L’Assemblée débat de mesures pour lutter contre les  contrôles au faciès 

L'Assemblée débat de mesures pour lutter contre les  contrôles au faciès 

Le Monde
| 29.06.2016 à 16h50
Mis à jour le
29.06.2016 à 16h59
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Par Hélène Bekmezian

Le sujet revient régulièrement dans le débat public. Faut-il instaurer le principe d’un récépissé remis par la police lors d’un contrôle d’identité afin de lutter contre le « contrôle au faciès » ‘ Le candidat François Hollande, sans le dire précisément en ces termes, semblait le penser, vu le trentième de ses soixante engagements : « Je lutterai contre le délit de faciès’ dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens. » Pourtant, quatre ans plus tard, la mesure n’est toujours pas effective, principalement à cause de l’opposition des ministres de l’intérieur successifs, Manuel Valls d’abord, puis Bernard Cazeneuve.

Mercredi 29 juin, dans la soirée, le sujet reviendra à l’Assemblée à travers des amendements au projet de loi Egalité et citoyenneté, actuellement en débat. Mais pas comme certains l’auraient voulu. En effet, des élus de gauche, dont Pouria Amirshahi (non inscrit), Gabriel Serville (Gauche démocrate et républicaine), Isabelle Attard (non inscrite), Pascal Cherki (PS) ou Gérard Sebaoun (PS), ont eu la désagréable surprise de constater, mardi, que leurs amendements proposant d’instaurer ce dispositif avaient tous été rejetés avant même leur examen, pour une question de procédure constitutionnelle.

Dépenses supplémentaires et Constitution

La raison avancée est qu’ils créeraient des dépenses supplémentaires pour l’Etat s’ils étaient adoptés. Or, selon l’article 40 de la Constitution, « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

En d’autres termes, a réagi M. Amirshahi, en criant au « scandale », ils ont été jugés irrecevables, car « l’achat de carnets de récépissés et de stylos serait à l’origine d’une création ou d’une aggravation d’une charge publique ». Mais pour le président de la commission des finances, Gilles Carrez (Les Républicains), à qui revient la charge de juger de la recevabilité des amendements au titre de l’article 40, c’est plus que cela. « Avec 10 à 14 millions de contrôles d’identité chaque année, établir systématiquement des récépissés exigerait des moyens humains et financiers supplémentaires », explique l’élu du Val-de-Marne, qui assure qu’il n’y a aucune raison politique à chercher derrière ces rejets.

La présidence de l’Assemblée nationale, qui a reçu un courrier de M. Amirshahi et des autres signataires lui demandant de « revenir sur l’irrecevabilité » de leurs amendements, s’abrite elle derrière l’usage qui veut que le président de l’Assemblée ne désavoue jamais un président de commission, encore moins s’il est dans l’opposition.

Expérimentations

En revanche, a expliqué M. Carrez, des « dérogations » à l’article 40 sont possibles lorsqu’il s’agit d’expérimentations. C’est justement l’objet de l’amendement du rapporteur général du texte, Razzy Hammadi, qui propose de commencer par tester le dispositif, et qui, lui, a été jugé recevable. Le problème, c’est qu’il propose que cette expérimentation soit effective « au plus tard le 30 juin 2017 », ce qui fait dire à M. Amirshahi que cela ne sera en réalité jamais mis en place, « car la réalité, c’est tout simplement qu’ils n’en veulent pas ».

D’ailleurs, rien ne garantit que M. Cazeneuve donne son accord mercredi soir ne serait-ce qu’à une expérimentation’ Quand le sujet avait été abordé lors du débat sur la réforme de la procédure pénale, en mars, le ministre de l’intérieur avait repoussé l’idée jugeant, notamment, que les « contrôles au faciès » étaient un « phénomène totalement marginal ».

Les députés débattront également d’un autre amendement du rapporteur, qui prévoit qu’« en tous lieux », les policiers procèdent systématiquement, « lorsqu’ils sont équipés de caméras individuelles », à un « enregistrement audiovisuel de leurs interventions ». Un amendement, là aussi, à l’avenir incertain, et dont l’issue sera décidée ce soir.

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