Les confessions de Hollande navrent ses amis

Les confessions de Hollande navrent ses amis

Les confidences sur sa présidence rapportées dans un livre sabordent le dispositif de précampagne mis sur pied.

Les socialistes pensaient en avoir déjà beaucoup vu avec François Hollande, mais la sortie du livre « Un président ne devrait pas dire ça » (Stock), jeudi 13 octobre, a provoqué une véritable onde de choc parmi les troupes du chef de l’Etat. « C’est hallucinant, je manque de mots pour dire sincèrement ce que je pense. Quelque chose entre le coup de massue et la goutte d’eau de trop », confiait, jeudi, un élu du PS, reflétant un sentiment largement partagé au sein de la majorité et du gouvernement après la lecture des « bonnes feuilles » la veille dans Le Parisien et L’Express.

Immigration, islam, vie privée, justice, critiques contre le PS’ dans cet ouvrage, le chef de l’Etat livre de nombreuses confidences sur sa présidence, parfois dans un style très libre. Des propos rapportés par les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui n’ont pas été démentis par l’Elysée, et qui ont aussitôt suscité la consternation dans son camp et les attaques de la droite lors du premier débat télévisé de sa primaire jeudi soir.

Au-delà même des paroles précises de M. Hollande, c’est le rapport du chef de l’Etat aux médias qui interroge une fois de plus les socialistes. Car ce nouveau livre paraît après toute une série d’autres ces derniers mois, eux aussi largement nourris par des confidences de M. Hollande. Une propension du chef de l’Etat à commenter sa propre action que certains des siens interprètent comme une erreur, voire une faute. « Un président ne doit pas autant se confesser. Le devoir de silence fait partie de sa fonction », a estimé le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, vendredi dans La Provence.

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« Il ne se protège pas »

Depuis deux jours, l’entourage présidentiel essaie d’éteindre l’incendie, plaidant, sans grande conviction, pour « un exercice de transparence » de la part de M. Hollande. « On est excessif avec le président de la République, c’est quasi maladif, mais il ne se protège pas de cet excès, c’est le moins qu’on puisse dire », a expliqué, jeudi au Monde, M. Cambadélis, dans un doux euphémisme. Avant d’ajouter sur RTL vendredi, que le chef de l’Etat peut encore être candidat mais qu’« il ne s’est pas facilité la tâche », avec cet ouvrage.

« Dans deux jours, on ne parlera plus de ce livre, ce sont des mots qui s’évaporent », tente de relativiser de son côté ce proche de M. Hollande, affirmant que la présidence n’était pas affaiblie par ce nouvel épisode : « Quand on a connu les attentats, les horreurs de Charlie, du Bataclan, de Nice, il peut se passer n’importe quoi, le pouvoir est blindé. Dans dix ou vingt ans, quand on parlera du quinquennat de François Hollande, on se souviendra du 11 janvier 2015, mais pas du livre de Davet et Lhomme. »

Quoi qu’en dise le pouvoir, les dégâts politiques peuvent être de taille pour le chef de l’Etat. D’autant que la parution de ce livre tombe à un très mauvais moment pour lui. Avant cette nouvelle polémique, tout avait été en effet mis en place pour lancer la précampagne de candidature de M. Hollande à la primaire du PS en janvier, puis à la présidentielle. D’abord, une interview accordée à L’Obs, le 13 octobre, dans laquelle le président de la République se dit « prêt », puis dans la foulée, le lancement programmé d’un appel de parlementaires socialistes en sa faveur, avant une série de discours ciblés. « Tout était calé et patatras ! Le livre écrase l’interview dans L’Obs et on va sans doute devoir décaler l’appel des parlementaires », se lamentait, jeudi, un dirigeant du PS.

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Ambiance crépusculaire

Comme chaque semaine depuis la rentrée, a eu lieu mercredi soir la réunion de coordination organisée par les proches de M. Hollande, rue de Solférino. L’ambiance y était crépusculaire, selon plusieurs participants. « Imaginez l’enterrement de votre grand-mère alors qu’elle est toujours vivante, et vous aurez une idée du climat général », raconte l’un d’entre eux. Le coup est rude, mais peut-il pour autant remettre en cause la candidature du chef de l’Etat ‘ Jeudi soir, plusieurs poids lourds socialistes refusaient de se prononcer, mais certains invitaient M. Hollande à accélérer sa prise de décision pour stopper l’hémorragie. Selon M. Bartolone, « François Hollande est pleinement responsable de ses décisions. Mais je me pose des questions sur sa volonté. Une hésitation transparaît (‘). Il y a un grand besoin d’explication pour comprendre s’il veut vraiment être candidat ».

Un socialiste peut se réjouir de ce énième incident du quinquennat. Il s’agit d’Arnaud Montebourg, adversaire désigné de président sortant à la primaire de la gauche. En déplacement jeudi en Moselle, l’ancien ministre de l’économie a choisi la sobriété et l’ironie pour réagir. « L’activité présidentielle est extrêmement journalistique, je préférerais qu’elle soit différente », a-t-il déclaré. Mais en privé, son entourage se fait plus direct : « Sarkozy avait décrédibilisé la fonction présidentielle, Hollande l’abaisse. Pour nous, c’est du pain bénit, même pas besoin de lui taper dessus. Merci du cadeau ! »

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