Le cinéaste Christian Carion remet à la Région la mémoire de l’exode de 1940

C’est l’histoire d’une promesse tenue. L’engagement en question a été prononcé en 2013 par le cinéaste Christian Carion et son producteur Christophe Rossignon, tous les deux natifs du Nord – Pas-de-Calais. Et hier, dans un même élan, tous deux ont remis au conseil régional l’ensemble des témoignages recueillis pour l’écriture du scénario d’En mai fais ce qu’il te plaît. L’ensemble se présente sous la forme d’une série de classeurs débordant de centaines de feuillets manuscrits ou dactylographiés, griffonnés et annotés. Le film, tourné pendant l’été 2014 dans l’Arrageois et le Cambrésis, raconte l’exode de 1940 dans le Pas-de-Calais après l’invasion allemande. Christian Carion (Une Hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël) avait lancé un appel à travers nos colonnes et via France 3 également.

Bilan ‘ « 
On a été inondé. »La boîte aux souvenirs était ouverte sur cette période finalement peu abordée par le septième art et que de nombreux Nordistes (toujours de ce monde) ont vécue. Il y a eu les lettres noircies d’une main tremblante par des aînés pointilleux. Il y a eu les enregistrements MP3 des trentenaires partis interviewer leurs papys et mamies en maison de retraite. Une somme.

Cette avalanche de témoignages se retrouvera en partie dans le film. « 
Par exemple lorsque les soldats allemands jettent du chocolat du haut de leurs Panzers, raconte le cinéaste. C’était le geste du vainqueur. Ma propre mère m’en avait parlé. Je l’ai retrouvé dans les témoignages. » Tout comme il a reproduit sur grand écran l’histoire de cette dame, fillette de sept ans à l’époque, qui, une nuit dans une ferme, tombe sur un Allemand agonisant lui demandant d’abréger ses souffrances. Christophe Rossignon ajoute que cette masse d’écrits s’est révélée tout aussi précieuse pour la costumière ou le chef décorateur.

« Tout cela ne nous appartient pas »

Le long-métrage est sorti sur les écrans le 4 novembre 2015. Quant à ces archives accumulées le temps d’un film, elles étaient destinées à revenir dans le giron public : « 
Tout cela ne nous appartient pas, assure Christian Carion, visiblement très ému hier soir. C’est une mémoire collective. Elle doit revenir ici, dans la région. Elle doit profiter aux chercheurs, aux étudiants, à ceux qui s’intéressent à l’histoire. J’éprouve un plaisir énorme à rendre tout cela à mon territoire.
 »

Au lendemain des Journées du patrimoine, le président des Hauts-de-France a accepté le cadeau de bonne grâce, insistant devant son vice-président à la Culture François Decoster qu’il était hors de question que ces documents « 
prennent la poussière
 » : ils doivent « 
rester accessibles
 ». Il va falloir plancher parce qu’on ne sait pas encore comment.

Par La Voix du Nord
| Publié le 19/09/2016

La cérémonie d’hier soir a marqué l’aboutissement d’une aventure qui a germé en 2012. Mission accomplie’ à un détail près. Pas des moindres. Avec un peu moins de 211 000 entrées, En mai fais ce qu’il te plaît a été boudé par le public. « 
Je le regrette
 », confie Christian Carion dans un euphémisme évident, lui qui tenait tellement à ce projet. Le long-métrage est sorti le 4 novembre 2015. « 
Il y a eu un certain 13 novembre (les attentats du Bataclan et du Stade de France). Vu le traumatisme, le public ne s’est pas dirigé vers un film comme celui-là. »

Même avant les dramatiques événements parisiens, la dynamique a quand même eu du mal à s’enclencher.

« 
D’une manière indirecte, mon film tend un miroir au phénomène des migrants, des gens qui fuient la guerre et se jettent sur les chemins. Dans certaines avant-premières, certains m’ont reproché d’avoir fait un film pour dire au public comment il fallait se comporter avec des migrants. Alors que je ne veux absolument pas donner de leçons. »

En dépit des débats, Christian Carion reste un cinéaste. Et comme tous les cinéastes, il sait que « 
le maître mot, c’est le désir du public
 ».

Voilà peut-être pourquoi il va changer de genre pour son prochain long-métrage, un thriller tendu pour lequel il promet un « 
tournage de cinq jours, dans le Vercors
 ». Dans cet exercice de style, il va laisser son comédien Guillaume Canet dans l’ignorance : « 
C’est un homme qui recherche son enfant. Guillaume sait le point de départ et le point d’arrivée, mais rien de ce qu’il y a entre deux.
 » Christian Carion fait ce qu’il lui plaît.

C. C.

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