L’Etat islamique n’a pour l’instant jamais revendiqué d’attaques en Turquie

L'Etat islamique n'a pour l'instant jamais revendiqué d'attaques en Turquie

Le Monde
| 29.06.2016 à 13h47
Mis à jour le
29.06.2016 à 16h21
|

Par Madjid Zerrouky

Quelques heures après l’attentat à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, qui a fait au moins 41 morts dans la soirée de mardi 28 juin, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a désigné l’ennemi de manière plus précise, en déclarant que « tous les indices » pointaient vers l’organisation Etat islamique (EI). Laquelle, pourtant prompte à revendiquer systématiquement sa responsabilité dans les attaques commises en son nom partout ailleurs dans le monde, n’avait pas réagi mercredi à la mi-journée.

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Si l’attaque de l’aéroport d’Istanbul, similaire à celle de Bruxelles au niveau de son mode opératoire, se distingue des attaques précédemment attribuées à l’EI en Turquie, c’est la septième qu’auraient commise des membres ou des sympathisants du mouvement djihadiste depuis janvier 2015. Et la troisième à viser la capitale économique et haut lieu touristique, Istanbul.

Accusé par les autorités turques

Le 12 janvier, Nabil Fadli, 28 ans, citoyen syrien né en Arabie saoudite, commet un attentat-suicide qui coûte la vie à dix touristes allemands non loin de la Mosquée bleue, au c’ur de la péninsule historique d’Istanbul. Accusé par les autorités turques d’être membre de l’EI, il aurait séjourné à Rakka, selon les confidences de l’un de ses amis, recueillies alors par Le Monde.

Le 19 mars, un attentat-suicide fait quatre morts sur l’avenue Istiklal, une grande artère piétonne commerciale de la partie européenne d’Istanbul. Les enquêteurs identifient le kamikaze comme étant un Turc né en 1992 à Gaziantep, une ville située dans le sud-est de l’Anatolie, non loin de la frontière syrienne.

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L’organisation djihadiste n’a jamais revendiqué un attentat sur le sol turc. A l’exception notable d’une série d’assassinats visant des journalistes ou des membres de l’opposition syrienne dans les villes frontalières de Gaziantep et d’Urfa, qui accueillent depuis le début de la guerre civile syrienne de nombreux réfugiés et militants qui ont été contraints de quitter la Syrie : deux membres tués du réseau RBSS (Raqqa Is Being Slaughtered Silently, « Rakka est massacrée en silence ») en octobre 2015, ou l’ancien animateur et défenseur des droits de l’homme Mohammed Zaher Al-Churqat en avril 2016.

Pourquoi une telle stratégie en Turquie ‘ L’hypothèse la plus communément retenue est celle de la dépendance de l’Etat islamique envers le territoire turc, qui expliquerait pourquoi l’EI s’en tenait jusqu’ici à envoyer des « avertissements » à Ankara, dont les services de sécurité ont accru leur pression contre l’organisation.

Plus de 3 000 arrestations

Initialement, la présence de l’EI en Syrie voisine n’a pas été vue par Ankara comme une source de préoccupation majeure, mais plutôt comme une opportunité face aux revendications territoriales des Kurdes syriens, considérés comme la menace prioritaire. Désormais, les forces de sécurité turques s’emploient à démanteler les filières de l’EI présentes sur leur sol. Il y a eu en effet, au total, plus de 3 000 arrestations en lien avec l’EI et des activités djihadistes, selon le ministère de l’intérieur turc, qui a donné ce bilan après l’attentat d’Istanbul en janvier.

Mais revendiquer des attentats d’ampleur, c’est entrer officiellement en guerre ouverte contre la Turquie et s’exposer à des représailles massives en Turquie, comme dans les zones que les djihadistes contrôlent en Syrie. Or, l’EI a jusqu’ici besoin du territoire turc, qui est son seul lien avec le monde extérieur : comme sanctuaire, terre de recrutement et lieu de passage pour ses hommes, pour les soigner aussi, ou encore pour les trafics en tout genre qui le financent. Le territoire turc est enfin l’une des rares portes de sortie pour les djihadistes en cas de défaite en Syrie.

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