avoir obtenu l’autorisation d’envoyer pendant six ans ses effluents dans la Méditerranée, le site industriel Alteo de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, est une fois de plus sur la sellette. Le 21 juin, le préfet de la région PACA lui a adressé un arrêté de mise en demeure lui donnant entre un et deux mois pour venir à bout de plusieurs anomalies dans ce qu’il rejette en mer sous forme liquide désormais. Car les résidus solides les fameuses boues rouges accumulées pendant des décennies au large de Cassis lui sont interdits depuis le 1er janvier.

En mars, les inspecteurs de l’environnement spécialistes des installations classées ont effectué une visite surprise à Gardanne. Leurs conclusions ont amené le préfet à réagir. Les enquêteurs ont détecté encore trop de matières en suspension, des dépassements des plafonds autorisés de mercure, de zinc et d’antimoine, un pH trop élevé, ainsi qu’une « demande biologique en oxygène » (la DBO5, qui permet d’évaluer la qualité de l’eau) non conforme.

Un nuage contenant de la soude

Or, un précédent arrêté préfectoral daté du 28 décembre 2015 accordait déjà à Alteo la possibilité de déroger aux valeurs limites réglementaires pour l’arsenic, l’aluminium et le fer notamment. L’entreprise, qui emploie 440 personnes et fabrique des alumines entrant dans la composition de céramiques industrielles, a manifestement du mal à respecter les normes.

Eric Duchenne, le directeur des opérations d’Alteo, argue qu’il s’agit de « dépassements mineurs et ponctuels », que d’autres taux celui du fer en particulier sont inférieurs aux plafonds fixés. Pour obtenir le droit de continuer à utiliser la canalisation qui débouche au c’ur du Parc national marin des Calanques, il avait été annoncé que l’acquisition de trois filtres-presses abaisserait les émissions en mer à 6 tonnes d’aluminium (au lieu de 64 tonnes précédemment), 83 kg de fer (contre 270 tonnes), 11 kg d’arsenic (contre 42 kg) et 20 mg de mercure (contre 80 g). « Tout le monde peut comprendre que ces technologies sont nouvelles, qu’il faut du temps pour le réglage, plaide Eric Duchenne. On va encore s’améliorer dans les petits détails, il faut noter les énormes progrès qu’on a faits en vingt ans. »

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Il en reste à accomplir : le problème de la dispersion des poussières de bauxite de Mange-Garri, la zone de stockage située à Bouc-Bel-Air, à côté de Gardanne, n’est pas résolu. De plus, le 9 mars, une fuite dans le processus de fabrication a entraîné la formation d’un nuage contenant de la soude caustique. L’incident s’est traduit par des dépôts blanchâtres bien visibles sur une quinzaine d’hectares autour de l’usine, donnant quelques sueurs froides à la préfecture.

« Une enquête sur la maintenance du site devrait être rendue publique ces jours-ci, indique la ministre de l’environnement, Ségolène Royal. L’étau se resserre. Alteo nous avait assuré qu’il était en mesure de maîtriser tout le processus, nous lui rappelons qu’il s’est engagé à déposer, d’ici à la fin septembre, une solution nouvelle pour réduire la pollution qu’il émet. »

« Il faut qu’il réfléchisse à la mutation du site »

La médiatisation de la situation a éveillé l’intérêt de plusieurs sociétés, qui ont proposé à Alteo leurs solutions de traitement physico-chimiques de ses eaux résiduelles. L’entreprise assure qu’elle va très bientôt expérimenter au moins deux procédés pilotes, une d’Air liquide, l’autre d’Extracthive. Pas sûr que cela contentera la ministre de l’environnement, pour qui « il faut qu’Alteo réfléchisse à la mutation du site ».

Jamais, au cours de sa longue histoire, le site de Gardanne, fondé il y a cent vingt ans par Pechiney, n’avait subi telle pression. Plusieurs associations ont déposé des recours à son encontre. Le 24 juin s’est tenu un comité de suivi avec les services de l’État. Le 1er juillet, c’était le tour du Comité de surveillance et d’information sur les rejets en mer. Cet organisme inédit, composé de scientifiques et de représentants d’associations, a été créé sur mesure pour apaiser riverains, défenseurs des calanques, écologistes et pêcheurs, au moment où Alteo a obtenu six années supplémentaires d’autorisation de rejets en mer.

« Avant, les boues rouges plongeaient dans la fosse de Cassidaigne », note Pierre Aplincourt, président de l’antenne de France nature environnement dans les Bouches-du-Rhône. Qui insiste : « Aujourd’hui, les effluents liquides se diffusent dans le milieu marin, cela nécessite un suivi, mais notre priorité, c’est d’abord un traitement supplémentaire des effluents. »

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