Grève dans un lycée du Val-d’Oise ,  L’école est en train de démissionner dans les banlieues 

Grève dans un lycée du Val-d'Oise ,  L'école est en train de démissionner dans les banlieues 

Exaspérés et déterminés. Mercredi 13 septembre au matin, une trentaine de parents d’élèves du lycée René-Cassin, à la sortie de la ville de Gonesse (Val-d’Oise), se sont installés devant l’établissement pour en bloquer l’accès. Devant les grilles de ce grand bâtiment des années 1990, leurs banderoles ont rejoint celles des professeurs, en grève depuis le 2 septembre, lendemain de la rentrée. Ensemble, ils protestent contre des effectifs surchargés et demandent l’ouverture immédiate d’une demi-classe supplémentaire.

« 36 élèves, c’est la goutte d’eau qui nous a fait réagir »

Cette année, deux classes de première de cet établissement général et technologique comptent 36 élèves, toutes celles de seconde entre 34 et 35 quand la moyenne nationale pour les lycées publics est de 29,8, selon les chiffres 2014. Des seuils inacceptables pour l’équipe éducative. « 36, c’est la goutte d’eau qui nous a fait réagir. Qui peut prétendre qu’il est possible de faire cours correctement avec de tels effectifs ‘ », interroge Marc Oudot, professeur d’histoire-géographie et membre du SNES-FSU (le syndicat majoritaire chez les enseignants de collège et lycée). La mobilisation, peu commune par sa durée, entraîne de fortes perturbations. Depuis la rentrée, certains élèves n’ont eu qu’une dizaine d’heures de cours. Installés au soleil sur la grande place qui borde l’établissement, ils discutent avec animation de la situation.

« C’est sûr qu’on s’inquiète pour notre année, mais c’est presque ridicule de venir en cours dans ces conditions », confie une élève en première STMG (sciences et technologies du management et de la gestion). Tables et chaises manquantes, élèves agglutinés’ assurer un cours relève de l’exploit, racontent les enseignants : « Concrètement, je ne peux même pas écrire au tableau tellement je suis collée à mon bureau », raconte Alexandra Huguet, professeure de français.

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Au-delà des problèmes de sécurité posés par une telle concentration, notamment en cours de sciences, les classes surchargées menacent directement la réussite des quelque 1 400 élèves, selon leurs professeurs. « Non seulement on ne peut pas assurer de suivi individuel, mais le plus grave, c’est qu’on risque de ne pas pouvoir respecter les programmes », estime Arnaud Welfringer, professeur de lettres syndiqué à la CGT. Une « injustice » aggravée par l’origine sociale des élèves de Gonesse. « En banlieue, ces jeunes partent déjà avec un tas d’obstacles. De quelle égalité parle-t-on ‘ », s’insurge Mathilde Doubinsky, également enseignante en lettres. « Quand on vise une grande école, on n’a clairement pas les mêmes chances que les lycéens parisiens. On n’est pourtant pas plus bêtes », acquiesce Benjamin, inscrit en première ES.

Conscients des enjeux soulevés par leurs profs, les lycéens de René-Cassin savent que c’est leur avenir qui est en jeu. « Je redouble ma seconde et je ne vois pas du tout comment je vais réussir. C’est impossible de suivre quand on est 35 », se plaint Julie. « On dit que la République ne s’exprime plus dans les banlieues, mais c’est parce que l’école est en train d’y démissionner », alerte Mathilde Doubinsky, dénonçant « le fossé entre les discours sur l’égalité des chances et la réalité du terrain ».

Les négociations dans l’impasse

Quelques jours après le début de leur grève, les enseignants ont reçu le soutien du député et maire de Gonesse Jean-Pierre Blazy (PS). Ancien professeur d’histoire-géographie, il a écrit au recteur de l’académie de Versailles, estimant le mouvement de protestation « légitime ». De son côté, l’inspection académique explique l’augmentation des effectifs par classe (+ 2,9 % dans les lycées généraux et technologiques du Val-d’Oise, + 3,2 % à René-Cassin) par la conjonction d’une « poussée démographique » et de la « difficulté croissante à recruter des professeurs ».

L’inspection académique est d’accord sur la création d’une demi-classe supplémentaire mais précise que cette proposition n’est« tenable que si les enseignants du lycée acceptent d’assurer les heures de cours », étant donné « le manque de professeurs dans l’académie ». Pour libérer des heures, elle propose de supprimer une partie des cours en demi-groupe, dont la proportion à René-Cassin est supérieure au minimum prévu par la loi. Le reste serait assuré par des heures supplémentaires pour les enseignants.« Inacceptable », jugent ces derniers, qui refusent à la fois d’augmenter leur nombre d’heures supplémentaires et de baisser le nombre de cours en demi-groupe, « indispensables à la réussite des élèves ».

Après plusieurs entretiens, les négociations sont, pour l’instant, dans l’impasse. Les parents d’élèves, eux, annoncent leur intention de continuer le blocage.

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