Les tâches domestiques vice caché de la parité en politique

Les tâches domestiques vice caché de la parité en politique

Parce qu’elles assurent plus de 70 % du travail domestique, ces femmes qui vivent une « triple journée » peinent à mener une carrière politique.

Le Monde
| 03.03.2016 à 14h56
Mis à jour le
07.03.2017 à 16h31
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Par Anne Chemin

Elles sont élues locales, elles aiment la politique mais elles en viendraient presque à envier les femmes qui se plaignent, jour après jour, de la « double journée ». Car pour elles, la « triple journée » est souvent la règle : leur mandat leur impose mille obligations, elles exercent en parallèle un métier qui les fait vivre et elles n’échappent pas à la fatalité de l’inégale répartition des tâches domestiques’. Malgré la révolution de l’égalité, plus de 70 % de ce travail est encore accompli par les femmes. « Beaucoup d’élues n’ont plus un moment à elles », résume Magali Della Sudda, chargée de recherche au CNRS (Centre Emile-Durkheim de Bordeaux) et auteure, en 2009, d’un article sur les « temporalités à l’épreuve de la parité » (revue Temporalités).

Inscrite solennellement dans la Constitution en 1999, la parité politique buterait-elle sur ce continent abrité des regards qu’est la sphère privée Le sacro-saint principe de l’« égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives’ » dépendrait-il, in fine, des petits arrangements qui rythment la vie intime des couples C’est la conviction de tous ceux qui regardent de près la vie politique française. «’ Le travail domestique constitue un frein puissant à l’engagement des femmes dans la vie publique », résume Victor Marneur, un doctorant en sciences politiques de Sciences Po Bordeaux qui a consacré sa thèse à l’accès des femmes aux mandats locaux.

«’ Au sein de l’espace privé, les hommes bénéficient d’indéniables privilèges.’ » Roland Pfefferkorn, sociologue

Pour la politiste Magali Della Sudda, le non-partage des tâches domestiques est l’une des raisons « méconnue mais décisive’ » des désillusions de la parité. « Le débat s’est concentré, à la fin des années 1990, sur la dimension philosophique de reconnaissance de la différence des sexes dans l’universalisme républicain. Les inégalités domestiques, qui ont, à l’époque, été renvoyées à la sphère privée, constituent pourtant une question centrale’ : en assumant l’immense majorité des tâches, les femmes libèrent du temps pour les hommes et leur permettent de s’investir dans la vie politique. Le problème, c’est que, dans la plupart des cas, la réciproque n’est pas vraie. Il faut donc s’intéresser aux conditions réelles de l’égalité. »

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Malgré les combats féministes des années 1970 et l’entrée…

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