L’industrie française de la défense profite de la hausse des dépenses militaires dans le monde

L'industrie française de la défense profite de la hausse des dépenses militaires dans le monde

Les exportations pourraient dépasser les 14 milliards d’euros en 2016. Avions, sous-marins, hélicoptères, les contrats ont été nombreux et plus divers qu’en 2015.

Le Monde
| 28.12.2016 à 06h32
Mis à jour le
28.12.2016 à 12h37
|

Par Dominique Gallois

Contraste dans la défense. Alors que l’état-major de l’armée tire la sonnette d’alarme sur son manque de moyens, les ventes d’armes françaises à l’étranger se sont rarement aussi bien portées. Les commandes devraient dépasser les 14 milliards d’euros en 2016, approchant le record des 16,9 milliards de 2015. La France, quatrième exportateur mondial après la Chine, la Russie et très loin derrière les Etats-Unis, double une nouvelle fois le montant habituel de ses ventes.

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Si ce sont les ventes d’avions Rafale au Qatar et en Egypte qui ont fait bondir les exportations de 2015, les grands contrats sont plus variés cette année. 2016 a été marquée par la concrétisation de la vente de 36 avions de combat de Dassault à l’Inde, mais également par « le contrat du siècle australien », attribué au groupe DCNS pour douze sous-marins.

Airbus a signé pour des hélicoptères de transport militaire Caracal à Singapour et au Koweït, l’émirat acquérant également trois cents véhicules Sherpa auprès de Renault Trucks Defense. L’Egypte, de son côté, a opté pour un satellite de télécommunication d’Airbus et Thales Alenia Space.

Europe de l’Est, Asie et Moyen-Orient se réarment

Ces commandes ont été engrangées dans un monde où les dépenses militaires sont reparties à la hausse depuis deux ans, en raison notamment de la guerre menée contre l’organisation Etat islamique, du conflit entre la Russie et l’Ukraine mais aussi en réaction aux tensions en mer de Chine et à la menace nucléaire nord-coréenne.

L’Europe de l’Est, l’Asie et le Moyen-Orient se réarment, tandis que la diminution des dépenses militaires en Occident ralentit. La tendance devrait se poursuivre en 2017 Donald Trump veut notamment renforcer les moyens militaires américains.

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Depuis plusieurs années, en raison de contraintes budgétaires, les débouchés nationaux ne suffisent plus à faire vivre l’industrie de l’armement. La France, comme de nombreux Etats occidentaux, a intensifié sa politique d’exportation pour alimenter les 4 000 entreprises du secteur et ses 165 000 salariés, représentant près de 4 % de l’emploi industriel du pays.

Pour cela, dès son arrivée à l’Elysée en 2012, François Hollande adopte la politique inverse de Nicolas Sarkozy, misant sur la discrétion plutôt que sur les coups d’éclat. Il confie à son ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, le soin de développer des relations avec les pays intéressés par des armements et d’évaluer leurs besoins pour nouer des partenariats à long terme. A charge ensuite aux industriels, en lien avec la Direction générale de l’armement, de négocier les contrats.

Des ventes politiques

Le ministre de la défense multiplie ainsi les voyages à l’étranger. Pour la seule année 2016, il aura effectué 58 déplacements dans 35 pays, soit 409 000 kilomètres, dix fois le tour de la Terre. Au terme des 1,5 million de kilomètres parcourus depuis 2012, « la méthode Le Drian » a fait ses preuves. Plus de 80 milliards d’euros de commandes d’armes et d’équipements militaires ont été enregistrés, plus du double du précédent quinquennat. Un record.

Mais, sur ces marchés, l’affrontement est rude. Ces ventes sont avant tout politiques et peuvent connaître de sévères revers, comme ce fut le cas en Pologne début octobre, avec le changement de gouvernement et l’arrivée au pouvoir des conservateurs du PiS (Droit et Justice) pro-américain. Varsovie, qui négociait cinquante hélicoptères Caracal avec Airbus, s’est finalement tournée vers les hélicoptères américains Black Hawk, déclenchant une crise diplomatique avec Paris.

« Il y a des pays européens qui pensent que les Etats-Unis seront toujours là pour les protéger, au point même d’acheter des armes uniquement aux Etats-Unis et pas aux Européens », avait alors déploré François Hollande dans un discours sur l’Europe.

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Cette détérioration des relations franco-polonaises n’arrange pas DCNS, en compétition avec le suédois Saab et l’allemand TKMS pour la vente de trois sous-marins. Le groupe français retrouve son rival d’outre-Rhin en Norvège pour la fourniture de quatre à six submersibles à la marine royale. Leur rivalité est d’autant plus vive que les Allemands ont été sonnés par leur défaite en Australie face à la France. La réponse d’Oslo est attendue en 2017.

Le premier semestre 2017 peu propice aux affaires françaises

Hors d’Europe, les regards sont tournés vers la Malaisie, intéressée par des Rafale dans le sillage de l’Inde, et le français Nexter est l’un des deux candidats en lice pour fournir 1 400 canons tractés de 155 millimètres à l’armée indienne.

Le Moyen-Orient reste toutefois le principal marché convoité par Paris, avec des perspectives de vente de plusieurs centaines de véhicules blindés VBCI de Nexter au Qatar ou la modernisation, en Arabie saoudite, du système de défense antiaérienne de courte portée, avec le Crotale NG de Thales. Par trois fois depuis 2012, dont cette année, l’affaire a failli aboutir avec Riyad. Mais la campagne s’étire, tout comme celle pour l’acquisition par les Emirats arabes unis d’une soixantaine de Rafale. Les discussions ont démarré en juin 2008, depuis bientôt neuf ans.

La période électorale qui s’ouvre en France est peu propice à l’avancée des grands contrats « structurants » d’Etat à Etat. Les pays préfèrent généralement attendre la nouvelle équipe pour ouvrir ou relancer des négociations. Cette fois, le gel aurait débuté début décembre, à la suite de la décision de François Hollande de ne pas se représenter.

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