L’offensive de Donald Trump envers la communauté afro-américaine

L'offensive de Donald Trump envers la communauté afro-américaine

Selon un sondage Suffolk University/« USA Today », le candidat républicain à la présidentielle ne recueillerait que 4 % des voix des électeurs noirs (contre 92 % pour Hillary Clinton).

Le Monde
| 23.09.2016 à 14h36
Mis à jour le
23.09.2016 à 18h55
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Par Pierre Bouvier

Il y a eu ses réunions publiques à Detroit au début du mois, puis à Kenansville et à Cleveland cette semaine. Autant de pas de côté dans la campagne de Donald Trump. L’offensive du candidat républicain à la présidentielle américaine survient après une nouvelle série d’incidents mortels au cours desquels des Noirs ont été abattus par des policiers dans l’Oklahoma et en Caroline du Nord.

Cette approche s’inscrit dans une tentative de conquête d’un électorat qui ne lui est pas favorable. Le 1er septembre, un sondage Suffolk University/USA Today indiquait qu’il ne recueillerait que 4 % des voix des électeurs noirs (contre 92 % pour Hillary Clinton).

Le 4 septembre, Donald Trump s’est rendu à Detroit, accompagné de Ben Carson, qui était le seul candidat noir en course dans les primaires républicaines. Dans cette ville frappée par la désindustrialisation, il a promis un nouveau programme de droits civiques, des emplois et la construction d’écoles.

Stéréotypes et sous-entendus racistes

Le 20 septembre, M. Trump était à Kenansville, petite bourgade de Caroline du Nord, qui tire son nom de James Kenan, héros de la guerre d’indépendance, sénateur et’ propriétaire d’esclaves. Devant un public essentiellement blanc, il a lancé : « Il faut reconstruire le centre des villes, parce que les communautés noires sont dans une situation pire qu’auparavant, bien pire qu’elle ne l’a jamais été. » Il a ajouté que l’Afghanistan est parfois plus sûr que les centres-villes de certaines agglomérations.

Le 21 septembre, il a poursuivi sur ce thème au New Spirit Revival Center, une église de Cleveland Heights, dans la banlieue de Cleveland (Ohio). Mais son propos a été en partie éclipsé par l’intervention de Don King, qui s’est rallié à lui. Dans son intervention, l’ancien promoteur de combats de boxe a rappelé les stéréotypes et sous-entendus racistes utilisés aux Etats-Unis pour évoquer la communauté noire, devant un Donald Trump plutôt amusé.

A l’issue de cette réunion à Cleveland, le candidat a été interrogé sur les récents incidents entre la police et des Afro-Américains. A propos de la mort de Terence Crutcher, abattu, vendredi à Tulsa, dans l’Oklahoma, il a dit : « Il a fait tout ce qu’on attend de vous lors d’un contrôle de police. Il avait l’air de quelqu’un de très bien. Mais cette policière, j’ignore ce à quoi elle pensait, mais je suis très, très troublé. C’est terrible. »

Contrôles en l’absence de délit

Jeudi soir, à Philadelphie, M. Trump a mis en garde les manifestants de Charlotte (Caroline du Nord), qui protestent depuis trois jours à la suite de l’homicide d’un Afro-Américain par un policier : « Ces émeutes qui menacent les citoyens pacifiques doivent prendre fin maintenant. Les principales victimes de ces manifestations violentes sont les Afro-Américains qui respectent la loi, qui veulent éduquer leurs enfants dans la sécurité et la paix. »

Dans la soirée, invité de Sean Hannity sur Fox News [présentateur qui fait campagne en faveur du républicain], Donald Trump a changé de ton. Interrogé sur ses propositions pour « lutter contre la violence dans les quartiers noirs », le candidat républicain a soutenu la généralisation du « stop and frisk » (« arrêter et fouiller »). Une pratique policière qui permet des contrôles en l’absence de délit, largement décriée par la communauté noire.

M. Trump a assuré qu’elle avait produit des résultats dans la ville de New York, où elle a été généralisée par l’ancien maire Michael Bloomberg (en poste de 2002 à 2013). L’actuel édile, le démocrate Bill de Blasio, partisan de Hillary Clinton, critique cette pratique.

Une magistrate fédérale de New York l’a jugée en 2013 discriminatoire, la comparant à une forme de profilage racial. De fait, ce sont les Afro-Américains et les Hispaniques qui en ont le plus souvent fait les frais : entre 2004 et 2012, ils ont fait l’objet de plus de 80 % des contrôles, rapporte le New York Times, alors qu’ils ne représentent qu’un peu plus de la moitié de la population de la métropole.

Pour le candidat républicain, le « stop and frisk » pourrait au contraire avoir des effets positifs à Cleveland ou à Chicago, où la violence par armes à feu a fait plus de 500 morts depuis le début de l’année.

Propos parfois condescendants

L’intervention de Donald Trump sur Fox News risque d’avoir un effet contre-productif pour sa campagne. Depuis plusieurs semaines, M. Trump s’adresse aux Afro-Américains en se présentant comme un recours, mais avec des propos parfois condescendants. Ainsi, le 19 août, en campagne à Dimondale, dans la banlieue de Lansing, dans le Michigan il lançait :

« Aujourd’hui, je demande le vote de chaque Afro-Américain souhaitant voir sa situation s’améliorer. Qu’avez-vous à perdre à voter pour quelqu’un de nouveau, comme Trump ‘ Vous vivez dans la pauvreté, vos écoles ne sont pas terribles, vous n’avez pas de travail, 58 % de vos jeunes sont au chômage’ Franchement qu’est-ce que vous avez à perdre ‘ Après quatre ans, je vous assure que j’obtiendrai 95 % du vote des Afro-Américains. »

Le candidat avait essuyé de nouvelles critiques à la suite d’un meeting le 3 juin à Redding, en Californie. Apercevant un Afro-Américain présent dans la foule, il avait lancé à l’assistance : « Regardez mon Afro-Américain par ici, regardez-le ! » La porte-parole de campagne de Donald Trump avait expliqué que le candidat « s’adressait simplement à un supporteur dans la foule ».

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