Jain et Louise Attaque réconfortent les Francofolies

Jain et Louise Attaque réconfortent les Francofolies

Comment lancer une fête après une minute de silence Celle que les Francofolies ont respectée en hommage aux victimes du drame de Nice était impressionnante de densité émotionnelle, sur cette esplanade Saint-Jean-d’Acre où se dresse la grande scène du festival charentais, dominée par les tours du port de La Rochelle, où la veille était tiré le feu d’artifice du 14 juillet.

Petit bout de femme de 24 ans à peine, Jain pourrait être tétanisée par la solennité du moment et les 10 000 personnes qui lui font face. Elle a beau être un des trois noms les plus programmés dans les festivals de l’été, avec les vieux briscards de Louise Attaque et des Insus, la demoiselle à la janséniste petite robe noire à col blanc ne s’appuie sur aucun autre instrument que les synthétiseurs et la guitare qu’elle pilote en solitaire au centre du grand plateau.

Il ne faut pourtant que quelques secondes à la jeune Française anglophone pour mettre le public dans sa poche, tant l’entrain de cette surdouée du groove donne envie de se faire du bien. La bonne humeur contagieuse de son premier album, Zanaka, sorti en novembre 2015, a déjà fait beaucoup pour un succès en passe de devenir un phénomène.

Une mosaïque de styles

Si Jeanne (anglicisé en Jane, puis phonétiquement en Jain) a conçu ses mélodies en geek du home studio, son univers est d’abord le creuset d’innombrables voyages. Née à Toulouse, grandie à Pau, c’est au rythme des affectations professionnelles du papa et sous l’influence de sa maman d’origine malgache qu’elle s’ouvre à la musique et au monde. A Pointe-Noire, en République du Congo, elle s’imprègne des transes tropicales du soukouss et de la rumba et bricole pour la première fois des rythmes avec un beatmaker local. A Dubaï, puis Abou Dhabi, elle s’initie aux percussions arabes, tout en croquant avec gourmandise dans le hip-hop, le folk, l’électro, les musiques latino ou le reggae.

Une mosaïque de latitudes et de styles que Jain condense avec ses machines, tout en incarnant en concert leur potentiel bondissant. Devenue très à l’aise, ces derniers mois, dans les petits clubs, la voici qui « ambiance » de la même façon les foules des festivals à force d’échanges participatifs, de mise en scène des échantillonnages de sa voix ou de celles des spectateurs.

Peaufinée sur disque sous la férule du compositeur et producteur Maxim Nucci, alias Yodelice, la malicieuse fraîcheur de cet afro-pop-reggae pouvant rappeler l’Anglaise Lily Allen, l’insolence en moins résonne avec une pertinente sensibilité, quand Jain décide de traduire au public un extrait d’une de ses chansons, Heads Up : « La tête levée vers la lumière / Là où on ne mourra pas / Sous un clair de lune / Continuons notre combat / La tête levée vers le temps / Où la peur ne nous guidera pas / Où l’esprit est le plus fort / La vie est pour les amoureux. »

En conclusion d’une soirée qui, après Jain, aura aussi vu jouer sur la grande scène les groupes Feu ! Chatterton, Aaron et se dérouler une « Fête à Ibrahim Maalouf », Louise Attaque choisit à son tour de « chanter pour Nice ». Avec « des chansons d’aujourd’hui, d’hier et d’avant-hier », explique Gaëtan Roussel, le chanteur-guitariste du groupe, en attaquant son concert par Ton invitation, tirée d’un premier album, Louise Attaque (1997), resté la plus grosse vente de l’histoire du rock français (près de 3 millions d’albums vendus).

La communion immédiate avec la foule reprenant en ch’ur cette rêche sarabande dit beaucoup de l’attente suscitée par un groupe de retour après dix ans d’inactivité. Contrairement aux Insus, constitués par trois anciens membres de Téléphone pour ne faire revivre qu’un vieux répertoire, l’ambition ne se limite pas à relever les compteurs de la nostalgie.

Troublante actualité

Mis en sommeil en 2006, après avoir constaté que leur alchimie se grippait, Louise Attaque a attendu d’être sûr de pouvoir composer de nouveaux titres avant d’officialiser son come-back. Un processus de retrouvailles entre Roussel, le violoniste Arnaud Samuel et le bassiste Robin Feix, qui a laissé en bord de route le batteur originel, Alexandre Margraff, mais qui a permis de récupérer un instinct créatif et de se réconcilier avec des classiques dont ils avaient fini par se lasser.

A La Rochelle, on s’aperçoit vite de la part importante laissée aux titres d’Anomalie, le récent quatrième album. Victimes d’une production un peu surgonflée dans le disque, ces morceaux s’épanouissent sur scène avec une impressionnante maîtrise. Alors qu’auparavant le groupe donnait parfois l’impression de jouer sur la défensive, les années semblent avoir nourri un tempérament conquérant, à l’instar des interprétations plus extraverties d’un Gaëtan Roussel, qui a tiré profit du succès de ses expériences solos (les albums Ginger, 2010, et Orpailleur, 2013).

Bénéficiant aussi de l’apport d’un excellent nouveau batteur, Nicolas Musset, et d’un clavier, Johan Dalgaard, Louise Attaque rend palpable la tension dramatique d’un titre, L’Insouciance, d’une troublante actualité. « A l’antenne aujourd’hui / J’entends que l’on meurt, que l’on vit / Et l’insouciance qui nous fuit / L’insouciance qui n’a pas de prix. » Avant de réconforter les Francos en mettant une énergie renouvelée au service de cavalcades fédératrices ( J’t’emmène au vent, Amours’).

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