La croissance française devrait être  d’à peine 13 %  en 2016 selon l’Insee

La croissance française devrait être  d'à peine 13 %  en 2016 selon l'Insee

Le Monde
| 06.10.2016 à 18h00
Mis à jour le
06.10.2016 à 18h31
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Par Audrey Tonnelier

C’est une nouvelle qui tombe au plus mal pour le gouvernement de François Hollande, mais aussi pour l’éventuelle candidature du président de la République, à six mois de l’échéance électorale de 2017. La croissance française devrait finalement croître d’« à peine 1,3 % » cette année, a annoncé l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), jeudi 6 octobre. Une révision d’importance par rapport aux précédentes prévisions de l’Institut, qui tablait en juin sur une hausse de 1,6 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2016. Cette nouvelle estimation, qui correspond à celle annoncée, mardi 4 octobre, par le Fonds monétaire international (FMI), est désormais inférieure à l’anticipation gouvernementale.

L’exécutif prévoyait jusqu’ici 1,5 % de croissance pour 2016, et a construit son budget 2017 sur une hausse équivalente pour l’an prochain. « La croissance française reste cependant solide et les prévisions de l’Insee ne remettent en cause ni notre objectif de déficit public pour 2016, ni notre prévision de croissance pour 2017 », a tenu à réaffirmer Michel Sapin.

Comment expliquer le changement de pied de l’Insee ‘ D’abord, par l’accès de faiblesse de l’économie tricolore au deuxième trimestre. « Nous avons commis une erreur de prévision nettement plus forte que d’habitude », a reconnu Dorian Roucher, le chef de la division synthèse conjoncturelle de l’Insee. Initialement attendu en hausse de 0,3 %, le PIB a finalement reculé de 0,1 % d’avril à juin, avait indiqué l’Insee fin septembre. « Nous avions sous-estimé l’effet des grèves du printemps [contre la loi travail], qui ne sont pas restées cantonnées aux raffineries mais ont aussi affecté la chimie et les transports », explique M. Roucher. Après plusieurs trimestres de croissance soutenue, la période a aussi été marquée par une baisse inattendue de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises en services.

Perte de compétitivité

L’Insee a également revu en baisse ses prévisions pour le second semestre. L’Institut table désormais sur une hausse de seulement 0,2 % du PIB au troisième trimestre (contre +0,3 % auparavant) et de 0,4 % au quatrième. Et cette fois, c’est le commerce extérieur qui plombe l’économie française. Les exportations tricolores sont handicapées par le ralentissement du commerce mondial, la fin de la baisse de l’euro, mais aussi par une perte notable de compétitivité. « Les exportateurs français ont reperdu des parts de marché au premier semestre », indique Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee. De sorte que les exportations tricolores devraient ralentir nettement sur l’année (+0,7 % après une hausse record de 6 % en 2015).

Ce trou d’air tient à une conjonction de facteurs négatifs : les difficultés de production d’Airbus, qui subit des problèmes d’approvisionnement de la part de son fournisseur Zodiac Aérospace (sièges et toilettes d’avions). Mais aussi la faiblesse des récoltes de céréales cette année, et les revers du secteur touristique avec la succession d’attentats intervenus cet été.

Pour autant, l’analyse de l’Insee n’est pas exempte de bonnes nouvelles. La consommation des ménages, pilier de la croissance, continuera de progresser cette année (+1,5 %). L’investissement en logement devrait enfin cesser de peser sur la croissance. Ironiquement, les indicateurs semblent enfin revenus au vert du côté des entreprises : le climat des affaires, reflet du moral des chefs d’entreprises, reste bien orienté. Surtout les taux de marges sont à leur plus haut (31,8 %) depuis la crise, même s’ils restent en deçà de leur niveau de 2008 (33,1 %). Quant à l’investissement des entreprises, il devrait bondir au total de 3,6 % sur l’année, un score inédit depuis 2011.

Enfin, porté par l’embellie du début d’année et par les dispositifs de baisse du coût du travail mis en place par le gouvernement (CICE, pacte de responsabilité, prime à l’embauche dans les PME), le marché du travail donne des signes encourageants. « Depuis un an, l’emploi marchand progresse en France », souligne M. Roucher. L’Insee anticipe quelque 165 000 créations de postes cette année, un rythme « suffisant pour que le chômage baisse » dans l’hexagone. « Les créations nettes d’emplois dans le secteur marchand [‘] permettent à l’Insee de prévoir une nette baisse du chômage en France à 9,5 % fin 2016, soit le plus bas taux de chômage depuis mi 2012 [9,4 % en France métropolitaine au troisième trimestre 2012] », s’est félicité M. Sapin.

La France à la traîne de ses voisins

Ce nouveau millésime de prévisions laisse toutefois un goût amer. Au final, la croissance sera « comparable » à celle de l’an dernier (+1,2 %), a pris soin de souligner l’Insee. Pourtant, l’économie française, comme celle de l’ensemble de la zone euro, a connu depuis deux ans une conjonction inédite de facteurs favorables (euro faible, taux d’intérêt au tapis, chute du baril de pétrole). Les entreprises, elles, ont bénéficié d’une politique économique d’ampleur de la part du gouvernement. Dans ce contexte, leur comportement ne laisse pas d’interpeller les spécialistes. Elles ont restauré leurs marges, elles investissent, recommencent à embaucher’ mais elles perdent des parts de marché, au profit de leurs homologues allemandes et espagnoles notamment. « A présent qu’elles ont restauré leurs marges, les entreprises vont-elles baisser leurs prix pour regagner en compétitivité, utiliser les investissements faits pour monter en gamme, ou sera-t-on de nouveau déçu par les exportations en fin d’année, ce qui ne manquerait pas d’interroger sur la capacité de l’économie française à restaurer sa compétitivité ‘ » s’interroge M. Roucher.

Quoi qu’il en soit, pour la troisième année consécutive, la France devrait rester à la traîne de ses voisins. Sa croissance sera inférieure à la moyenne de la zone euro (attendue à +1,6 % par l’Insee) et nettement en deçà de celle de l’Allemagne (+1,8 %).

Et la multiplication des incertitudes depuis le début de l’été n’est pas pour rassurer les prévisionnistes. Depuis le vote en faveur du Brexit fin juin, jusqu’aux perturbations que sont susceptibles de créer l’élection présidentielle américaine, en novembre, et le référendum constitutionnel italien, en décembre, la fin d’année s’annonce mouvementée. Quant à 2017, elle marquera une remontée de l’inflation calquée sur la hausse du pétrole, et des échéances électorales majeures dans les grands pays de la zone euro.

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