La bataille de Rome vedette des municipales

La bataille de Rome vedette des municipales

Le Monde
| 02.06.2016 à 12h10
Mis à jour le
05.06.2016 à 08h07
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Par Philippe Ridet (Rome, correspondant)

Ils se sont présentés pour la première fois ensemble devant les caméras de la chaîne de télévision privée Sky, assis chacun derrière un pupitre vitré, mercredi 31 mai, pour un débat avant le premier tour des élections municipales du dimanche 5 juin dans près de 1 300 communes italiennes (second tour le 19). Les quatre candidats au poste de maire de Rome Virginia Raggi, Roberto Giachetti, Giorgia Meloni et Alfio Marchini concentrent l’attention de tous les médias, quand bien même ce scrutin concerne des villes aussi importantes que Milan, Turin, Bologne et Naples.

Chacun d’eux symbolise une tendance de la vie politique italienne, véritable chantier de reconstruction depuis l’effacement de Silvio Berlusconi et l’émergence de Matteo Renzi, premier ministre et secrétaire du Parti démocrate (PD, centre gauche) et du Mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo. L’élection de Virginia Raggi, une jeune avocate favorite du premier tour, permettrait aux grillini de mettre un terme à leur réputation de mouvement nationalement fort mais localement faible. Au contraire, l’élection de Roberto Giachetti conforterait la stratégie de M. Renzi qui, en 2015, a fait démissionner l’ancien maire trop impopulaire.

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Mais la partie n’est pas moins lourde de conséquences à droite. Giorgia Meloni, venue du parti post-fasciste Alliance nationale et soutenue par la Ligue du Nord, veut quant à elle faire la preuve qu’une radicalisation des thématiques (immigration, sécurité) et du discours, à la manière de son idole Marine Le Pen, est la seule voie possible d’un retour au pouvoir pour la droite. De son côté, Alfio Marchini, un entrepreneur immobilier appuyé par Forza Italia le parti de Silvio Berlusconi et les centristes, entend rassembler un électorat modéré sur qui le nom et la politique du Cavaliere exercent toujours un attrait. Les derniers sondages disponibles avant leur interdiction semblaient condamner cette hypothèse.

Dans les autres villes, la situation est tout aussi fluctuante. Si le Mouvement 5 ètoiles a déjà écarté toute hypothèse d’alliance avec qui que ce soit, il n’en va pas de même pour les autres formations. Des renégats du berlusconisme ont déjà fait savoir qu’ils se mettraient, dès le premier tour ou au second, au service du candidat du PD. Les centristes se partagent entre le soutien à des listes de gauche ou de droite, bien qu’ils fassent partie de la coalition gouvernementale. Enfin, à Milan par exemple, le candidat de droite, Stefano Parisi, et son concurrent de gauche, Giuseppe Sala, ancien commissaire de l’Exposition universelle, ne se distinguent que par la couleur de leur costume.

Renzi accaparé par la réforme du Sénat

Pour toutes ces raisons, Matteo Renzi s’est tenu éloigné de la campagne électorale, n’y consacrant que quelques déplacements la dernière semaine. Il a déjà prévenu que ces scrutins locaux « ne pouvaient en aucun cas constituer un test pour le gouvernement ». Cette manière de « mettre les mains en avant », comme disent les Italiens, présente l’avantage de le protéger quel que soit le résultat, même si ses adversaires n’hésiteront pas à lui attribuer la responsabilité d’une défaite ici ou là.

Elle le laisse libre aussi de mener une autre campagne qui l’occupe bien davantage, celle du référendum d’octobre la date reste à déterminer sur la suppression du Sénat dans sa forme actuelle. Déjà votée à deux reprises dans chacune des assemblées, cette réforme liée aussi à un nouveau mode de scrutin surpasse toutes les batailles aux yeux du président du conseil. S’il parvient à ses fins, Matteo Renzi mettra fin à plus d’un demi-siècle de bicamérisme parfait et d’instabilité gouvernementale. Une victoire lui assurerait, après l’éclatante victoire du PD aux déjà lointaines élections européennes de 2014 (40,8 %), un surcroît de légitimité jusqu’en 2018, au terme prévu de l’actuelle mandature.

« Si j’échoue, j’arrête la politique », a-t-il déjà prévenu à de multiples reprises, décidé à transformer ce scrutin technique en un vote sur sa personne. « Si je gagne, je ne ferai qu’un seul mandat [supplémentaire] jusqu’en 2023 », a-t-il aussi précisé, mettant au grand jour sa stratégie : un triomphe au référendum suivi d’une candidature aux élections législatives puis d’une victoire du PD et de ses alliés et enfin d’une nouvelle nomination au Palais Chigi. Cela n’est pas sans risque. Si les résultats des municipales seront, selon les politologues, « difficiles à analyser » en raison des particularités locales, il n’en ira pas de même de la consultation populaire. Là, les camps des partisans du « oui » et du « non » à la réforme sont clairement délimités.

Le Mouvement 5 étoiles, pourtant favorable à la diminution du nombre des élus, la Ligue du Nord, Forza Italia, la droite extrême, les frondeurs du PD et une cinquantaine de constitutionnalistes attachés à « l’équilibre des pouvoirs » ont déjà fait connaître leur intention de faire campagne pour le « non ». Matteo Renzi n’aura, pour le soutenir, que son parti, les centristes et une partie de la droite, qui l’a aidé à obtenir une majorité au Sénat sur ce texte ainsi que des artistes et des intellectuels, soit l’ébauche de ce que le politologue Ilvo Diamanti appelle le « parti de Renzi » une formation résolument sociale-démocrate dont il serait le seul ciment. Surfant sur le courant de l’antipolitique, toujours fort, il a lancé lors d’une réunion publique : « Voter oui, c’est avoir la possibilité de renvoyer un tiers des parlementaires chez eux. » En attendant, il ne serait pas inutile que la gauche conserve et gagne quelques mairies.

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