La réforme du financement du RSA enterrée

La réforme du financement du RSA enterrée

A moins d’un rebondissement de dernière minute, le financement du revenu de solidarité active (RSA) ne sera pas réformé d’ici au scrutin présidentiel. A l’issue d’une ultime séance de négociations, à l’Hôtel Matignon, le gouvernement n’est pas parvenu à s’entendre, mardi 21 juin, avec les instances dirigeantes de l’Assemblée des départements de France (ADF) pour modifier certaines des règles applicables au dispositif. Restait encore à connaître la position officielle de cette association d’élus, majoritairement à droite, qui devait être formulée à l’occasion d’une assemblée générale ordinaire, mercredi après-midi. Mais la probabilité était grande qu’elle rejette les propositions de l’exécutif visant à confier à l’Etat le rôle de bailleurs de fonds du RSA.

Voilà maintenant près d’un an que des tractations étaient engagées. Elles avaient été réclamées par de nombreux présidents de conseil départemental, confrontés à l’envolée des dépenses de prestations sociales en particulier celles liées au RSA, que les départements assument depuis la décentralisation du dispositif en 2003. L’Etat était censé leur apporter des subsides pour compenser ce transfert de compétences. Mais les dotations n’ont pas suivi la progression du nombre d’allocataires. Fin 2015, un peu plus de 1,7 million de personnes percevaient le « RSA-socle » (ex-RMI) en métropole, alors qu’elles étaient près de 1,3 million six ans auparavant, soit une hausse légèrement supérieure à 30 %. L’année dernière, le RSA a représenté, pour les départements, une charge de quelque 3,54 milliards d’euros, une fois pris en compte les « abondements » de l’Etat, selon l’Observatoire national de l’action sociale. En 2009, ce montant était six fois moins important.

C’est pour cette raison qu’a émergé l’idée, au sein de l’ADF, de redonner à l’Etat le financement du dispositif. Plusieurs scénarios de « recentralisation » ont été échafaudés. Dans sa dernière offre, le gouvernement se disait prêt à reprendre l’intégralité des dépenses (soit environ 11,7 milliards d’euros sur 2017, selon le secrétariat d’Etat au budget). Mais il demandait, en contrepartie, 11 milliards de recettes, jusqu’alors dans les poches des départements. L’ADF, elle, voulait ne rétrocéder que 9,7 milliards, d’après Bercy.

Les parties en présence étaient en désaccord sur deux autres sujets : la mise en place d’un fonds de péréquation au profit des départements financièrement en difficulté et les politiques d’insertion des bénéficiaires du RSA, que Manuel Valls voudrait relancer en invitant les départements à s’y impliquer davantage.

Casse-tête budgétaire

Malgré l’échec des discussions, le premier ministre s’est engagé à apporter un coup de pouce supplémentaire aux conseils départementaux qui peinent à assurer le versement de l’allocation. Cette aide sera supérieure aux 50 millions d’euros débloqués en urgence, l’an passé, à une dizaine de collectivités, affirme-t-on à Matignon. Mais elle ne sera sans doute pas de nature à résoudre le casse-tête budgétaire auquel sont confrontés les exécutifs locaux. « On ne peut pas dépendre chaque année de l’octroi de ces fonds pour garantir l’attribution de la prestation », confie André Viola, président (PS) du conseil départemental de l’Aude, présent lors du rendez-vous à Matignon, mardi.

Cet élu pense que la recentralisation du financement du RSA (à laquelle il était favorable) a été repoussée par la droite pour plusieurs raisons qui ne sont pas que financières : « Certains de mes collègues y étaient opposés, car ils redoutaient que cela n’affaiblisse cet échelon de collectivité, dit-il. D’autres étaient contre, car ils veulent aller vers une décentralisation complète du dispositif. Dans leur logique, il reviendrait au département de fixer les conditions d’octroi du RSA, son montant, etc. Ce qui est très éloigné de la philosophie originelle du législateur, qui en a fait une allocation unique universelle. »

Une analyse partagée par Julien Damon, professeur associé à Sciences Po Paris : « Les textes confèrent aux départements un rôle de chef de file de l’action sociale. Si le financement du système remonte vers l’Etat, beaucoup d’entre eux y verront le début d’un démembrement de leur c’ur de mission. »

On n’en est pas là. M. Valls s’est, à ce stade, uniquement engagé à prendre quelques mesures de simplification, dans les prochains mois, sur la base des recommandations faites par le député (PS, Saône-et-Loire) Christophe Sirugue (Le Monde du 20 avril). Elles auront notamment pour but de faciliter l’accès à cette prestation.

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