La présidente du tribunal administratif de Lille veut plus de magistrats

La présidente du tribunal administratif de Lille veut plus de magistrats

Rétrospectivement, qu’est-ce qui vous a le plus surprise à votre arrivée à Lille

« Incontestablement, l’importance du contentieux des étrangers en rétention administrative. Lille est, en France, la juridiction qui traite le plus ces affaires qu’il faut gérer dans l’urgence en 72 heures. En 2015, ce sont 2 200 dossiers de ce type qui ont été jugés. C’est quotidien. Déjà très important à mon arrivée, ce contentieux a crû beaucoup plus que les autres. Nous avons dû trouver des solutions pour y faire face. Depuis la rentrée 2015, deux magistrats volontaires sont dédiés à ces affaires, en plus des permanences assurées par chacun des magistrats du tribunal. »

Qu’est-ce que cela implique pour le fonctionnement du tribunal

« Nous nous efforçons de faire en sorte que le délai moyen de jugement reste stable. Mais comme nous avons beaucoup de dossiers à juger dans des délais contraints, les affaires ordinaires risquent de prendre du retard. En effet, alors que les affaires entrantes liées au droit des étrangers augmentaient, nous n’avions pas eu d’augmentation significative du nombre de magistrats. »

Vous venez d’emménager dans des locaux neufs. Êtes-vous désormais satisfaite des conditions de justice au sein de votre tribunal

« Nous travaillons depuis mars dans des locaux qui nous offrent des conditions de travail et d’accueil du public décentes.

Ensuite, en termes de moyens humains, le tribunal administratif de Lille est un des moins bien traités par rapport aux autres tribunaux administratifs. Je ne mets pas cela sur le compte d’un ostracisme et je suis lucide sur les contraintes budgétaires qui s’imposent. Mais il y a eu un décalage. Lille compte 31 magistrats, 43 agents de greffe, 5 assistants de justice. En 2015, 9 088 affaires sont arrivées au tribunal de Lille. Soit une hausse du nombre de requêtes de 9,5 % par rapport à 2014 alors que les autres tribunaux baissaient de 2 %.

Le Conseil d’État, qui répartit les moyens, en a pris conscience. Nous ne pouvions pas avoir plus de magistrats dans l’ancien tribunal, pour des raisons de place. Donc il était prévu depuis au moins un an que, dès qu’on aurait déménagé, nous aurions une 7e

chambre et donc des magistrats supplémentaires. Nous l’aurons en septembre, c’était indispensable. Mon objectif est maintenant d’avoir une 8e chambre à la rentrée 2017. Ce serait justifié : on peut présumer qu’en 2016, nous aurons au moins 9 800 affaires entrantes, soit pratiquement 1 000 de plus qu’en 2015. »

L’état d’urgence a-t-il impacté l’activité du tribunal administratif de Lille

« Assez peu. Dans l’ensemble, nous avons été beaucoup moins saisis que d’autres tribunaux. Nous en avons eu moins de dix. Il y a deux explications possibles. Soit la préfecture a peu utilisé les instruments de l’état d’urgence, et notamment les assignations à résidence. Soit ils n’ont pas été attaqués. »

Comment expliquez-vous l’augmentation continue du nombre d’affaires traitées par le tribunal administratif de Lille

« Il y a vraiment une souffrance dans notre pays et notre région et un besoin de trouver une instance devant laquelle on va pouvoir faire entendre cette souffrance. De plus, cette explosion est aussi liée à la suppression du droit de timbre, quelques dizaines d’euros mais qui pouvaient dissuader d’introduire une requête quand l’enjeu était dérisoire. Cela a entraîné des situations dans lesquelles on a saisi immédiatement un juge alors qu’il aurait été sans doute préférable de dialoguer avec l’administration au départ. Normalement, le juge n’intervient que quand le litige est cristallisé, dans un second temps.

Beaucoup de requêtes sont rejetées par ordonnance, parce qu’infondées. C’est notamment le cas pour le contentieux social, qui a explosé depuis deux ans. Il y a un malentendu sur le rôle du juge. Le juge administratif dit si une décision de l’administration est hors des clous de la loi. Il n’attribue pas des prestations sociales.

Il existe une réflexion sur le développement de la médiation parce qu’il manque des enceintes de médiation entre administrations et administrés. »

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