Israël-Palestine , la communauté internationale suspendue aux décisions de Trump

Israël-Palestine , la communauté internationale suspendue aux décisions de Trump

Face aux craintes suscitées par l’arrivée de la nouvelle administration américaine, la conférence de Paris sur le Proche-Orient a rappelé les bases d’un règlement du conflit.

Le Monde
| 16.01.2017 à 06h29
Mis à jour le
16.01.2017 à 09h04
|

Par Marc Semo

Les risques de ce que pourrait être la politique israélo-palestinienne de Donald Trump  et notamment les effets dévastateurs d’un transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, capitale d’Israël non reconnue internationalement ‘ étaient dans toutes les têtes, dimanche 15 janvier, mais pas dans le texte final, âprement négocié, de la conférence sur le Proche-Orient qui s’est tenue à Paris. Le communiqué publié à l’issue de ce sommet, qui a réuni 75 pays et organisations internationales mais sans les parties concernées, appelle Israéliens et Palestiniens « à démontrer leur engagement pour la solution à deux Etats, et à s’abstenir d’actions unilatérales qui préjugeraient du résultat de la négociation, notamment sur les frontières, Jérusalem, les réfugiés », ajoutant que, si de telles actions étaient entreprises, « ils ne les reconnaîtront pas ». Il s’agit là d’une allusion à la promesse de la nouvelle administration américaine. Elle reste néanmoins très indirecte. « Un message subliminal », soupire un diplomate français.

« Une provocation »

Les tentatives de la Ligue arabe pour évoquer le sujet et appeler des « tierces parties » (il n’était pas question de nommer explicitement Washington), et pas seulement les protagonistes du conflit, à s’abstenir d’initiatives déstabilisatrices n’ont pas abouti. Même si elle réaffirme son engagement pour une solution à deux Etats, la communauté internationale représentée à Paris (tous les pays du G20, les 28 membres de l’Union européenne, les pays de la Ligue arabe’) ne fait pas bloc. Au sein de l’UE comme dans le monde arabe, certaines capitales notamment Londres et Le Caire ne veulent pas s’aliéner la future administration américaine.

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Les autorités françaises n’en ont pas moins clairement mis en garde Washington. Lors de son intervention, François Hollande a affirmé sur un ton diplomatique que « chacun doit bien comprendre quel est l’enjeu et que rien ne peut être improvisé ou bouleversé ». Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, s’est montré plus dur pour dénoncer un projet « extrêmement lourd de conséquences ». « Tous les derniers présidents américains s’étaient engagés à ce transfert et tous y ont renoncé », a-t-il expliqué lors de la conférence de presse finale, soulignant que « la question est si sensible qu’elle ne peut être résolue que par une négociation entre toutes les parties. Agir unilatéralement aurait les effets d’une provocation ».

Cela reviendrait à défier ouvertement l’ONU, pour laquelle le statut de Jérusalem dont la partie orientale palestinienne a été occupée en 1967 puis annexée par Israël en 1980 doit se régler par la négociation. Les Palestiniens, qui veulent aussi faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur Etat, ont d’ailleurs vivement réagi : le président Mahmoud Abbas, présent à Paris mais pas à la conférence, a menacé de revenir sur la reconnaissance d’Israël si une telle décision était appliquée.

Laborieux compromis

La conférence de Paris visait à rappeler la nécessité impérative de sortir de l’actuel statu quo. « Comment penser que le Moyen-Orient pourra retrouver sa stabilité si on ne traite pas le plus anciens de ses conflits ‘ Car il continue de servir de prétexte aux criminels qui enrôlent des esprits égarés », a martelé François Hollande. « Il y a un sentiment d’urgence, souligné par toutes les interventions, afin de préserver les conditions pour la solution à deux Etats, aujourd’hui gravement menacée », a renchéri Jean-Marc Ayrault, estimant que « toutes les conditions de l’escalade sont encore là ». Il a également rappelé que « la base » de règlement du conflit était « les frontières de 1967 et les grandes résolutions des Nations unies », se référant aux textes appelant Israël à se retirer des territoires occupés après la guerre de 1967.

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L’objectif était de « graver dans le marbre les grands principes avant une période lourde d’incertitudes », résume un diplomate. Il s’agissait aussi du dernier d’une série de gestes entrepris par la communauté internationale sur la question israélo-palestinienne, dont le vote à l’ONU, le 23 décembre, de la résolution 2334 exigeant l’arrêt « immédiat et complet » de la colonisation. Ce texte avait été approuvé par 14 des membres du Conseil de sécurité et avec l’abstention des Etats-Unis, qui n’ont pas usé de leur droit de veto pour la première fois depuis 1979. Quelques jours plus tard, dans un discours en forme de testament politique, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, avait à nouveau dénoncé la colonisation et énoncé les grands principes indispensables à une solution, tout comme la nécessité de reconnaître le caractère juif de l’Etat d’Israël, ce que refusent les Palestiniens.

« Comment penser que le Moyen-Orient pourra retrouver sa stabilité si on ne traite pas le plus anciens de ses conflits ‘ Car il continue de servir de prétexte aux criminels qui enrôlent des esprits égarés »

François Hollande

Laborieux compromis, le communiqué final de la conférence se réfère aussi bien aux recommandations émises en juillet 2016 par le Quartet sur le Proche-Orient (Etats-Unis, UE, Russie, ONU) qu’aux résolutions de l’ONU les plus pertinentes, dont la 2334, ce qui a satisfait notamment les pays arabes. Il intègre aussi une mention explicite des « principes » évoqués par M. Kerry.

Portée symbolique

A l’issue des travaux, le secrétaire d’Etat américain s’est félicité d’un texte « équilibré ». Il a également confirmé qu’il s’était entretenu dimanche au téléphone avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, pour le « rassurer », alors que ce dernier n’a de cesse de dénoncer l’initiative française, traitée d’« imposture » ou qualifiée de « futile ».

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Le communiqué final, avec toute sa portée symbolique, devait être endossé lundi par les ministres des affaires étrangères des Vingt-Huit, qui se réunissent à Bruxelles. Ce texte pourrait aussi être repris au Conseil de sécurité de l’ONU, qui doit se réunir mardi, et faire l’objet d’une « déclaration ». A la différence d’une résolution, ce type de texte n’a aucune valeur juridique mais ne peut être bloqué par un veto. Ce qui génère une crainte supplémentaire de la part des autorités israéliennes.

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