François Fillon un faux plat et des frondeurs

François Fillon un faux plat et des frondeurs

Venu dans les Alpes-Maritimes en terrain conquis pour dérouler ses propositions sur l’immigration, le candidat de la droite a dû faire face à des turbulences dans son propre camp

Le Monde
| 12.01.2017 à 06h41
Mis à jour le
12.01.2017 à 09h57
|

Par Matthieu Goar

Etouffé par les attaques quotidiennes de la gauche, empêtré dans les polémiques sur son projet de réforme de la Sécurité sociale, François Fillon avait besoin d’un bon bol d’air en ce début d’année. Pour son premier déplacement important de la campagne présidentielle, mercredi 11 janvier, le candidat de la droite s’est rendu dans les Alpes-Maritimes pour parler d’immigration. Une terre et une thématique idéales pour se revigorer auprès d’un électorat longtemps sarkozyste et très compatible avec le discours « radical » de l’ancien premier ministre.

François Fillon a fait du classique : une visite au pas de charge du poste-frontière de Menton, une discussion à huis clos avec les agents de la police aux frontières (PAF) et un discours musclé devant environ 3 000 sympathisants à l’Acropolis de Nice.

« La France est généreuse mais elle n’est pas une mosaïque et un territoire sans limites. C’est une nation en droit de choisir qui peut la rejoindre, en droit aussi d’exiger des étrangers qu’ils se plient à ses règles et à ses coutumes », a-t-il déclaré avant de décliner ses propositions : quotas d’immigration votés par les parlementaires, vérification des « capacités d’intégration » (maîtrise de la langue, adhésion aux valeurs de la République) avant la délivrance des visas, pas d’allocations avant deux ans de résidence, sortie de Schengen des pays qui ne maîtrisent pas leur frontière extérieure, fin de l’aide médicale d’Etat (AME)’

« La cible de tous les autres »

Une ligne ferme agrémentée de mots ciselés pour plaire à une droite de plus en plus éruptive sur les questions migratoires. M. Fillon a ainsi promis de ne pas céder « aux injonctions de la bien-pensance », aux « élites », au « système ». Mais avant de restaurer « l’autorité de l’Etat, l’autorité de la loi, la nécessité de l’ordre », selon ses mots, le candidat va d’abord devoir pacifier ses propres troupes. Notamment les sarkozystes, de plus en plus frondeurs.

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L’hôte de la journée, Christian Estrosi, avait plusieurs fois menacé de ne pas participer à ce déplacement. Mercredi soir, il est finalement venu et s’est payé le luxe de critiquer le candidat à la tribune. « Si je suis un ami de François Fillon, je ne suis pas filloniste », a lancé le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avant d’appeler à une réorientation plus sociale du programme du député de Paris.

« En tant que gaulliste social, je veux, à ce sujet, nous mettre tous en garde : si nous ne parlons pas aux millions de Français issus des classes moyennes, alors nous créerons les conditions de la progression des extrêmes. Le mot social n’est pas une grossièreté. »

Quelques heures plus tôt, sur RTL, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avait, lui, appelé à envoyer un signal à « la France qui travaille », en réactivant une mesure symbolique des années Sarkozy : « Ma conviction, c’est que ce programme doit être enrichi. (‘) Pour moi ça s’incarne par une mesure symbolique, forte et concrète : la défiscalisation des heures supplémentaires. » « Redonner du pouvoir d’achat aux Français est une nécessité, défiscaliser les heures sup est un moyen d’y parvenir. #ValeurTravail », a aussitôt tweeté Valérie Debord, autre ancien soutien de Nicolas Sarkozy.

Cette fronde s’explique par plusieurs facteurs. M. Estrosi et M. Wauquiez ont tous les deux eu l’impression d’avoir été maltraités par François Fillon. Ils n’ont aucun rôle stratégique dans la campagne. Délaissés, ils ont choisi de mettre la pression. Peut-être pour être mieux soignés dans les semaines à venir. A plus long terme, la bataille de l’héritage de Nicolas Sarkozy a commencé, et chacun rêve d’incarner la droite populaire lors du prochain quinquennat. De son côté, l’ancien président est énervé que certains de ses anciens collaborateurs n’aient pas été recasés par M. Fillon, avec qui il doit déjeuner vendredi. Son irritation a peut-être désinhibé les sarkozystes.

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Ces différentes déclarations arrivent à un moment délicat pour le candidat. Après sa victoire, il a d’abord dû riposter aux attaques de la gauche et du FN sur sa volonté de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires et sur sa réforme de la Sécurité sociale. « On n’a pas été bons ni clairs », a-t-il admis, mercredi matin, sur BFM-TV. L’affrontement était rude mais logique. « C’est normal, à ce moment-là, vous devenez la cible de tous les autres, vous cristallisez les attaques », a-t-il confié à quelques journalistes, mardi 10 janvier, en marge de ses v’ux.

Elu avec 66,49 % des voix à la primaire, M. Fillon pouvait, en revanche, espérer acquérir une légitimité écrasante auprès d’une droite souvent légitimiste. Le voilà pourtant obligé de justifier son programme économique auprès de ses propres troupes. « Aujourd’hui, ça n’aurait aucun sens. On est en 2017, on n’est pas en 2007 », a-t-il répondu à M. Wauquiez sur BFM-TV au sujet des heures supplémentaires défiscalisées.

Sans que l’on sache maintenant s’il répond à ses adversaires ou à ses amis, M. Fillon ne cesse de répéter qu’il ne modifiera pas son programme de la primaire. Et il affirme toujours que l’élection se jouera dans les cinq dernières semaines. Echauffés par la poussée d’Emmanuel Macron dans les sondages, certains de ses proches jugent, eux, la période actuelle cruciale, en se rappelant que Nicolas Sarkozy avait dépassé Ségolène Royal dans les sondages, fin janvier 2007. Et François Hollande avait marqué les esprits avec son discours du Bourget, le 22 janvier 2012.

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