Les Figures de l’ombre  , espaces de liberté

 Les Figures de l'ombre  , espaces de liberté

Critique. Le réalisateur Theodore Melfi fait de la NASA un théâtre de lutte pour l’égalité dans l’Amérique de la ségrégation.

Le Monde
| 07.03.2017 à 10h14
Mis à jour le
07.03.2017 à 18h06
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Par Thomas Sotinel

L’avis du « Monde » – A voir

L’expression « feel good movie » (film de réconfort) est rarement synonyme d’expérience cinématographique enrichissante. Le sauvetage d’un enfant par un chien ou l’idylle entre deux beaux jeunes gens qui, l’instant d’avant, se haïssaient, peuvent tirer larmes ou sourires, mais obéissent en général à un simple programme de distraction. Les Figures de l’ombre est un spécimen original qui arrache cette catégorie à ses facilités en mettant son furieux optimisme au service d’un sujet et d’une cause dignes d’intérêt.

Adapté d’un ouvrage de Margot Lee Shetterly, le scénario (du réalisateur Theodore Melfi et d’Allison Schroeder) évoque la contribution de scientifiques afro-américaines au programme de la NASA qui a abouti à l’envoi des premiers Américains dans l’espace. Au début des années 1960, la mathématicienne Katherine Johnson (Taraji P. Henson), la physicienne Mary Jackson (Janelle Monae) et la future informaticienne Dorothy Vaughan (Octavia Spencer) travaillaient à Langley (Virginie), qui n’abritait pas seulement le siège de la CIA mais aussi le Langley Memorial Aeronautical Laboratory de la NASA.

Femmes « computer »

Cela plaçait l’organisation sur le territoire d’un Etat encore régi par la ségrégation. Lorsque le film commence, l’essentiel des calculs nécessaires à la survie des premiers cosmonautes est effectué par des femmes exerçant le métier de « computer », appellation qu’elles devront céder aux machines. Les chercheurs mâles et blancs s’approprient leurs contributions qui dépassent souvent les simples opérations mathématiques.

Quelles que soient les facilités d’expression que s’autorise Theodore Melfi (les mouvements de grue qui élèvent la caméra, ralentis), on est forcé de lui reconnaître un esprit de synthèse au-dessus de la moyenne. Il embrasse à la fois l’excitation de la conquête spatiale et la dialectique entre le mouvement général en faveur des droits civiques et les besoins en personnel de la NASA. Face à l’obstacle mortifère de la ségrégation, les trois héroïnes incarnent le principe vital américain, celui qui repousse les frontières.

C’est sur leurs interprètes que repose la réussite d’un film qui courrait autrement le risque du schématisme. Taraji P. Henson, Janelle Monae et Octavia Spencer jouent un peu plus grand que nature, pour mieux mettre en relief leurs triomphes et leurs défaites.

Imposante triade

La première, qui incarne la plus éminente…

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