Le cauchemar judiciaire d’une activiste pro-cannabis en Alaska

Le cauchemar judiciaire d'une activiste pro-cannabis en Alaska

Le Monde
| 03.10.2016 à 18h49
Mis à jour le
03.10.2016 à 19h04
|

Par Luc Vinogradoff

Charlo Greene, une ancienne journaliste de télévision devenue activiste pro-cannabis, se retrouve dans une situation judiciaire aberrante en Alaska, qui fut pourtant le troisième Etat américain à légaliser la substance.

Techniquement, le cannabis est légal en Alaska depuis février 2015, après l’approbation de la mesure par référendum l’année précédente. Il y est autorisé de faire pousser, de posséder et de « transférer » jusqu’à 28 grammes de cannabis. Mais l’Etat a pris du retard à créer un système de production et de vente légal, notamment dans la distribution de licences. Ce qui explique que le système qui prédatait la légalisation ait continué à fonctionner.

Charlo Greene préside l’Alaska Cannabis Club, une association qui fournissait ses membres en cannabis en échange de « donations ». Elle n’a pas attendu d’avoir le feu vert des autorités locales pour ces échanges. Des policiers en civil ont mis fin à l’opération en 2015 et ont mis en examen Mme Greene, en tant que dirigeante de la structure. Elle risque jusqu’à cinquante-quatre ans de prison.

« Je m’en fous, je démissionne »

En septembre 2014, Charlo Greene était devenue une star virale éphémère à cause d’un extrait d’émission qui avait circulé sur les écrans de la planète. Sur un plateau de télévision, elle intervenait après un sujet sur l’Alaska Cannabis Club pour révéler qu’elle en était la présidente, qu’elle militait pour la légalisation du cannabis et terminait la séquence en disant : « Je m’en fous, je démissionne ! »

Deux ans plus tard, la femme de 28 ans, de son vrai nom Charlene Egbe, se retrouve dans la tourmente judiciaire. Ses défenseurs soulignent l’absurdité de la situation : une personne encourt une très longue peine de prison pour avoir vendu une substance considérée comme légale par l’Etat d’Alaska, et que ses clients, dont certains souffrent de maladies incurables, ne pouvaient pas acheter légalement parce que l’Etat n’avait pas créé les infrastructures nécessaires à temps.

Le magazine High Times, dont on n’a pas besoin de dire où résident les sympathies, résume la situation :

« Malgré la nouvelle législation sur le cannabis, entrée en vigueur le 24 février 2015, la police d’Anchorage [plus grande ville d’Alaska] se comporte comme si elle ne comprenait toujours pas ce que veut dire la légalisation du cannabis, en faisant deux descentes contre l’Alaska Cannabis Club de Greene en mars et en août 2015. »

Pour les autorités locales, la peine encourue par Mme Greene est légitime dans la mesure où elle a voulu contourner, ou même aller plus vite que la loi. Son statut de présidente du club lui fait encourir toute la responsabilité juridique, même si elle n’était pas présente sur place lors des descentes policières. « C’est vertigineux quand on y regarde bien. Ça pourrait littéralement me coûter le reste de ma vie », dit Charlo Greene au Guardian, alors que son procès doit commencer dans les prochains mois.

Après une réunion préliminaire, elle a écrit un post de blog pour dénoncer ce qu’elle appelle « son lynchage des temps modernes ». Et se demander pourquoi sur les « 100 millions de personnes qui m’ont regardé démissionner », personne n’était venu la soutenir publiquement.

Leave A Reply