Les intox de Laurent Wauquiez sur la répartition des migrants de Calais

Les intox de Laurent Wauquiez sur la répartition des migrants de Calais

L’élu Les Républicains a avancé, ces derniers jours, plusieurs fausses affirmations sur le démantèlement à venir du camp.

Le Monde
| 21.09.2016 à 16h58
Mis à jour le
21.09.2016 à 17h41
|

Par Adrien Sénécat

Laurent Wauquiez a multiplié, ces derniers jours, les critiques contre le gouvernement sur sa gestion de l’avenir du camp de réfugiés de Calais ; une solution de remplacement doit en effet être trouvée avant la fin de l’année pour les 12 000 occupants de ce dernier.

Mais le projet du ministère de l’intérieur, qui veut disséminer les migrants dans les diverses régions françaises, n’est pas du goût du président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui n’hésite pas à le critiquer en usant de contre-vérités.

CE QU’A DIT LAURENT WAUQUIEZ

Invité de LCI mardi 20 novembre, Laurent Wauquiez a accusé le gouvernement d’imposer ses décisions aux élus sans consultation :

« Ce que je ne peux pas tolérer, c’est qu’un ministre de l’intérieur écrive dans une circulaire qu’on imposera l’accueil de migrants sans consulter les maires et sans consulter les habitants. (‘) Vous savez ce qu’il a écrit ‘ Vous avez vu la circulaire de l’intérieur ‘ Il a écrit noir sur blanc aux préfets : Vous ne prendrez pas l’avis des élus, vous ne prendrez pas l’avis des habitants.’ »

Par ailleurs, l’élu LR a lancé le 16 septembre une pétition pour dire non au projet de répartition des migrants de Calais, sous le slogan : « Non à la création de jungles sur l’ensemble du territoire national ! » Une formulation laissant entendre que des camps comparables à celui de Calais pourraient fleurir un peu partout sur le territoire.

POURQUOI C’EST FAUX

Première erreur de M. Wauquiez : le document auquel il a fait référence sur LCI n’est pas une circulaire du ministre de l’intérieur. Il s’agit en fait d’une note envoyée aux préfets, datée du 1er septembre et dont l’existence a été révélée par Le Figaro le 13 septembre. Contacté, le cabinet du ministre de l’intérieur précise qu’il s’agissait en fait du compte rendu d’une visioconférence.

Ce document fixe un premier cadre à la répartition des 12 000 migrants de Calais à travers la France en vue de l’évacuation du camp d’ici à la fin de 2016. Le texte donne également pour objectif de créer « 8 200 nouvelles places » dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) pour répondre aux besoins d’accueil, et en fixe une répartition géographique, région par région. Il y aurait par exemple 1 405 nouvelles places à créer en Auvergne-Rhône-Alpes, 600 en Bretagne ou encore 663 en Normandie.

Pas de petites « jungles » un peu partout en France

Le document demande aux préfets concernés de recenser les sites qui pourraient accueillir ces migrants. En pratique, les CAO ne sont pas des centres permanents, ils sont établis dans des bâtiments vides comme des camps de vacances, des centres de formation ou des bâtiments publics, sur une durée de plusieurs mois. Le ministère compte fournir une liste de lieux disponibles aux préfets, avant de négocier avec leurs propriétaires.

Contrairement à ce que l’élu LR suggère, il ne s’agit donc pas de créer des campements de nature comparable à celui de Calais, mais de répartir les migrants dans ces centres. Une solution qui relève en partie du bricolage, certes, mais dans des conditions sanitaires complètement différentes.

Si l’on prend l’exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes que préside Laurent Wauquiez, il faut retenir que le nombre de personnes à accueillir ne correspond pas un à groupe de personnes installées à un endroit, mais à des centres à définir, répartis sur le territoire.

Ce chiffre est par ailleurs jugé « loin d’être insurmontable » par le maire socialiste de Villeurbanne (Rhône), qui le rapporte à la population globale de la région : 1 784 migrants (dont 1 405 dans des nouvelles places d’accueil), cela représente environ 0,02 % des 8 millions d’habitants de la région. A Villeurbanne, notamment, une cinquantaine de réfugiés ont été accueillis en 2015, selon l’élu, au beau milieu de la région de Laurent Wauquiez.

Les élus « pas consultés », vraiment ‘

Sur la supposée absence de dialogue entre l’Etat et les élus locaux, Laurent Wauquiez fait en fait référence à un extrait de ce document rapporté par Le Figaro et l’AFP, où il est écrit que la « liste devra être remontée sans que soit au préalable recherché l’accord avec des élus locaux ».

Le cabinet du ministre de l’intérieur justifie cette consigne livrée aux préfets par le fait qu’il ne s’agissait que de la phase de recensement des places en CAO et pas de décisions définitives. Mais la discussion débuterait en revanche une fois les projets précisés, assure le ministère : « Il y a eu déjà 184 CAO de créés depuis l’automne 2015, et systématiquement il y a eu un dialogue avec les élus. » Toujours place Beauvau, on fait également valoir que ce ne sont pas les collectivités locales, mais l’Etat qui finance à « 100 % » les dépenses des CAO.

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, ont assuré, le 17 septembre, dans une lettre adressée aux maires qu’après un « premier recensement technique des capacités potentielles d’accueil » les préfets « engageront naturellement une concertation avec les élus locaux ».

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