Les promesses économiques des populistes sont-elles réalistes ‘

Les promesses économiques des populistes sont-elles réalistes '

S’ils mettent le doigt sur de vrais problèmes, les mouvements populistes proposent des solutions dont les conséquences sont souvent ravageuses pour les classes populaires.

Le Monde
| 07.03.2017 à 06h40
Mis à jour le
07.03.2017 à 09h21
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Par Marie Charrel

L’étiquette « populiste » est parfois utilisée avec excès. Pourtant, de Marine Le Pen à Donald Trump en passant par le premier ministre hongrois, Viktor Orban, le Mouvement 5 étoiles, en Italie, ou le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), les différentes formations qu’elle recouvre présentent de solides points communs. Dans le discours politique, anti-élites et souvent anti-immigration, bien sûr. Mais aussi dans les solutions économiques qu’elles proposent.

Dans le rapport qu’il vient de publier sur le sujet, l’European Economic Advisory Group (EEAG, Groupe consultatif économique européen) analyse ces ressemblances. Ce collectif rassemblant sept économistes aux travaux reconnus, tels que Harold James, de l’université américaine Princeton, Torben Andersen, de l’université danoise d’Aarhus, ou encore Clemens Fuest, président de l’institut économique munichois IFO, a compilé les études publiées sur le sujet ces trente dernières années, notamment celles passant au crible l’histoire politique de l’Amérique latine.

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Premier constat : quels que soient les époques et les continents, les populismes de droite comme de gauche prospèrent en période de crise. L’élection de Donald Trump comme le Brexit ont ainsi largement souligné comment la hausse des inégalités a nourri le rejet des partis traditionnels.

D’un point de vue économique, « les populistes proposent des mesures destinées à ceux qui redoutent de perdre leur statut social et qui se sentent abandonnés par les dirigeants politiques en place », expliquent les auteurs. Leurs programmes présentent trois grandes constantes. « D’abord, ils sont court-termistes et ignorent toutes les contraintes extérieures comme budgétaires. » Les populistes promettent des baisses d’impôts, des hausses des dépenses publiques et des revalorisations de salaires généreuses et séduisantes, assurant que cela regonflera la croissance et générera des rentrées fiscales futures suffisantes pour financer le tout.

En théorie, ces recettes peuvent fonctionner. Mais pas dans les proportions irréalistes proposées par les populistes qui, en dépit de leurs promesses, n’échappent pas aux lois de l’économie. « Ils nient les conséquences de leurs mesures sur la dette et l’inflation », mais celles-ci finissent par les rattraper, précisent les économistes en rappelant l’exemple du Venezuela sous Hugo Chavez, ou encore celui du Chili sous Salvador Allende (1970-1973).

Dans ces pays, les remèdes populistes ont dans un premier temps généré une forte croissance, accompagnée d’un contrôle des capitaux et de protectionnisme. Mais l’explosion de l’économie souterraine, puis de l’hyperinflation et la fuite des investisseurs ont ensuite provoqué l’effondrement des revenus et de l’économie.

La constante du protectionnisme

Autre constante : la dénonciation de la mondialisation. Et en particulier des « multinationales pratiquant le dumping social » comme des « élites profitant du libre-échange au détriment du peuple ». Pour les populistes, la solution à tous ces maux est donc le protectionnisme. Autant d’arguments que l’on retrouve aujourd’hui aussi bien chez Donald Trump que chez Marine Le Pen.

Sur ce point, les mouvements populistes mettent le doigt sur de vrais problèmes, tels que les inégalités creusées par la mondialisation. En revanche, ils proposent des solutions inadaptées, comme le repli sur soi ou le rejet des travailleurs immigrés. « La bonne nouvelle, c’est que la montée de ces mouvements pourrait forcer les gouvernements à traiter enfin les problèmes économiques qu’ils n’ont pas suffisamment pris en compte jusque-là », estiment les chercheurs de l’EEAG.

Par exemple, en mettant en place une fiscalité plus redistributive et en construisant des logements plus accessibles aux classes populaires. Ou encore, en instaurant un revenu universel, comme l’expérimente la Finlande, frappée par la crise de son industrie électronique. « Si elles fonctionnent, ces politiques peuvent saper les ressorts économiques du populisme », concluent les auteurs. Avant de reconnaître que l’adhésion aux valeurs proposées par ces partis, notamment ceux d’extrême droite, est un problème autrement plus complexe à résoudre.

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